Ce point de vue a pour intérêt de montrer la ville de Narni en arrière-plan. Mécaniquement :
- l’arche ruinée fait système avec les remparts,
- le pont impérial est supplanté par la ville féodale,
- la paix d’Auguste laisse place aux guerres médiévales.
Et stylistiquement, le classicisme s’efface sous le romantisme qui pointe.
Deuxième vue des ruines du pont
d’Auguste sur la Nera à Narni
Hackert, 1779, gravure
Les rives affrontées
Dans cette vue, prise de l’arrière et de biais, les deux rives s’opposent sous plusieurs aspects : le cheval, l’arche intacte, la ville et le nuage noir, côté gauche, contrastent respectivement avec l’âne, l’arche brisée, l’abbaye de San Cassiano et le nuage blanc.
Comme si l’effondrement du pont conduisait à l’affrontement des rives.
Deux pendants
La comparaison entre les deux vues de Hackert est éclairante.
Vue de face
Vue de derrièreLa première vue : horizontale et statique
La première vue de Hackert traite sur un plan d’égalité les deux ponts, tranquillement posés sur le fleuve à l’instar des vaches paisibles et du couple de paysans assis. La communication entre les deux rives est rétablie par le pont médiéval, humble successeur de l’ illustre ancêtre.
La deuxième vue : verticale et dynamique
La composition est simple et efficace : depuis le couple de paysan en bas à droite, l’oeil s’élève en diagonale, en suivant les piles du pont, jusqu’à la ville en haut à gauche.
Le couple avec son âne avance sur le chemin, tandis que sur l’autre rive, près d’un autre chemin qui monte vers la ville, un cheval broute et trois touristes contemplent l’arche immense.
Les deux équidés remplacent les vaches de la première vue, le bâton du marcheur se substitue à celui du vacher : ici le voyage, là le pâturage.
Le pont d’Auguste à Narni
Henry Cook, 1846
Quelques mètres de plus sur le chemin suffisent à modifier radicalement la lecture : ici, plus de mouvement ascendant comme chez Hackert, puisque la masse sombre du pilier de droite prend sous sa coupe l’ensemble de la composition.
En supprimant toute présence humaine , Cook ramène la gravure à une confrontation d’architectures. L’opposition des époques se traduit par un contraste de textures : masses fortement contrastées et lignes bien définies pour le pont d’Auguste, masses grises et vaporeuses pour les monts qui portent le monastère, la ville et la citadelle.
Le romantisme étant passé par là, c’est un véritable burg rhénan qui surplombe la vallée du Nera.
La photographie réduit le pont et le mont à des proportions moins héroïques. La route et l’arcade brisée qui la surplombe existent toujours, telles que Cook les avait dessinées.
Surprise : dans le mur romain à droite de la route, une nouvelle arche en acier est venu depuis peu compléter l’arche en pierre de la rive gauche.