Car les critiques viennent aussi de "l'intérieur".
Jean-Marc Ayrault, le soldat.
On connaissait le premier ministre absent, simple exécutant d'un Monarque qui l'étouffait. Il s'appelait François Fillon. Premier collaborateur à avaler toutes les couleuvres, assumer tous les échecs au point de devoir désormais convaincre qu'il a du caractère. On connaissait les premiers ministres loyaux mais dynamiques, anticipant la parole et l'action présidentielles. Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin puis Dominique de Villepin furent de ceux-là, faisant plus de chiraquisme que Jacques Chirac lui-même.
On connaissait ceux qui épousaient les évolutions du patron tout en assumant les coups et l'action. Pierre Mauroy qui géra le tournant de la rigueur en 1983 puis Laurent Fabius qui devait limiter la casse électorale aux élections de 1986.
Il y eut aussi les premiers ministres presque frondeurs, trop autonomes, libérés de leur monarque pour mieux penser à "l'après". Jacques Chaban-Delmas sous Pompidou, Jacques Chirac sous Giscard, ou Michel Rocard sous Mitterrand avaient chacun un programme qui ne collait pas exactement à celui du boss de l'Elysée.
Jean-Marc Ayrault semble un peu à part. Il est arrivé premier ministre à un moment où François Hollande ne savait comment sortir de l'omni-présidence instaurée par son prédécesseur. Lui devait s'évacuer du rôle effacé et masochiste qu'avait créé Fillon pendant 5 ans. Car Fillon avait quand même duré 5 ans à Matignon. Comme un balai qu'on oubli dans un placard.
La réforme fiscale... de qui ?
A en croire les gazettes, Jean-Marc Ayrault a forcé la main d'un peu tout le monde pour lancer cette remise à plat. Hollande a été prévenu juste avant de partir pour Jérusalem. Il a quand même relu l'interview aux Echos avant qu'elle ne paraisse. Mais pour prouver qu'Hollande n'était pas dans la confidence, quelques commentateurs avancent l'argument massue, la déclaration d'Hollande depuis Rome, mercredi, qui temporise: "Il y a là un engagement qui se traduit et qui prendra le temps nécessaire, c'est-à-dire le temps du quinquennat."
Tous les ministres n'ont appris la chose que la veille de la publication. Quelques anonymes ont la trouille ou s'agacent du bon coup. Le Monde en citent deux, très aigris: "Une telle réforme n'a jamais réussi dans ce pays" aurait dit l'un. "Pour l'instant, tout le monde se réjouit, mais quand on va entrer dans le détail de chaque taux, de chaque mesure, on va moins rigoler." "Je suis un peu surpris" aurait ajouté un autre. Quelle solidarité ! Parmi les récalcitrants, on cite Manuel Valls, Vincent Peillon, Claude Bartolone et même Stéphane Le Foll.
"D'accord, c'est un bon coup, les journalistes le disent. Mais on verra ce qu'il en restera dans quinze jours. On va pouvoir en faire, des colloques!", persifle un jaloux. (Source: JDD du 24 novembre)Pierre Moscovici a été effectivement totalement tenu à l'écart, comme ses collègues. Depuis, il explique qu'il "ne veut pas se laisser "enterrer vivant." Belle expression ! Il s'est aussi agacé que les deux changements à Bercy - Ramon Fernandez qu'il apprécie et le directeur du Budget Julien Dubertret qu'il était prêt à faire partir - aient été annoncés si précipitamment. Car le remplaçant de Fernandez hésite encore !
Expliquer aujourd'hui, avec force détails, combien Ayrault aurait joué seul est une petite manip' des déçus et des effrayés. Ayrault assure qu'Hollande était prévenu depuis plus longtemps. L'affaire était dans les tuyaux depuis 3 semaines. Quelques syndicalistes avaient même été mis au parfum. "Je reconnais que la préparation était confidentielle. C'était nécessaire. Tout ceci s'est fait, jusque dans les détails, avec le président de la République, conformément à son souhait"
Finalement, il manquait une autre remise à plat.
Celle du gouvernement.