Le travail d’Hervé Kabla est fascinant. Depuis quelques années, il étudie, quasiment en temps réel, le progrès du « numérique » ou « digital », et ses transformations incessantes. Chaque livre examine ce que que cette vague d'innovation a de nouveau. On y trouve les opinions de ses acteurs les plus remarquables. Je ne connais pas d’autre vague d’innovation qui ait eu un tel historiographe.
Il y a un coup de génie là dessous. Si Hervé peut aller aussi vite, c’est parce qu’il fait du « co développement ». Non seulement il coédite ses livres, mais ceux-ci sont un recueil d’articles d’experts. Ils profitent donc d’une sorte de recherche « en parallèle ». Et le rôle d’Hervé peut se limiter (mais il faut du talent pour cela) à repérer l’émergence de tendances et de leaders de ces tendances. (Je crois que cette idée de codéveloppement a un grand avenir. Elle est le contrepoison aux tactiques des services achats, diviser pour régner, et standardiser = mort de la créativité. Mais c’est une autre histoire.)
Ce qui m’a peut-être le plus surpris, c’est la dédicace d’Hervé. Je suis « le Jourdain du digital » dit-elle. Et s’il avait raison ? ai-je fini par me demander. Le dispositif que j’ai adopté est en accord avec ses idées. Comme il le dit, non seulement le blog n’est pas mort, mais il joue un rôle central dans une communication numérique. Le mien stocke mes réactions aux événements qui m’assaillent. Ses billets alimentent automatiquement Facebook et Twitter. Et un peu moins automatiquement Google+ et plusieurs groupes de linkedin. Surtout, ils servent de base à mes articles et à mes livres. Qu’est-ce que cela m’apporte ? Un plaisir purement intellectuel. Et tout ce plaisir vient d’une forme de discipline. Un exemple : l’écriture d’un article. Un article doit être court, frappant, évident. Il doit apporter du neuf, voire du révolutionnaire, sans susciter le rejet. Attention à ne pas rajouter au stress ambiant ! Extraordinaire exercice d’humilité. Mais contrainte créative, qui condamne la paresse. Idem pour la réalisation d’une vidéo. En un temps court (idéalement moins d’une minute), elle doit faire passer un message décisif.
Tout ceci montre peut-être l’attitude qu’il faut avoir vis-à-vis d’une innovation. Il ne faut ni la refuser, de toute manière elle est là pour rester, ni l’adopter sans réflexion. Il faut expérimenter. Se tromper pour réussir. Cela demande du temps. Mais il ne faut pas avoir peur d’être lent. Car, je constate que le « progrès » l’est aussi.