La bière s’invite à table, tel est le titre d’un ouvrage qui est davantage qu’un livre de recettes de plus. D’abord parce qu’il est préfacé par Christian Etchebest, ensuite parce qu’on y trouve des entretiens avec des acteurs de la filière bière, qu’on y explique l’art et la manière de déguster ce breuvage, qu’il recèle une sélection de brasseurs artisanaux
Quelques mots sur Christian, lequel n’a aucun lien de parenté avec le terrible Philippe Etchebest, cauchemar des restaurateurs incompétents, ce qui n’empêche pas l’un et l’autre d’être amis.
Christian Etchebest est inventeur du concept de « bistronomie » qui lui valut tout de même la distinction de bistrot de l’année quelques mois après l’ouverture du Troquet, c’est son nom. Plusieurs autres "troquets" ou "cantines" ont depuis vu le jour. Et ce soir nous étions à la Cantine de la Cigale.
Je ne vais pas me lancer dans une explication lexicale complexe. Pour faire court, un bistronome est un restaurateur qui conçoit une carte simple où la gourmandise n’est pas une affaire de calories, de sucres ni de graisses, mais d’excellents produits mis en valeur avec intelligence. Une fois que vous aurez gouté ses couteaux (pas les ustensiles, mais des coquillages fondants et épicés juste comme il faut d’ail et de piment d’Espelette), son fromage de chèvre et sa coulure de pesto, et son riz au lait au miel il n’y aura plus rien à démontrer. Le tout à un prix très raisonnable.Christian (il est tellement convivial qu’on a tôt fait de l’appeler par son prénom … en oubliant un parcours où le Crillon est un des brillants jalons) est aussi devenu un vrai amateur de bières. Ce n’est pas venu d’emblée. On est dans le domaine de l’acquis et c’est sans doute en parrainant la 8 ème édition du concours de biérologie Heineken qu’il a eu une révélation. Il est convaincu qu’elle a sa place à table, bien au-delà de l’apéritif.
Sans avoir eu la chance de suivre un tel concours j’ai tout de même depuis quelques années eu l’opportunité de participer à des dégustations de bière et cela fait longtemps que j’ai cessé de les classer en trois catégories : les blondes, les brunes et les rousses. Je commence à apprécier réellement les différences de saveurs, d’amertume, d’arômes.
J’ai trouvé amusant de poursuivre l’aventure ce soir alors que d’autres célébraient le Beaujolais nouveau ! Et puis l’ambiance de cette Cantine de la Cigale où officie Christian Etchebest vaut vraiment qu’on s’y arrête.J’ai revu Hervé Maziou dont l’expertise est sans limites. Il m’a appris que la mousse protège la bière de l’oxydation de l’air. Que boire la bière dans des verres ne remonte qu’au milieu du XIX° siècle et qu’il a fallu que la Bohème (qui n’était alors pas la république Tchèque) mette au point la première bière à fermentation basse, translucide, et par conséquent « belle à voir » pour qu’on commence à abandonner les gobelets opaques.
Vous lirez un entretien avec ce biérologue dans le livre. L’essentiel de la dégustation est abordé page 44, jusqu’au choix du verre. Il en existe de très beaux et j’aime beaucoup servir cette boisson dans les contenants adéquats. J’avoue que souvent je les détourne de leur usage pour un cidre particulièrement méritant.
Le verre apparaissant sur la couverture du livre est particulier. C’est le verre « historique » utilisé dans les années 1850, cousin germain du gobelet. Son format était commode également pour le photographe en ne créant pas un espace vide entre lui et l’assiette contenant l’escalope de foie gras de canard poêlé, jus aux baies sauvages, purée au tandoori (ne me dites pas que cela ne fait pas envie). Sa hauteur modeste était le dernier atout.
J’ai apprécié de trouver une sélection de brasseurs artisanaux (page 47 et svtes), y compris à Paris même ou en région parisienne (j'avais auparavant appris qu'il existait au moins un brasseur parisien avec Gallia dans un atelier Guy Martin) et quelques bonnes adresses pour la dégustation.
C’est aussi un livre de recettes, y compris de cocktails. Avec des noms poétiques comme l’Essentiel du jardinier autour de la Fischer Tradition. Ou le Despejito, que vous avez déjà vu sur le blog.La mousse peut constituer un avantage dans la réalisation des cocktails dont elle devient un élément décoratif.La bière préférée de Christian est la Fisher réserve Ambrée. Je ne lui donne pas tort. Elle doit faire merveille avec une crème brûlée de munster au cumin, même si ma photo semble affirmer un autre choix.Ce que j’apprécie avec ce livre, et c’est là encore qu’il est davantage qu’un livre de recettes, c’est qu’on y trouve autant d’accords mets-bières que de recettes employant cet ingrédient. Les occasions de surprendre des invités sont à découvrir au fil des pages.
On pourrait s’amuser à composer son menu de Noël avec une manière originale de traiter deux ingrédients traditionnels que sont le marron et la dinde.En entrée un cappucino de marrons épicé, sacristains lardons été noix (p. 102)En plat des paupiettes de dinde au fromage de chèvre et basilic, ratatouille de saison compotée à la bière (p. 83)Et en dessert un Baba à la bière (p. 99)Ils dédicacèrent à tour de main : de gauche à droite Ryma Bouzid-Fuchs, responsable éditoriale chez Flammarion, Pascal Sabrié, Président France Heineken et bien entendu Christian Etchebest.Si d'aventure la bière devenait votre passion, avec modération comme il se doit, vous pourrez même devenir votre propre brasseur car le mode d'emploi est détaillé de manière très didactique dans les dernières pages.
Et puis en bonus vous dénicherez un quizz étonnant. Je ne vous en dis pas plus. Ne vous privez pas d'interrogez vos amis !
La bière s'invite à table de Eric Chenebier, préface de Christian Etchebest, Flammarion, novembre 2013
posté le 23 décembre à 22:06
(... et accessoirement, les premières bières de fermentation basse étaient brunes, et c'était à Munich. La Pilsner est réputée avoir été la première bière de fermentation basse de couleur claire.)
posté le 23 décembre à 22:03
"Que boire la bière dans des verres ne remonte qu’au milieu du XIX° siècle et qu’il a fallu que la Bohème (qui n’était alors pas la république Tchèque) mette au point la première bière à fermentation basse, translucide, et par conséquent « belle à voir » pour qu’on commence à abandonner les gobelets opaques." Ahem... Désolé, mais c'est l'inverse...ce sont les débuts de la production de masse de verres au XVIIIe Siècle, avec la révolution industrielle en Grande-Bretagne, qui engendreront une demande de la part de la bourgeoisie britannique pour des bières limpides, ouvrant une voie royale aux pale ales limpides et claires, là où les classes laborieuses, qui n'ont pas les moyens de s'offrir des verres, garderont une prédilection pour les porters et stouts...