Titre original : The Hunger Games – Catching Fire
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Francis Lawrence
Distribution : Jennifer Lawrence, Josh Hutcherson, Liam Hemsworth, Woody Harrelson, Lenny Kravitz, Philip Seymour Hoffman, Donald Sutherland, Elizabeth Banks, Stanley Tucci, Jena Malone…
Genre : Science-fiction/Aventure/Action/Suite/Saga/Adaptation
Date de sortie : 27 novembre 2013
Le Pitch :
Les Hunger Games sont terminés. Ayant sauvé leur peau en faisant semblant d’être amoureux pour attendrir les masses du Capitol, Katniss Everdeen et son compagnon Peeta Mellark embarquent désormais sur une tournée de victoire autour du pays, promus par le Capitol comme les deux célébrités du moment. Sauf que le retour au bercail n’est guère mieux : Katniss est traumatisée par ses expériences dans l’arène, sa romance avec Peeta se complique avec la présence de son ami Gale, le Président Snow la menace, et beaucoup de citoyens des douze Districts voient clair dans son faux-jeu romantique et commencent à la vénérer comme une icône de rébellion. Pour empêcher une révolte des masses, le Président Snow et son nouveau Haut Juge Plutarch Heavensbee annoncent une édition spéciale pour les 75ème Hunger Games : une compétition all-stars avec un choix de combattants sélectionnés parmi les anciens vainqueurs des jeux. Une fois de plus, Katniss et Peeta vont devoir retourner dans l’arène, cette fois pour un combat à mort contre des vétérans redoutables…
La Critique :
À ce stade, je comprends plus ou moins tout ce qu’il y a comprendre sur la popularité et l’ubiquité de la série Hunger Games, sauf en ce qui concerne les gens qui affirment que c’est génial. Et en effet, tous les signes sont là : Jennifer Lawrence est un train de devenir une actrice au talent extraordinaire, une vraie star de cinéma à long terme qui s’épanouit devant nos yeux. On est tous super excités de voir des jeunes et des ados s’investir dans une saga qui traite de la disparité économique et de la lutte des classes. Et oui, le personnage de Caprice Vitamine est un modèle féminin largement meilleur que celui de Bella Swan. Entendu, entendu, entendu. Mais on se rappelle tous ce premier film, non ?
La dernière fois que nous avions vu Clarisse Mandarine, elle tuait des gamins à contrecœur dans un téléfilm incompréhensible, esthétiquement laid et affreusement mis-en-scène par Gary Ross de La Légende de Seabiscuit, qui était censé passer pour une adaptation ringarde du best-seller de Suzanne Collins. Quelque part dans toute cette shaky-cam qui faisait de ce premier volet le film le plus moche depuis Alice aux Pays des Merveilles subsistait l’idée que dans un futur proche, les riches (qui suivent le modèle romain de l’empereur Caligula) obligent les pauvres (qui suivent le modèle des stéréotypes de la classe-ouvrière de la Dépression) à s’entretuer dans des jeux gladiatoriaux télévisés : les Hunger Games. Sa suite, L’Embrasement, s’ouvre avec Carglace Byzantine assumant le fardeau du martyre alors qu’elle et son faux-amant Pizza embarquent sur leur tournée victorieuse afin de continuer la romance truquée qui leur avait permis de survivre dans l’opus précédent, avant d’être renvoyée dans un nouveau tournoi « all-stars » pour se battre contre des tributs de vétérans – un plan formulé par le Capitol pour empêcher la révolution.
Comme quoi, un vrai réalisateur peut faire toute la différence. Un an et quelques millions de dollars plus tard, la série est tombée entre les mains de Francis Lawrence (le bonhomme derrière Je suis une légende et le sous-estimé Constantine). Lawrence a un œil pour les images frappantes, mais n’a jamais trouvé un bon scénario pour illustrer son talent. Il n’en trouve pas ici non plus, mais L’Embrasement est néanmoins un énorme pas en avant par rapport à son prédécesseur, et se dessine presque comme un guide efficace de façon à réparer tous les problèmes du premier film. La tournée de la victoire est un moyen bien plus direct et organique d’enclencher la satire d’une culture téléréalité qui voit les célébrités comme des divertissements, le mélodrame peut maintenant se dérouler dans des images polies et luxuriantes, et le réal’ sait utiliser un trépied et a un budget qui peut se mesurer à son ambition.
Mais plus que tout, le fait de mettre des guerriers expérimentés et généralement plus âgés dans le rôle des concurrents et de leur accorder du temps de façon à nous habituer à leurs talents intéressants et à leurs personnalités individuelles est une trouvaille parfaite pour faire monter les enjeux, au lieu de confronter KitKat Gélatine à une bande de galopins anonymes comme la dernière fois. Voyez plutôt ces invités d’enfer : une équipe frère/sœur, deux gothiques qui font du camouflage, une fille qui s’est polie les dents en crocs pour égorger ses adversaires, une vieille qui se balade sur le dos d’un jeune type louche qui se bat avec un trident, Jeffrey Wright joue un génie de l’informatique qui tue les gens avec sa science, et Jena Malone est particulièrement impressionnante en version bad girl de Pare-brise Magazine qui aime se la jouer bourrine avec une hache.
