En commençant ce portrait, j’ai conscience qu’écrire sur Lino Ieluzzi est une facilité. L’homme est connu, reconnu, il a sa photo placardée dans tous les commissariats de l’élégance italienne. Il est très difficile d’ajouter quelque chose de neuf à ce qui a déjà été dit sur lui. Le moins que l’on puisse faire est d’essayer de ne pas en oublier.
Lino Ieluzzi, icône chic
Lino Ieluzzi, de son vrai nom Pasquale Ieluzzi, a depuis bien longtemps opté pour le diminutif du surnom que lui ont donné ses amis, Pasqualino – une coquetterie de Milanais qui refuse qu’on l’identifie à un homme du Sud. Il est fort, Lino, il est très fort. Toujours souriant, toujours attentif, disponible. Il connaît son métier, il connaît ses clients, il connaît les gens. Bref, il a vécu. Ces choses-là ne s’apprennent pas à l’école. D’ailleurs, l’école, les écoles spécialisées, mode ou autre, ne lui inspirent qu’une admiration mitigée. Lui qui n’aime pas la mode (se voir imposer de nouvelles contraintes, quelle barbe !) n’aime pas trop non plus les figures imposées dans les écoles de stylisme. Pour lui, le style est plus une affaire de tempérament, et telle association qui n’a pas l’air de « coller » sur le papier peut très bien convenir à la personne qui s’y essaye pour la première fois. Il faut essayer, c’est la règle. Toutes les autres sont inadaptées. Essayer et ne pas craindre l’imperfection. Pour monsieur Ieluzzi en effet, cette dernière renvoie moins à la sprezzatura (cette esthétique trop souvent hypostasiée par des non-Italiens, les Italiens ne se posent pas toutes ces questions, ils vivent) qu’à l’humanité telle que chacun l’éprouve quotidiennement en prenant le risque de se tromper. Comme si une mise trop soignée, un sans-faute n’était pas très bon signe sur le plan moral.
Lino Ieluzzi et Al Bazar
L’aventure débute en 1969, quand Lino Ieluzzi rachète le magasin de jeans où il travaillait pour en faire ce qui deviendra bientôt Al Bazar, la Mecque du style chic et décontracté à Milan. Influencé par son père qui ne portait rien d’autre, il commence par démarquer le blazer six boutons tombé plus ou moins en désuétude pour en faire une pièce mixte, à la fois habillée et casual. Les couleurs sont vives, la coupe ajustée, les tissus choisis avec soin. La journée finie, le jeune entrepreneur en entame une autre. Il n’a pas son pareil pour « vendre » ses créations la nuit, quand les autres dorment. Sa technique : créer des émules dans les soirées et les discothèques.
A l’instar de Fred Astaire, l’un de ses modèles, Lino Ieluzzi ne ferme jamais entièrement ses vestes ; il porte des chemises à col italien dont il dédaigne de boutonner les poignets, des cravates en laine ou en cachemire brodé d’un 7 (sa date de naissance – un chiffre porte-bonheur qui plaît beaucoup à ses fans), des pantalons légèrement raccourcis munis de revers larges, des derbys à double boucle, et, autre touche personnelle, une pince à billets rattachée au pantalon par une chaîne. Le manteau croisé est sa passion. Après une étude longue et minutieuse, il l’a considérablement allégé, simplifié, et conseille de le porter comme un pull, très près du corps. Ses sources d’inspiration sont classiques : le cinéma des années 1930 à 1950, les revues masculines de cette époque, un héritage très peu italien qu’il transforme à son goût.
Créateur de tendances, Lino Ieluzzi ne suit pas la mode, il la crée. Il a donc toutes facilités pour s’en défier. C’est un perfectionniste qui prône le négligé, ce qui est une belle définition du dandy. Le négligé, attention, pas l’amateurisme ! Dans une interview accordée à Wei Koh pour le magazine The Rake, il déclarait : « J’ai commencé à raccourcir mes pantalons parce que j’aime qu’on voie mes chaussures, et à raccourcir mes manches de veste pour qu’on voie mes montres ; ensuite, c’est devenu une sorte de mode. » Même constat en ce qui concerne le fait de ne jamais fermer la boucle haute de ses derbys. Au départ, elles étaient plus faciles à enfiler de cette façon. « Un jour, un journaliste japonais m’a dit qu’au Japon, tout le monde faisait comme ça parce qu’ils avaient vu une photo de moi. » Pour Lino, it’s as simple as that…
Le style de Lino Ieluzzi en sept points
Le costume croisé
Le noir, une couleur très rarement utilisée par Lino Ieluzzi.
La veste bleu cobalt
Deux contraintes : avoir les yeux bleus et habiter au soleil. Jeans blancs fortement recommandés. Photo, source : Guerreisms.
Les accessoires « indispensables »
Ceinture texane, bracelets pour homme (de différentes couleurs et de différentes matières), pince à billets retenue par une chaîne. Photo : même auteur.
Le manteau croisé
Une interprétation originale du manteau de polo.
La chemise à col italien ouvert
Entre le col italien ouvert (extreme cutaway collar) et le col italien semi-ouvert (cutaway collar), Lino Ieluzzi a choisi. Et vous ? (Source : Belgian Dandy.)
La cravate porte-bonheur
On pourrait l’appeler la cravate Lino, à n’en pas douter un fétiche, mais qui rassure-t-elle le plus ?
Les derbys à double boucle (double monk shoes)
En version bicolore… ou pas. A noter : les revers larges qui tombent sur le haut de la chaussure.
Difficile de savoir à qui appartiennent les photos relatives à Lino Ieluzzi, tant elles ont été « blogguées » et « reblogguées ». Nous en publions quelques-unes ici sans autre indication. Que leurs auteurs n’hésitent pas à se manifester.