Je repars du bon pied ce matin, pile à l'endroit où j'avais stoppé ma course hier, à l'entrée du Lazio, la dernière région que je vais traverser pendant mon périple vers Rome. L'étape est plus courte et les suivantes le seront aussi. Cela me rassure quant à la fatigue à prévoir pour rejoindre en bon état la place Saint Pierre et du coup, je cours bien ce matin.
Comme le chemin le plus "touristique" est coupé car le pont est hors service, j'emprunte un itinéraire un peu moins bucolique mais pas désagréable jusqu'à Acquapendente. Les kilomètres, avalés de ma foulée désormais calibrée pour l'exercice, défilent bien. Je me sens vraiment à mon aise.
Le paysage change un peu. Les collines sont moins hautes, plus arborées. Les cyprès moins présents. On quitte la Toscane. Dans un petit village, je retrouve Stefano et Sergio, attablé avec les propriétaires d'une nouvelle chambres d'hôtes. On m'y offre gentiment le café. Le minet et la toune de la maison me trouvent très sympathique et me font fête. Le monsieur, outre sa nouvelle activité, est sculpteur et nous montre quelques unes de ses oeuvres. Des compositions en matériel de récupération pas inintéressantes.
Après cette petite pause, je cours jusqu'à Acquapendente. Je songe à Mensen Ernst, un légendaire coureur du 19e siècle capable de couvrir d'impressionnantes distances et auteur de voyages fantastiques, aux messagers coureurs des siècles passés. Un roman récent, plutôt bien écrit, a réinventé l'histoire de Mensen Ernst. Lorsque je l'ai lu, la psychologie du personnage m'avait semblé proche de la mienne. Et une citation m'avait frappé : " Si tu ne peux tadapter à la société, ne te change pas. Change la société. ". Je suis bien sûr loin de cette prétention, mais comme Mensen transportant les idées de la révolution française, je me rêve en messager. Par des actions, des chaînes d'amitié, on peut sans doute tendre vers une société moins fondamentalement axées sur l'économie matérielle et la réussite qu'elle veut mettre en exclusivité. Par mes modestes voyages à pied, je veux aussi apporter ma petite pierre à un édifice spirituel, invisible mais qui fait son chemin. Mais j'ai dit au début de ce paragraphe que je songeais. ..
Une belle côte m'accueille à l'entrée de la ville. Je trouve le centre moins bien mis en valeur que celui des villes toscanes récemment visitées.
Après un dernier café, je dis au revoir à Sergio qui nous quitte pour rejoindre ses montagnes, déjà bien enneigées je crois. Passer cette semaine en sa compagnie fut vraiment très agréable.
Après Acquapendente, le parcours devient plus monotone. Un bocage assez plat. Le vent y souffle fort, les gros nuages noirs s'approchent dangereusement. Mais je vais échapper à la pluie aujourd'hui.
Je faiblis aussi un peu. J'ai faim. Je suis vraiment content d'entrevoir l'entrée de San Lorenzo da Nuovo. Je me rue vers le premier restaurant. J'y mange bien, encore typiquement toscan.
Juste un demi kilomètre plus loin, je suis très surpris de contempler le lac de Bolsena. Cet immense cratère s'étale dans des flots bleus sur une cinquantaine de kilomètres de circonférence.
Je parcours sans peine la douzaine de kilomètres qui me sépare de Bolsena ,dans ce beau décor. On secoue encore les oliviers à l'aide d'engins spéciaux pour cueillir les précieux fruits.
Stefano me rejoint à quelques kilomètres de la ville. Le site ,dominé par un château médiéval, est encore une fois de toutes beautés.
J'ai terminé cette première étape dans le Lazio à 15h. Nous nous rendons ensuite à Orvietto pour accueillir Didier Pradon, qui travaille pour mon partenaire Chamina et vient très gentiment partager les quatre dernières étapes avec moi. Un bon apéritif et une belle soirée amicale nous attendent.