Échos du monde musulman N° 206
25 novembre 2013
Superman n'a qu'à bien se tenir !
Car il va avoir une nouvelle collègue – ou plutôt concurrente – très officielle puisque lancée à partir de février prochain par Marvel Comics. C'est Kamala Khans, une pakistano-américaine musulmane (formulation officielle : nous sommes aux États-Unis) résidant dans le New Jersey, à côté de New York. Sa créatrice est une Américaine convertie à l'islam par mariage. La nouvelle héroïne va compléter l'élargissement de la gamme des super-héros, marketing oblige. La précédente femme choisie pour rendre l'équipe moins masculine était blonde aux yeux bleus.
Son auteur annonce que le gros de ses aventures sera les relations avec sa famille, thème inépuisable d'intérêt, pas seulement chez les musulmans.
Tunisie
Toujours pas de nouvelles marquantes depuis l'échec du « dialogue national » le 5 novembre. Ennahda semble avoir réussi à gagner du temps grâce à ce dialogue et à rester au pouvoir.
L'accord avec l'Iran
Les premières réactions sont tranchées : la plupart sont favorables, mais les Israéliens, les Séoudiens et autres adversaires de l'Iran le déplorent.
En fait il ne s'agit pour l'instant que d'un accord intérimaire de 6 mois, et seul l'avenir dira s'il a atteint son but. En attendant il a une retombée accessoire doublement positive : la baisse des prix du pétrole, favorable à l'Europe et défavorable aux finances « à usage douteux ou dangereux »
Les malheurs de la Turquie
Il y a quelques mois, la Turquie était au pinacle : c'était le modèle pour la mouvance des Frères Musulmans, ou du moins pour leur tendance moderniste, avec une arrivée démocratique au pouvoir, une bonne gouvernance et donc une influence politique, morale et économique dans le monde arabe.
Mais la roue tourne vite dans cette région : les Frères « modernistes » se sont fait éliminer en Syrie par des djihadistes et en Égypte par la vieille garde, laquelle s'est fait éliminer à son tour par l'armée. Cette dernière soupçonne la Turquie de continuer à soutenir les Frères.
L'Égypte a expulsé l'ambassadeur de Turquie, et le premier ministre Erdogan a riposté en prenant la mesure symétrique, rajoutant « ne pas respecter ceux qui sont arrivés au pouvoir par un coup d'État ». Pour que le message soit clair il a fait le « salut à 4 doigts», signe de ralliement des pro-Morsi. L'Égypte a déclaré inacceptable cette intrusion dans ses affaires intérieures.
On est loin de l'arrivée en pays conquis des politiques et hommes d'affaires turcs au Caire et ailleurs.
Les djihadistes se mettent au français
Non, ce n'est pas par amour pour la langue de Voltaire, à la fois « colonialiste » et impie car sapant les bonnes traditions, mais pour recruter.
L'instrument est souvent Dailymotion,qui n'arrive pas à contrôler les émissions incitant à la violence, ce qu'elle est censée faire et ce que réussirait mieux YouTube (appel aux compétences, car je ne suis pas familier de ces 2 médias).On y trouve notamment un appel à « tuer les Américains où qu'ils se trouvent » en précisant qu’aucune autorisation religieuse n’est nécessaire pour cela, des vidéos louant les attentats suicides ou dénonçant la démocratie comme « idole moderne » (le terme idole est particulièrement négatif, puisque que c'est une allusion aux croyances arabes combattues par Mahomet, et une hérésie par rapport à un Dieu abstrait que l'on ne saurait figurer).
Dailymotion est d'ailleurs recommandée par des sites djihadistes pour y diffuser la bonne parole.
La Chine double la France en Algérie
Pendant les 3 premiers trimestres de 2013, la Chine a fourni 12 % des importations algériennes contre 11,4 % pour la France. Remarquons que l'Italie et l'Espagne ne sont pas loin derrière, dépassant les 9,5 %. Au total c'est près de 60 % des échanges commerciaux de l'Algérie qui ont été effectués avec l'Union Européenne.
Comme dit dans nos lettres précédentes, ces importations sont en hausse rapide, reflétant la distribution massive de pouvoir d'achat pour éviter les troubles et la baisse corrélative du dinar. La moindre baisse du prix des hydrocarbures s'ajoutant à la baisse actuelle des quantités exportées mettraient le pays en déficit. Pas de péril immédiat néanmoins car les réserves de change sont importantes, et il est vraisemblable qu'au sommet on en reste à « après moi le déluge ».
Des démocrates en manque d’État ?
On glose beaucoup sur la compatibilité entre islam et démocratie. Mais il faut sérier les questions :
- d'abord il y a une demande générale de démocratie dans les pays musulmans, comme en témoignent les foules qui se pressent aux bureaux de vote malgré les consignes djihadistes ou autres, donc au risque parfois de leur vie. Même les Frères Musulmans utilisent l'argument du « président démocratiquement élu », alors que c'est contraire au dogme,
- il y a ensuite désillusion, parfois due aux trucages et toujours du fait de la gouvernance qui suit,
- aux causes générales de cette désillusion, qui n'est pas réservée à ces pays, s’en ajoute une spécifique : l'État n'existe pas, ou presque pas (Irak, Afghanistan, Mali…), ou croule sous son propre poids (Égypte, Algérie, Iran …) ainsi que sous celui de certains groupes, dont l'armée ou certaines milices (mêmes pays et bien d'autres) ; donc dans ces pays, il y a bien « démos » (le peuple), mais il n'y a pas « kratos » (pouvoir), car on ne peut embrayer sur quelque chose qui n'existe pas ou est une sorte de propriété privée.
Ces difficultés la démocratie sont indépendantes de la religion et existent d'ailleurs dans de nombreux pays non musulmans, dont la Russie orthodoxe et le Zimbabwe protestant.