Le Sommet des jeunes
Nouvelles stratégies
Retour sur le Sommet d’août 2013, où des jeunes ont poursuivi leur réflexion pour une nouvelle Politique jeunesse. Déceptions et nouvelles stratégies pour arriver à leur but.
Normand Charest Dossiers Valeurs de Société, Jeunes, Politique
Dans le numéro de septembre-octobre, nous avons couvert le Sommet des jeunes, tenu à Montréal. Et nous avons promis de suivre ce dossier, parce que nous croyons que cette implication mérite qu’on l’appuie. Les jeunes devaient présenter la synthèse de leur travail à la commission parlementaire annoncée pour l’automne.
Mais depuis, la commission a été remise à janvier ou février prochain, ce qui leur donne plus de temps pour peaufiner leur mémoire. De plus, le ROCAJQ (Regroupement des organismes communautaires autonomes jeunesse du Québec) a offert aux jeunes un espace au sein de son Colloque tenu en octobre (le OFF Colloque).
Nous avons assisté à cet OFF Colloque en tant qu’observateur, afin de mieux comprendre leur démarche. Une dizaine de jeunes étaient présents, dont Maryann Gauthier, puis Judeisy de Léon et Ursy Ledrich du BCJ (Bureau de consultation jeunesse) que nous avons déjà interviewés en août dernier.
Retour sur le Sommet
Les jeunes se posent d’abord cette question: le Sommet de cet été a-t-il été une réussite? Ils ont la candeur de s’avouer qu’ils ont éprouvé de grandes difficultés à le réaliser. C’est clair, le projet était trop ambitieux.
Rappelons que l’événement s’est déployé sur cinq jours, avec de multiples ateliers simultanés, sans compter les soirées et le point de presse. De plus, ils apprennent deux semaines avant l’événement qu’ils doivent héberger 70 participants venus de France, alors qu’ils en attendaient au plus une vingtaine. Un énorme défi pour n’importe qui, peu importe son âge.
Donner une voix aux jeunes
Le BCJ a été fondé pour donner une voix aux jeunes. Son principe de base, comme l’explique Ursy, c’est que les jeunes dirigent et proposent des projets, tandis que les intervenants appuient leurs actions, en les aidant à obtenir du financement, par exemple. D’où le slogan «par et pour les jeunes». Si les adultes prennent trop de place dans ce processus, certains jeunes ne parlent pas. C’est pourquoi les jeunes font leurs rencontres sans les intervenants.
Récupération gouvernementale
Depuis des années, ce groupe de jeunes a connu plusieurs déceptions dans ses contacts avec le gouvernement. Des projets qu’ils avaient présentés ont été refusés pour être ensuite, selon eux, repris sans que le crédit leur en soit donné.
C’est le cas pour la tournée de consultation des régions. Même l’expression «En route pour le Sommet» leur aurait été prise. Les jeunes ont écouté ceux des régions, pour prendre note de leurs préoccupations.
Le refus de financement pour raison de «dédoublement» compromettait, pour eux, trois ans de travail. D’autant plus que leurs partenaires les avaient quittés pour se joindre à la tournée gouvernementale. Ils se sont alors sentis doublement floués.
Historique: un exposé brillant
Ursy nous présente d’ailleurs, de manière brillante, un historique de la Politique jeunesse au Québec, en partant de la création du BCJ en 1970 et en passant par les différentes étapes, dont celle du Conseil permanent de la jeunesse, aboli par Jean Charest en 2010, l’Année internationale de la jeunesse, et jusqu’à aujourd’hui. Une succession de belles paroles et de promesses dont la réalisation est continuellement reportée.
Écouter sans juger: deux tournées et deux approches différentes
En plus d’une perte personnelle, c’est la validité de la tournée gouvernementale que les jeunes remettent en question. Selon eux, il y a deux conditions pour comprendre vraiment les préoccupations de la jeunesse.
1. D’abord s’assurer que l’on rejoint les jeunes de tous les milieux, sans oublier les plus marginalisés, ce que la tournée gouvernementale n’aurait pas réussi à faire, disent-ils. «Nous, nous allons voir les jeunes de la rue. Eux s’adressent plus aux jeunes étudiants, déjà politisés.»
2. Il faut aussi recueillir les préoccupations de ces jeunes sans les juger. C’est ainsi que les jeunes du BCJ fonctionnent. À l’opposé, la consultation gouvernementale oriente le débat en sa faveur, en limitant l’expression des participants à des questions qu’elle leur impose.
Confidentialité
À partir des préoccupations recueillies lors de leur consultation, les jeunes vont maintenant élaborer leurs recommandations pour la Politique jeunesse.
Mais après avoir été déçus par la récupération gouvernementale, ils en ont tiré une bonne leçon. Dorénavant, tout leur travail demeurera confidentiel, jusqu’à ce que leur mémoire soit remis à la commission parlementaire.
Les jeunes du Sommet font partie du BCJ dont le rayon d’action ne couvre que la région de Montréal. Mais leur place au sein du ROCAJQ leur permet de s’associer à une cinquantaine d’autres organismes communautaires et à d’autres jeunes, étendant ainsi leur influence à tout le Québec.
Chacun de ces organismes pourra présenter son propre mémoire lors de la Commission parlementaire avec des recommandations similaires, ce qui ajoutera un poids politique à celles des jeunes.
«Les jeunes veulent s’approprier la Politique jeunesse, et pas seulement se la laisser imposer d’en haut par les politiciens. Si tu ne prends pas soin de la politique, c’est elle qui prendra soin de toi.» (Ursy)
On pourra dire que les jeunes manquent d’expérience, mais on ne peut ignorer leur bonne volonté et la pertinence de beaucoup de leurs idées. Si l’on promet de «donner une voix aux jeunes» comme on l’a fait, il faut bien les écouter par la suite.