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Pourquoi je vais quitter la France, de Jean-Philippe Delsol

Publié le 24 novembre 2013 par Copeau @Contrepoints
Analyse

Pourquoi je vais quitter la France, de Jean-Philippe Delsol

Publié Par Johan Rivalland, le 24 novembre 2013 dans Lecture

On croirait se trouver au beau milieu d’un roman d’Ayn Rand… si ce n’était la réalité. Comment des milliers d’esprits brillants, entrepreneurs, industriels, investisseurs, jeunes diplômés, et même riches retraités en sont venus à penser que la France ne les aimait plus et que le moment était peut-être venu de partir. Un bien triste constat, très préoccupant pour l’avenir de notre pays, décrit avec brio par Jean-Philippe Delsol à partir de nombreux témoignages.

Par Johan Rivalland

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Comment, de dérives en dérives a-t-on fait pour en arriver là ? Et qu’est-ce qui fait que, bien que profondément attachés à leur pays, tant de Français et Françaises se mettent pourtant, de plus en plus nombreux,  à envisager le plus sérieusement du monde de quitter la France ?

Par pur « égoïsme » ? Par vénalité ? Par opportunisme ? Point du tout.

L’auteur, dans le quatrième de couverture, établit le parallèle avec la révocation de l’Édit de Nantes, en 1685, dont on sait à quel point il fut préjudiciable pour l’avenir de la France. Avec tous les regrets qui ne manquèrent pas a posteriori.

Car c’est bien la France, via ses hommes politiques et ses choix de politiques publiques, qui a suscité ce phénomène dont l’ampleur s’est nettement accélérée avec les dernières orientations en date.

Fiscalité sans cesse plus étouffante, hostilité envers l’entreprise, les « riches », et de manière générale ceux qui réussissent, autant de motifs ou de griefs qui expliquent cette fuite des cerveaux  et cette dissolution de nos forces vives vers d’autres cieux.

Et il ne s’agit plus, ici, de juger, mais de constater et de tenter de comprendre ce qui motive ces décisions souvent difficiles.

La force du témoignage

Afin de mieux ressentir toutes ces dimensions, à la fois économiques, juridiques et psychologiques, Jean-Philippe Delsol retrace l’histoire d’un petit patron qui, par la force de son travail et de son enthousiasme, a réussi et contribué à créer de la richesse et des emplois dans le pays, mais s’est trouvé comme montré du doigt et vilipendé, ainsi que véritablement harcelé par le fisc, alors même qu’il ne faisait absolument rien qui puisse décemment lui être reproché, bien au contraire.

Ce personnage est un être mi-réel, mi fictif, puisqu’il mêle l’expérience de différents exilés rencontrés par l’auteur, qui lui ont exposé leur cheminement, leurs motivations et la manière dont ils ont vécu ces épisodes douloureux. Ce qui permettait aussi d’éviter à ces personnes les représailles qu’elles pourraient craindre de la part de l’administration française, et notamment fiscale.

Après avoir narré l’histoire de la petite entreprise familiale et la manière dont cet homme en est arrivé à en prendre les rênes, avec enthousiasme et énergie, pour en faire un beau fleuron industriel, générateur de valeur ajoutée et d’emplois, avec tous les tracas que cela suppose et tout ce qui fait la vie de l’entreprise au quotidien (les tracasseries administratives particulièrement lourdes, le poids de la bureaucratie, l’hostilité de certains syndicats idéologisés, les contrôles fiscaux à répétition, les « suspicions illégitimes », mais aussi bien sûr les sources de satisfaction et les réussites), on en vient aux causes de cet état de fait : pourquoi sont-ils si nombreux, ceux qui décident de quitter la France ?

Le constat

La première partie de l’ouvrage est donc consacrée au sombre constat de ce que la France est devenue aujourd’hui, à la fois sur le plan économique, fiscal, mais aussi réglementaire.

L’excès d’interventionnisme et de dépenses publiques (observation désormais enfin assez largement partagée, même si sur les réponses à y apporter le manque de courage et de lucidité prédominent largement), ainsi qu’un secteur public, parapublic et associatif pléthorique, auxquels il faut ajouter les contrats aidés, subventions et aides publiques diverses (plus de 50% de la population active, au total, vivant des subsides de l’État !), se trouvent à la source du poids fiscal qui pèse à la fois sur les particuliers et les entreprises et finit par décourager dramatiquement l’initiative individuelle et le travail.

