Koji Fukada, 2013 (Japon, Etats-Unis)
L’ÉTÉ DE TOUTES LES RÉVÉLATIONS
« IL Y A LE CIEL, LE SOLEIL ET LA MER… »
Au revoir l’été de Koji Fukada résonne comme la chanson de François Deguelt. A la lisière entre un film de vacances et une tentative de peinture sociale du Japon, l’été de Fukada garde la chaleur de la saison mais aussi sa profonde légèreté.
Le film estival est-il un genre ? Perchée en haut de la salle du Katorza, j’attends avec intérêt Au revoir l’été, l’un des films de la sélection officielle du festival. Charlotte Garson, organisatrice de Evènement, nous présente l’été de Fukada comme « un film de saison ». L’ancienne critique des Cahiers du Cinéma précise que le réalisateur nippon sera présent durant le festival et qu’il espère vivement entendre l’avis du public sur son film. De mon côté, un tel titre me fait presque redouter le coup de soleil.
Visage angélique, sagement posé sur la fenêtre d’un train de banlieue, Sakuko, jeune fille sage et rêveuse se rend sur son lieu de villégiature. Dès son arrivée en gare, la lumière est douce et l’été palpable. Le chant des grillons omniprésent nous plonge dans un espace familier, celui d’un début de vacances prometteur où soleil et farniente seront au rendez-vous. Une page de cahier ou peut-être de journal intime indique le temps qui passe et la fin inévitable de l’été. Accueillie par sa demie-tante Mikkie, et l’un de ses ex-amants, Ukichi, la belle Sakuko s’engouffre déjà dans les affres sinueux des secrets de famille. Elle ne le sait pas encore mais son séjour sera le théâtre d’histoires de cœurs et autres confidences intimes.
Versant japonisant de Cet été-là de Nat Faxon et Jim Rash (2013) et de l’univers rohmerien, Au revoir l’été rassemble tous les éléments d’une comédie-dramatique de plage. De l’amour, des révélations, du sexe, des repas alcoolisés qui se terminent tard dans la nuit… L’été devient la saison de tous les dangers, la parenthèse où chacun se dévoile et prend le temps de réaliser une introspection personnelle au gré du clapotis de l’océan.
LE SOLEIL ET LA MER MAIS PAS QUE
Malgré des sujets plus que légers, dignes d’un mauvais soap, Fukada a la finesse d’intégrer à son histoire adolescente une intrigue plus délicate. Tout à la dégustation de la fameuse glace estivale, la jeune fille ne pourra pas passer à côté de l’insurrection d’une poignée de villageois manifestant contre le nucléaire. D’un seul coup, Fukushima et le tsunami reviennent en sujet de fond comme une tâche tenace qui, même durant cette pause ensoleillée, s’incruste en filigrane et ramène les vacanciers à la dure réalité.
La réalisation sans surprise n’emporte pas le film. Cependant, les pépites telles que le « Love hôtel » d’Ukichi, où tous les vices prennent leurs aises, démontrent que le réalisateur japonais maîtrise son sujet et sait imbriquer sa bluette dans une réalité crue, sur fond d’adultère et d’amour rémunéré. Improbable dans ce paysage de carte postale goût grenadine. Un mélange étonnant mais qui ne parvient cependant pas à sortir les spectateurs de la torpeur induite par le film. Un sentiment a priori partagé par les spectateurs. Clap de fin, aucun brouhaha de commentaires ne monte dans la salle. Pas d’applaudissements, pourtant habituels au Festival des 3 Continents. Le générique à peine entamé, la salle se vide déjà. Pourtant ce public paraissait bien vivace en début de séance quand il exigeait des sous-titres français, interrompant la séance pour enfin savourer son film. Bilan : nous aurons autant évité le coup de soleil que l’éblouissement.
Céline Gardet, pour Preview,
dans le cadre de la 35e édition du Festival des 3 Continents