Les degauche sont tombés de haut. Pour tous ces gens, jusqu’en 2012, tout
était clair, extrêmement limpide, et c’est sans une once de doute qu’il fallait
faire payer les riches et les entreprises, supprimer les niches fiscales,
interdire les licenciements, distribuer du pouvoir d’achat aux nécessiteux et
aux autres, imposer à l’Europe entière notre modèle social et construire 3
millions et demi de logements sociaux par an.
Vous allez voir ce que vous allez voir, lorsque la gauche aura repris le
pouvoir, elle s’occupera enfin sérieusement de donner du travail à tout le
monde, de redonner du pouvoir d’achat, de protéger les salariés contre les
licenciements « boursiers », de donner un logement décent à tous, de faire
baisser les loyers et évidemment elle reviendra au plus vite à la retraite à 60
ans.
Or, à part quelques irréductibles optimistes, les de Gauche ont été ramenés
brutalement à la dure réalité. Ils ont bien compris qu’on ne pouvait pas
changer la France avec ces vieilles et mauvaises recettes et qu'il n'y a plus
que dans les projets du PS, en Corée du Nord et chez aficionados du Tea Party
que l’on pouvait trouver une vision aussi simpliste du monde. Ils ont bien
compris que les bonnes intentions ne pouvaient suffire.
Chez les dedroite, le corpus idéologique est plus flou même si les dedroite
rejoignent les degauche lorsqu’il s’agit de demander à l’Etat de distribuer des
aides et plus généralement du pouvoir d’achat à la population.
Malgré tout, eux n'ont jamais vraiment été intéressé par un quelconque
projet, avant tout ils suivent un homme. Certes, un homme qui, au moins dans
son discours, respecte quelques fondamentaux, comme la sécurité, l'autorité, la
baisse des impôts, l’éradication des 35 heures et la suppression frénétique des
postes de fonctionnaires mais avant tout, ils suivent un homme.
Cet homme s'est appelé Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy. Or, même les
dedroite, comprennent que les bilans Chiraquien puis Sarkozien sont pour le
moins contestables. Pas besoin d'être d'une lucidité exceptionnelle pour ce
rendre compte que si la France est dans cet état, elle le doit plus aux
précédents gouvernements qu'à celui qui est en place depuis seulement 18 mois.
Non, pas besoin d'être un extra-lucide, juste un tant soit peu
objectif.
Pire encore, non seulement ces hommes « providentiels » ont déçus
mais ils n'ont pas successeurs. La Droite, non seulement n'a pas de projet, ce
qui n'est pas nécessairement trop grave, mais elle n'a pas de leader, elle n'a
pas de chef. Or sans chef, la Droite ne vaut rien.
Ainsi, pour beaucoup, il est terminé le bon temps des dogmes, croyances,
vérités et certitudes en tous genres qui tels de douillets cocons idéologiques
nous permettaient de nous positionner avec force et conviction dans un camp ou
dans un autre et sur tous les sujets de la vie publique.
Pour beaucoup nous sommes entrés dans le temps de la décertitude.
Alors certes, il reste les vrais degauche et les vrais dedroite, les
irréductibles, ceux qui de toute façon considéraient avec mépris dans leurs
camps respectifs, les chantres d'une politique molle qui n'ose pas rompre
radicalement avec la pensée unique de l'establishment. Ceux qui sont trop
ancrés dans leurs idéologies respectives pour penser ne serait-ce qu'un seul
instant qu'ils puissent être dans l'erreur, ceux là, au contraire de la
majorité des électeurs, se trouvent renforcés dans leurs convictions qu'ils ont
raison contre l'immense majorité de leurs concitoyens.
Ceux-là de toute façon ne laissent guère de place au doute et risquent de
récupérer quelques brebis égarées en manque de repères, mais l'incohérence de
leur discours n'en fera jamais des sauveurs.
Dans un pays plein de paradoxes, ou on attend peu des politiques mais
beaucoup de La politique, ou on veut moins d'Etat mais on attend tout de
l'Etat, la perte de nos certitudes inquiète. Dans une situation que tout le
monde a enfin évaluée à sa juste gravité elle est même particulièrement
anxiogène.
C'est cette inquiétude qui explique que les manifestations fleurissent un
peu partout, pour la plupart en dehors des syndicats ou des partis politiques.
C'est cette inquiétude qui rend tout le monde impatient et donc nécessairement
exagérément critique.
Elle est génératrice de confusion et donc de bouleversements qui, s’ils ne sont
pas maîtrisés, peuvent rapidement tourner au chaos ou du moins à un éclatement
de la société en groupes d’intérêts chacun cherchant à tirer la couverture à
lui.
Mais elle peut être également salutaire si elle conduit à faire prendre
conscience que rien n’est aussi simple que ce qu’on a bien voulu croire et nous
faire croire, et que la complexité de notre monde n’est guère compatible avec
les opinions tranchées et les comportements manichéens.
A suivre donc pour voir si c’est le meilleur ou le pire qui
l’emporte.