Sans parler de l’effet d’éviction qu’il provoque (au détriment de l’investissement, et donc de l’avenir), ainsi que de la vie à crédit assise sur les générations futures ou de la dangereuse (d’un point de vue démocratique, notamment, c’est moi qui ajoute) coupure provoquée entre ceux qui contribuent fortement au financement de ce système et ceux qui sont exonérés d’impôts et vivent essentiellement des prestations (sans qu’il y ait de jugement de valeur a priori sur ce point quant aux personnes bénéficiaires, je précise).

À 57% du PIB de dépenses publiques, comment le secteur privé peut-il encore supporter un tel poids ?

Et surtout, comme le note l’auteur, en référence à la présomption visionnaire d’Alexis de Tocqueville en la matière, c’est une forme avancée de despotisme démocratique qui apparaît, telle un poison pour la liberté et la dignité, tandis que l’État tutélaire, dans le même temps, n’assure plus forcément bien ses fonctions régaliennes traditionnelles.

Dans ce contexte, l’impôt pèse lourdement (mais aussi, bien sûr et sans doute plus encore, les cotisations sociales, en raison de la lourdeur particulière de notre système de protection sociale), à la fois sur la production, le commerce, la consommation, l’investissement et l’épargne, donc sur l’ensemble de l’économie. Et, au-delà de son poids croissant (à rebours de certains pays voisins et donc de notre compétitivité), son instabilité réglementaire et sa complexité aggravent encore le phénomène. Sans que les recettes s’accroissent pour autant, tout à l’inverse.

D’où la tentation de l’exil fiscal, lorsque la fiscalité paralyse trop l’activité, devenant un obstacle majeur (le nombre d’exilés fiscaux aurait même été multiplié par 4 ou 5 depuis l’élection de François Hollande, selon certaines estimations !).

À travers de nombreux faits et éléments chiffrés, Jean-Philippe Delsol montre ainsi comment l’engrenage infernal dépense publique / dette publique / ralentissement de la croissance / accroissement des aides publiques / hausse du chômage mine le pays, achevant de décourager l’activité.

Et les comportements protectionnistes, hélas récurrents en ce type de période, pénalisant à la fois les consommateurs et l’économie dans son ensemble, avec l’illusion contraire, ne sont pas faits pour améliorer les choses.

Convoquant les plus grands auteurs, de Benjamin Constant à Frédéric Bastiat, en passant par Hugo Grotius, Adam Smith ou David Ricardo, entre autres, Jean-Philippe Delsol rappelle l’inanité de ce type de politique et son caractère destructeur.

La liberté en danger, face aux dérives de la démocratie

La fiscalité française et son « déluge d’impôts » deviendrait ainsi un « Léviathan moderne, un pouvoir qui, sans violence apparente, veut niveler les conditions et les comportements, veut réduire l’Homme à un sujet de l’État. La Révolution avait voulu libérer les citoyens de l’autorité monarchique, mais les Français d’avant 1789 trouveraient que leur siècle était bien plus libéral que celui d’aujourd’hui ».

D’atteintes manifestes au droit de propriété en tentatives de rétroactivité en matière d’imposition, nombreuses sont les « mesures iniques et attentatoires des libertés et d’égalité devant l’impôt » dont on n’a dû qu’à la seule existence de la Cour constitutionnelle de pouvoir sauvegarder le maintien d’un fragile rempart face aux assauts répétés et de plus en plus insistants des législateurs et leur tentation collectiviste, assumée ou inconsciente. Jean-Philippe Delsol en apporte de nombreux exemples récents.

En fin de compte, c’est l’État de droit issu de notre histoire occidentale qui est mis en cause dans ses fondements ; ceux de l’universalité des droits naturels, de l’équité et de tous les apports de nos grands penseurs, depuis Sénèque, l’apôtre Paul, Marc Aurèle, ou bien d’autres encore, auxquels se réfère notre auteur, jusqu’à au moins Friedrich Von Hayek (le droit « conçu non pas produit de la volonté de quiconque, mais plutôt comme une barrière à tout pouvoir »).

Ce qui lui fait ainsi déplorer qu’ « en réalité, la France et bien d’autres États avec elle, ont une fâcheuse tendance à confondre, et de plus en plus, l’État de droit avec le droit de l’État ».

Une dénaturation de la démocratie, qui n’est pas « le moyen pour la majorité d’imposer tout et n’importe quoi à la minorité ». Une approche qui vire au clientélisme.

