Le pont médiéval est assez rarement représenté tout seul : quoique moins célèbre que le pont d’Auguste, c’est néanmoins un édifice pittoresque et bien reconnaissable, bas sur pattes et haut du col.
Le pont médiéval de Narni
1760, gravure de Forrester, dessin de Stephens
Pour cette première apparition en solo, le pont a été généreusement servi par le dessinateur, qui a rajouté une arche à gauche et une arche à droite de la tour : d’où un effet de « rateau », encore augmenté par les ombres longues des piles.
Le pont rectiligne et dentelé, fiché dans toute la largeur de cette paisible vallée, apparait comme une singularité bien humaine, un artefact des temps primitifs : telle est du moins l’idée que le XVIIIème se fait du Moyen-Age.
En regardant mieux, on constate que les deux promeneurs du premier plan se trouvent sur une sorte de plateforme surélevée.
Bien sûr, ils ont grimpé sur l’arche du pont d’Auguste, que Forrester a illustré dans sa première gravure et qui sert, astucieusement, de transition avec la seconde.
Le pont médiéval de Narni
Francis Towne, 1780 environ, Yale Center for British Art
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Vingt ans plus tard, Francis Towne réalise une aquarelle un peu plus réaliste : s’il manque une arche à gauche de la tour, les arches de droite ont le bon nombre (cinq) et la bonne forme : leur arrondi, complété par le reflet dans l’eau, supprime le caractère artificiel et agressif de la gravure de Forrester.
Mais c’est surtout l’effet d’ensemble que Towne a particulièrement soigné. La tour de garde du pont trouve un premier écho dans la tour de l’édifice du col, écho qui se démultiplie ensuite dans les tours des remparts de Narni.
De même, la forme triangulaire de la toiture est rappelée dans le profil des trois collines.
La tour de garde donne le La à la composition, et organise l’harmonie de l’ensemble.
Le pont médiéval de Narni
1826, gravure de Villeneuve, dessin de Michallon
Ici, Michallon (un des maîtres de Corot) n’a retenu du pont que sa tour, ramenant les cinq arches à trois. La charrette de foin va-t-elle ou pas réussir à franchir l’arche étroite, telle est la question que l’artiste se pose, et pose au spectateur.
Question effectivement d’actualité, en ce début du XIXème siècle où, un peu partout se pose la question de la démolition des remparts médiévaux, pour cause de modernité.
Le pont médiéval de Narni
1832, gravure de Allen, dessin de Harding
Même vision d’une Italie archaïque dans cette gravure anglaise : les marchands se pressent par la porte étroite, puis par le pont étroit, pour monter jusqu’à la ville crénelée.
En 1832, cela fait déjà sept ans que le premier train de voyageurs a roulé en Angleterre.
Le pont médiéval de Narni
1895, Paterson
Cette gravure nous montre le pont médiéval en piteux état : quatre arches ont déjà été remplacées par des passerelles en bois, (sans doute suite à des inondations, puisque les deux arches extrêmes sont intactes).
A la fin du XIXème siècle, le pont médiéval ne vaut guère mieux que son illustre devancier.