Certes, c’est plus ou moins une répétition du premier film, avec les interviews et les robes magiques et l’entraînement et les défilés en chariots et ainsi de suite. Mais on s’en fout, tellement cette première heure est prenante. Ces nouveaux personnages badass sont chouettes, Woody Harrelson est de retour dans la peau du mentor bourré, Donald Sutherland, Stanley Tucci et Philip Seymour Hoffman mettent le paquet avec leurs méchants cabotins, et tout semble se préparer pour un grand final dans l’arène qui, espérons-le, donnera une nouvelle signification au terme Mortal Kombat.
Que nenni. Une fois arrivés aux Hunger Games, les personnages se battent un petit peu. Puis ils sont poursuivis par une brume empoisonnée. Puis ils sont poursuivis par des singes meurtriers. Puis ils sont poursuivis par des oiseaux magiques qui troublent l’esprit. Et puis c’est tout. Pour le reste, Catapulte Protéine et son groupe improviste d’alliés passent leur temps à se cacher, tandis que tous ces nouveaux personnages qui avaient le potentiel d’être funs se font tués hors-champ. D’accord, on pourrait justifier que c’est fidèle au livre, et ils essayent quand même de varier un peu la partie (ils se cachent dans la jungle, ils se cachent sur une plage, ils se cachent encore dans la jungle…) mais ça se résume à une collection de scènes qui restent là à traîner sans faire grand-chose et marquent le pas jusqu’à l’acte final.
On peut apprécier l’effort. La série Hunger Games cherche vraiment à être aimée, et en général les films jusqu’ici ne sont pas forcément mauvais. Le casting est bon, les idées basiques derrière l’ensemble sont bonnes, mais on est maintenant à la moitié du chemin et aucun but n’a été marqué. Plus problématique encore, tous les détails intéressants qui sont censés nous faire réfléchir sont généralement au détriment de la saga. Par exemple, il est toujours difficile à comprendre pourquoi le Capitol peut générer artificiellement de la météo, de la matière biologique, des animaux génétiquement modifiés et tout un écosystème rien qu’en appuyant sur un bouton, mais pour une raison ou une autre ils doivent encore utiliser les gens des autres Districts comme main-d’œuvre esclave. C’est bizarre, aussi, que Pois-chiche Halloween soit à nouveau présentée comme une héroïne badass alors qu’elle passe la première heure du film à s’évanouir, à pleurer et à péter un câble. Une excuse qui pourrait là encore être attribuée au roman, mais qui reste une grande injustice pour Jennifer Lawrence, qui est connue pour ses personnages habituellement robustes et déterminés.
Ceci sans parler de l’idéologie. Pour une œuvre du 21ème siècle, la dystopie écart-des-classes chez Hunger Games est bizarrement démodée. La grande métaphore ici fait référence à la Rome antique qui jette les chrétiens aux lions dans le Colisée, mais il est étrange que les gentils soient tous ces braves gens durs comme l’acier et incroyablement nobles qui gagnent leur pain avec de bons vieux boulots honnêtes et traditionnels (fermiers, mineurs, chasseurs), alors que l’indice qu’on nous donne pour montrer que les gens du Capitol sont méchants c’est juste parce qu’ils sont dandys et trop habillés ou efféminés. Même les hommes portent du maquillage parce que beurk !
Il serait idiot de dire qu’il y a un message anti-quelque-chose codé dans l’ADN d’Hunger Games étant donné ses intentions textuelles plus visibles, mais c’est un peu pourquoi ce genre de discorde saute aux yeux, et pourquoi il faut réfléchir avant d’utiliser des abrégés et des raccourcis visuels quand on vise la métaphore. Thématiquement, la grande métaphore de la série traite de la lutte des classes, de l’inégalité des richesses et de la mentalité les-derniers-seront-les-premiers rappelant le spectre d’Occupy Wall Street. Mais visuellement, les métaphores visuelles semblent atterrir dans le camp opposé, au point où à partir d’un certain angle, on pourrait être en train de regarder une extrémiste mener une incursion armée contre San Francisco, juste parce que les gens là-bas sont « différents ».
Ou peut-être c’est juste mon esprit qui divague. Hunger Games : L’Embrasement laisse certainement le temps de le faire. Le film dure plus de deux heures en attendant son troisième acte, avant de s’arrêter brusquement en plein milieu d’une scène, histoire de nous taquiner avec un « à Suivre » pour les chapitres à venir. Dommage pour la fin, dirait-t-on, mais l’appeler une fin n’est pas très respectueux envers les films qui finissent vraiment. Ah, tels sont les risques et périls d’entretenir une franchise…
@ Daniel Rawnsley
Crédits photos : Metropolitan FilmExport