Dans la longue montée qui me mène à l'étape du jour, le village perché de Radicofani, je fais naturellement, un premier bilan de mon voyage. Cette côte de 8 kilomètres, qui s'élève au dessus de la vallée d'Orcia, marquant dans ce sens la fin de la Toscane vers le Lazio, s'y prête bien. Mes muscles sont trop fatigués, mes tendons un peu fragilisés et je n'ai plus l'énergie pour courir dans cette pente régulière, sur une route agréable et presque sans circulation.
Alors en marchant d'un bon pas, je repense à quelques instants de mon déjà beau et déjà long voyage depuis Canterbury.
Je revois justement mon départ en terre anglaise, ma rencontre avec Hamish Fulton, le ferry, le cap Blanc Nez, la belle étape vers Arras avec mes amis nordistes, les autres moments amicaux, vers Laon, Reims, le Jura. C'est si près et déjà un peu loin.
Je repense aussi aux moments de solitude, d'efforts, à la voie romaine sans fin de la Marne sans champagne, à la pluie de la plaine du Po. Mais la difficulté fait aussi partie du pèlerinage.
Je pense et me réjouis de ces jours italiens où j'ai reçu un tel soutien et un tel accueil. Quel voyage vraiment, et ce n'est pas fini.
Avant cette montée où je tente aussi de préserver mes forces, j'avais entamé cette journée, sous un beau soleil qui n'allait pas tarder à réchauffer nos muscles, sur un bon rythme. Le parcours redescendait du village de San Quiricho D'Ostia pour filer rapidement, dans un beau décor vers les termes d'eau chaude de .
Le site est assez étonnant. Une cascade d'eau fumante se précipite même peu après le village et ses vasques vers la rivière en contre bas.
Sergio m'accompagne à vélo jusqu'à un petit village. Nous avons manqué un tournant pour une variante plus belle sans doute mais la route reste belle et je n'ai plus trop envie d'allonger encore mon parcours. Avec Sergio, nous discutons toujours agréablement. C'est un homme des montagnes, il vient de la vallée de la Suze (comme souvent les frontaliers italiens, il parle un français impeccable ce qui est plus rarement le cas en sens inverse), mais il a beaucoup voyagé et travaillé en France et en Angleterre. Ce matin, nous parlons de l'Europe. A mon très modeste niveau, j'ai l'impression, par ces beaux voyages à pied et cette chaîne d'amitié qui les soutient, de la construire un peu autrement que par des normes et des décrets.
Après un court arrêt déjeuner où je tente donc de reprendre quelques forces avant cette montée pensive, car mon allure maintenant a tendance à devenir plus lourde assez rapidement et l'énergie me manquer, je repars donc seul à l'assaut de la pente vers Radicofani.
J'y retrouve au sommet mes deux amis et après une nouvelle pause café/tarte, nous visitons un peu ce beau village perché à 800 mètres d'altitude. Ensuite, comme il n'est que 15h et pour raccourcir un pej l'étape du lendemain, la dernière vraiment longue de mon périple, j'entame la descente de l'autre côté du village.
Cette marche et la pause m'ont redonné quelques forces et c'est aussi un puissant sentiment de liberté qui me donne des forces dans cette descente. 41e étape aujourd'hui, symboliquement j'ai dépassé mon temps d'effort sur le Saint Jacques et j'ai ici l'impression d'entrer dans un nouveau territoire. Mais la Via Francigena est de toutes façons plus exigeante et plus vallonnée.
Une très belle lumière de début de soirée accompagne ma descente er éclaire les vertes collines. Je descends tambour battant. J'oublie presque mes muscles fatigués, mes tendons douloureux. Un pur moment de bonheur pédestre, à peine gêné par quelques toutous pas content et un troupeau de brebis. Stefano et Sergio m'ont suivi en voiture, sur cette piste large et agréable.
Au bout de la descente, près d'un pont, je stoppe mon effort du jour. Une belle soirée peut commencer. Nous logeons à l'Ostello du village et entamons la récupération par un thé accompagné de gâteaux anglais offert par Nicolas. Un peu plus tard, Fausto, l'aimable responsable de l'Ostello, nous rend visite et parle du village du Loiret jumelé avec Radicofani. Décidément, on est pas mal en Europe.