François Hollande a repris la main. A moins qu'il ne s'agisse de Jean-Marc Ayrault. Le premier a pris de la hauteur, maladie de la Vème République, et enchainé les déplacements diplomatiques (Israël, Italie), le second a créé la surprise en annonçant une réforme fiscale que d'aucuns désespéraient de voir venir.
« J'ventile »
Toute la semaine, la chasse au "tireur fou" a obsédé nos gazettes médiatiques. Un homme avait grièvement blessé, lundi,
un assistant-photographe de deux coups de fusils dans le hall du quotidien Libération. Ce qui s'apparente à un fait divers de plus a permis à quelques réacs de s'échauffer sur les réseaux sociaux.
D'autres esprits faibles justifient le coup de sang qui fut un coup de feu comme un énième media-bashing nécessaire. Loin d'être choqués, les haineux redoublent d'effort. La nausée n'est pas loin.
Nos chaînes d'information couvrent l'évènement comme si la
guerre en Syrie avait été brutalement importée dans les rues de
Paris. C'est "l'orgasme du direct" commente la blogueuse Aliocha. Quelques émissions racolent, le show est digne de "Peur
sur la Ville". C'est la
course au scoop. Quand BFM lâche le nom du suspect interpelé,
mercredi soir, la nouvelle réjouit la fachosphère, enchanté de sa
consonance arabe.
Hollande est loin, il termine
un voyage en Israël. Il contredit quelques fantasmes, comme cette
supposée réticence à l'égard du sort de la Palestine. A la
Knesset, il répète sa vigilance contre la prolifération nucléaire,
notamment chez l'Iran tout proche. Il plaide l'amitié et la
confiance de la France à l'égard de l'Etat hébreu, mais rappelle
que la France reconnait la Palestine sur la base des frontières
définies en 1967; que "la colonisation doit cesser."
L'extrême droite, dont l'un de
ses représentants - le ministre Avigdor Lieberman – boude dans les
rangs, n'apprécie pas.
De l'autre côté de l'Atlantique, le New-York Times célèbre
l'autorité retrouvée de la présidence française, comparant Barack
Obama à … un camembert mou. Mais en France, La liste des râleurs
ressemble à un bottin à qui il manquerait l'essentiel.
Les "pigeons", les "poussins", les "moutons", et autres "dodos" accompagnent
les "bonnets rouges" ou "verts", les
propriétaire de clubs de foot qui finalement renoncent à faire la
grève des matches pour cause de taxe à 75% sur les millions de
leurs vedettes du ballon rond; les transporteurs routiers contre
l'éco-taxe, les grands céréaliers franciliens contre la réforme de la PAC,
les enseignants contre la réforme des rythmes scolaires. Il y a bien
des désarrois légitimes, des salariés licenciés aux entrepreneurs
étranglés. Mais cette foire médiatique qui pousse les micros vers
la râlerie du jour, prolonge le buzz et en alimente d'autres. C'est
un cercle vicieux, une pagaille qui fait prendre le bruit pour
l'essentiel. La moindre cause en entraîne d'autres, souvent sans
rapport. Il n'y a plus de hiérarchie, ni même parfois de décence.
Car où est ce gros quart du pays qui souffre en silence dans sa
pauvreté, le chômage et la précarité ? Il se tait. Un récent exemple, cette nouvelle évaluation des embauches qui donne le vertige: près de 83% des embauches du premier trimestre l'ont été en contrats courts. Un gros quart des nouveaux inscrits à Pôle emploi sont des ex-CDD, contre moins de 3% pour les CDI. Autrement dit, le bataillon des précaires de l'emploi, de CDD en chômage en CDD, grossit à vue d'oeil.
Qui a vu des manifestations de ces précarisés de l'emploi ?
« c'est du brutal »
Mardi, Jean-Marc Ayrault rebondit, brutalement. Le coup avait été
concocté le weekend précédent à l'Elysée, sans prévenir
jusqu'aux plus proches.