«En cela, elle commet sans le savoir la même erreur que les pouvoirs totalitaires qui pensaient de la même manière être mandatés par le peuple pour façonner la société. Le constructivisme démocratique est plus doux, mais il est de même nature et il introduit à la pensée totalitaire car il y habitue les esprits malgré eux, il les mithridatise. (…) Et partant de ces prémisses, la majorité se croit légitime à imposer sa loi. Elle pourrait donc attenter à la propriété, décréter que les sexes n’existent plus, que chacun est libre de mettre fin à sa vie… (…) Et la loi ne saurait être livrée sans risque d’abus à la démesure d’une mathématique parlementaire, pas plus qu’au dénombrement de la rue. (…) Lorsque l’égalité sombre dans l’indifférenciation et que la liberté s’abîme dans sa propre vanité, ce sont l’égalité et la liberté qui sont en péril ».

Le choix de l’exil

C’est donc quelque peu résigné, face à la force du constat et au non respect des principes fondateurs de la démocratie française, que notre patron finit par choisir l’exil, après mûre réflexion et beaucoup par dépit, car malgré tout attaché à la France.

Et c’est là qu’intervient la seconde partie de l’ouvrage, consacrée aux déclencheurs (exit tax, notamment, mise au point par le précédent gouvernement et renforcée par l’actuel, avec tous les reniements et abus de droit que l’on imagine, sur lesquels revient l’auteur) et aux modalités pratiques du départ, avec toutes les difficultés pratiques et obstacles que cela implique.

Notre patron va-t-il opter pour le Royaume-Uni ? Pas si simple.

Pesant le pour et le contre, grâce aux bons conseils apportés par son avocat fiscaliste (Jean-Philippe Delsol, qui nous explique de la sorte quelques-unes des subtilités d’un exil en terre britannique), il renonce, sa situation particulière étant suffisamment complexe pour que ce ne soit pas forcément le meilleur choix.

Ce sera donc finalement la Suisse. Pas seulement pour des raisons fiscales.

On y découvre, là encore, les quelques rudiments nécessaires à connaître avant d’envisager de s’y installer. D’autant que les choses ne sont pas forcément simples non plus, dans un contexte particulier, de la part des autorités françaises, de « chasse aux sorcières » et « d’impossibilité de rapatrier normalement des capitaux étrangers » (la sévérité en la matière étant bien plus grande que ne peut l’être celle à l’égard de toutes les « petites » corruptions, bien réelles celles-là, existant à tous les niveaux de la société, en particulier dès lors qu’elle touche à la sphère publique et même aux politiques eux-mêmes dans certains cas. Jean-Philippe Delsol en apporte moult exemples).

Il faudra donc étudier les subtilités du système fiscal suisse, ainsi que les particularités cantonales. Là encore, on entre dans la complexité juridique des accords franco-suisses cette fois, par l’intermédiaire de notre avocat fiscaliste renommé.

Mais, bien que la Suisse ne soit pas non plus le pays parfait, il n’en reste pas moins que, sous l’effet conjugué du fédéralisme, de la concurrence fiscale et des référendums d’initiative populaire (forme plus authentique de démocratie, dont les issues, dans de nombreux cas, surprendraient en France), notamment, y règne un meilleur équilibre et des rapports plus sains au sein de la société.

C’est ce que Jean-Philipe Feldman nous présente dans un ultime chapitre, où il conclut que notre chef d’entreprise ne paiera pas forcément beaucoup moins d’impôts, mais bénéficiera de meilleures garanties d’y trouver une plus grande stabilité et des libertés personnelles mieux protégées, dans un État, qui plus est pas endetté.

En conclusion, un livre-témoignage bienvenu et on ne peut plus d’actualité qui fera, souhaitons-le parler de lui, même si, bien entendu et comme toujours, on peut d’ores et déjà anticiper que cet essai se trouvera très vite décrié par la Bien pensance et ceux qui ne l’auront pas même vraiment lu.

Mais, avec la prise de conscience croissante des problèmes que connait la France, un cri d’alarme essentiel, qui doit trouver échos auprès de ceux dont dépend notre sort à tous, pour peu qu’ils soient encore en mesure de l’entendre…

— Jean-Philippe Delsol, Pourquoi je vais quitter la France, Histoires vraies dexilés fiscaux, éditions Tatamis, novembre 2013, 200 pages.

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