Par Oddjob
Nombre d’entre vous, amis lecteurs, doit se faire une fausse idée de la rédaction de Fury Magazine, et en tout premier lieu de ma pauvre personne.
En effet, la lecture rapide et peu rigoureuse de mes contributions dans ces colonnes a pu pousser certains d’entre vous, et même certains autres rédacteurs de Fury, à me faire passer pour un simple et unique amateur de "tacatac boum boum", de battle dress poussiéreuse, de MAT 49 mal graissée, et même de Hard FM !!
Que tout cela est fort simpliste (surtout en ce qui concerne Guns’n Roses)…
Car bien sûr, je veux bien avouer ici que l’écoute de la bande originale d’Elmer Bernstein pour The Great Escape marche très bien sur moi (comme disait à l’époque Goudurix…), surtout lorsqu’en compagnie de mes fils, l’on dispose nos jolis petits soldats Airfix au milieu du salon !
C’est vrai aussi que les sorties récentes (et enfin !) en DVD, de Play Dirty (Enfants de Salauds) d’André De Toth, ou de Twilight's Last Gleaming (devenu en français le peu convaincant Ultimatum des Trois Mercenaires), l’un des derniers chefs d’œuvre d’Aldrich, me plongent dans un état de joie immense (il m’en faut peu, j’en conviens…).
Parlez-moi de Peckinpah, de Siegel, de Ford, de Hawks… et l’on enchaînera aussitôt sur les filmographies de Wayne, Mitchum, Caine et Douglas.
Et pourtant, il serait réducteur de considérer ces figures anglo-saxonnes comme les seules de mon panthéon cinématographique car des Français y occupent également une place fort honorable !
Je passerai sur les "classiques", les "attendus", Verneuil, Lautner, Audiard, Grangier, de La Patellière… pour défendre ici d’autres solides artisans, aujourd’hui quelque peu oubliés, mais qui ont toujours été soucieux de respecter une qualité et surtout un genre qui n’existent plus : le cinéma français.
Oui, évoquer le cinéma français, c’est, pour moi, parler au passé. C’est se souvenir de cette seconde messe dominicale mais cathodique celle-là, celle du dimanche soir. Ce moment "béni" au cours duquel on voyait défiler : Noiret, Girardot, Marielle, Montand, Schneider, Ronet, Signoret, Rochefort et bien d’autres, des maisons à la campagne, des DS et des 504, des Gitanes sans filtre, des femmes belles et des hommes élégants, des enfants qui nous ressemblaient et des parents aimants…
Car ne nous voilons pas la face, le cinéma français n’est plus, crucifié sur l’autel de la télé payante et de la publicité débilitante.
Alors souvenez-vous de Philippe de Broca. Vous avez gardé en tête Cartouche, L’Homme de Rio, Le Magnifique. Mais n’avez-vous jamais savouré Le Diable Par La Queue, La Poudre d’Escampette, Le Roi de Cœur ou Tendre Poulet… qui, sous des atours de comédie légère, révèlent un sens de la fantaisie et de la mélancolie inoubliables (les partitions de Delerue n’y étant pas non plus étrangères) ?
Et Jean-Paul Rappeneau, celui qui a sans doute le mieux filmé Catherine Deneuve ! Revoyez La Vie de Château et Le Sauvage et oubliez tout le reste, elle n’a jamais été aussi belle à l’écran. Et que dire Des Mariés de L’An Deux avec Jean-Paul Belmondo et Marlène Jobert, Sami Frey et Laura Antonelli : du rythme, des mots, de la musique et de la mise en scène.
Bref, de simples choses qui ont totalement disparu aujourd’hui de nos écrans.
Et puis, un chef d’œuvre, redécouvert il y a peu, Le Chat de Pierre Granier-Deferre (La Métamorphose des Cloportes, La Horse, Adieu Poulet, on a vu pire filmographie…) : terrible histoire d’amour de deux "vieux" dans leur pavillon de banlieue, alors qu’autour d’eux le Paris populaire disparait, terrassé par le progrès. Beau et glacial, ténébreux et touchant.
Et je n’oublie pas Jacques Deray (La Piscine) ou Robert Enrico (Les Aventuriers), Alain Corneau (Police Python 357) ou Claude Pinoteau (Le Silencieux)… Pourtant, il y a bien longtemps que leurs bobines ne passent plus en prime time.
Enfin un film, ou plutôt une déclaration d’amour à feu le vrai cinéma français, La Nuit Américaine et sa séquence d’intro : un décor, des figurants, un clap, les notes de Delerue, la voix de Truffaut (Les films sont plus harmonieux que la vie... Il n'y a pas de temps morts. Les films avancent ... comme des trains dans la nuit), et les deux Jean-Pierre, Aumont et Léaud. Pas de tape-à-l’œil, simplement de la mise en scène tendre et émouvante.
Un dernier aveu, à chaque vision j’en ai la gorge serrée.