Une remise à plat, totale, longue, discutée. C'est ce que
Jean-Marc Ayrault propose mardi pour l'ensemble de nos prélèvements
sociaux et fiscaux. Il a au moins pris la mesure de son échec,
l'absence de réforme fiscale dès le début du quinquennat, la résistance de sa propre équipe à Bercy, la multiplication de
micro-taxes nouvelles ou rehaussées depuis 18 mois. Le "supplice
chinois" est terminé. Mais la réforme fiscale reste à faire.
Ayrault prend aussi tout le monde de court: son propre ministre
des Finances, Pierre Moscovici, qui n'aurait pas été prévenu,
d'après le Canard Enchaîné. L'UMP, qui "théâtralisait"
le jour-même la désobéissance (un comble!) contre une réforme des
rythmes scolaires pourtant largement approuvée par les maires;
l'opposition de gauche qui prévoit une manifestation le 1er décembre
contre la hausse de TVA de janvier. Mediapart, qui pourfendait le gouvernement d'avoir renoncé à la réforme fiscale, s'en inquiète désormais.
Le Medef s'inquiète. Nicolas Doze, sur BFM, réclame vite une
hausse générale de la TVA. Les Echos publie un opportun
palmarès qui place la France en haut du podium européen des taxes
sur les entreprises. Les syndicats sont divisés. FO, la CFTC et la
CFDT applaudissent l'initiative. La CGT grogne contre le temps perdu.
Jean-Luc Mélenchon appelle à la mobilisation pour "créer un
rapport de forces". Son Parti de Gauche vient de publier son "contre-budget".
L'enrobage argumentaire reste violent, c'était prévisible. Les
perspectives budgétaires, elles, sont étonnantes – 131 milliards
de recettes nouvelles ! Si la hausse de l'impôt sur le revenu
apparaît nécessaire, celles des cotisations sociales (22 milliards
!) fera jaser. Le PG trouve aussi 7 milliards d'euro de fraude
fiscale avec une déconcertante facilité. Il promet de nationaliser
nos activités de dépôts bancaires; ou se fait fort de réduire de
20 milliards d'euros annuels les agios de la dette publique. Il fait
l'impasse sur la liste, pourtant savoureuse et essentielle en ces
temps de jacquerie fiscale, des 42 milliards de niches fiscales
« honteuses » à supprimer. On imagine que le PG ne
réclamera pas la suppression des taux réduits de TVA.
Bref, avec cette grande remise à plat, Ayrault ramène la classe
politique à son niveau, au pied du mur.
« les cons, ça ose tout »
Les partis sont en campagne. Le PS choisit ses têtes de listes
européennes dans la douleur. A Solferino, Harlem Desir sonne le tocsin contre ... le racisme. Les parachutages d'Emmanuel Maurel et de Vincent Peillon enragent les militants locaux.
Le Front national se découvre chaque
semaine quelques candidats municipaux à "purger" pour
dérapages racistes ou xénophobes.
Quelques déchus de Sarkofrance, saison 1, espèrent récupérer un strapontin. Nadine Morano est de ceux-là. Défaite aux législatives de 2012, elle veut désormais "s'investir" dans la bataille des Européennes. Sans rire.
A Marseille, l'UMP, Jean-Claude Gaudin précipite son entrée en campagne, effrayé par les sondages. Il veut "poursuivre le changement" entamé il y a ... 18 ans.
A Paris, le fils Tibéri veut conquérir la mairie du 5ème
arrondissement. Qu'importe les casseroles attachées à son nom.
Mais la plus drôle reste Nathalie Kosciusko-Morizet. Les " fabuleuses aventures NKM dans le métro" deviennent une BD "bitstripées" dans
les colonnes de l'Express. Elles provoquent aussi l'hilarité
générale.
L'association Anticor dépose une plainte contre les dépenses de communication du gouvernement Fillon. Le passé rattrape l'ancienne équipe. Nicolas Sarkozy s'affiche chez Goldman Sachs.
On n'est même plus surpris.
En Iran, Christine Boutin s'affiche voilée pour critiquer
publiquement, sur une chaîne de télévision officielle, la légalisation du
mariage homosexuel en France.
On n'est même plus surpris.
Crédit illustration: DoZone Parody
Magazine France
342ème semaine politique: comment Ayrault pourrait changer la donne
Publié le 23 novembre 2013 par JuanDossiers Paperblog
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