Billet publié dans le n° de novembre 2013 du magazine Gavroche Ce sont madame Chirac et son judoka préféré, David Douillet, qui ont dû être contents. Pensez donc, des milliers de nos chères piécettes dans la gibecière de Chinois en goguette pour couvrir leurs menues dépenses dans la ville lumière. Nonobstant qu’elles ont bien failli retomber sans sou férir dans les cales asséchées de notre État exsangue, voilà bien, le temps d’une brève médiatique, les petites pièces jaunes remises à l’honneur.
Il faut dire que le cas n’est pas banal. Le soir de son arrivée dans un meublé de Montreuil, un jeune couple venu tout droit de l’Empire du Milieu s’acquitte d’avance de sa nuitée avec soixante-dix pièces de un euro, en vrac sur le comptoir du réceptionniste. Second soir, rebelote. C’en est trop pour le logeur qui, ni une ni deux et n’écoutant que son devoir citoyen, rameute la force publique. Et les pandores de découvrir là près de quatre mille euros du même acabit, disséminés dans la chambre de nos touristes. Brigade financière et experts de la Monnaie de Paris mobilisés, force est de constater que les pièces aux effigies de l’UE sont authentiques et que leur usage est parfaitement légal sur le sol français. L’explication était pourtant simple : la mitraille en question abonde dans nos vieilles bagnoles parties se faire recycler en Chine, pour le plus grand bonheur des ferrailleurs locaux qui la revendent à leurs compatriotes en partance pour l’Europe où elle retrouve illico sa bonne vraie valeur faciale. Si l’anecdote peut prêter à sourire, elle n’en sonne pas moins comme un avertissement symbolique pour tous les usagers de cette monnaie virtuelle que l’on promeut à tout-va dans notre Mère patrie, si bien gérée comme chacun sait par les fonctionnaires avisés de Bercy. Car entre chèques, cartes diverses et tracasseries multiples pour déposer ou récupérer le moindre picaillon sonnant et trébuchant à son guichet, nous sommes en France les champions du magot imaginaire. On vous le dit : ringard d’aligner vos biftons à la caisse. C’est tellement plus moderne d’afficher quelques chiffres sur un écran. Et nettement plus sûr aussi, n’est-ce pas ? Des fois qu’un malandrin friponne vos petites économies dans les couloirs du métro. Les petites économies, mais les grosses ? Car, plus forte que tous les braqueurs réunis, une bande d’aigrefins nettement plus malins et infiniment plus efficaces a bien compris l’intérêt qu’il y avait à faire remiser sagement sur des comptes ce qui faisait jadis l’escarcelle bien palpable de nos grands-mères. Au vu du trésor amassé, fermement souqué dans les méandres impénétrables de banques de plus en plus dépendantes d’une planche à billets devenue folle, et face à la dette abyssale du vieux continent, le hold-up du siècle s’ourdit méticuleusement. Mais, dans les médias, c’est silence-radio. Le FMI ne cesse pourtant de claironner qu’il faut imposer d’un coup et d’au moins 10 % l’épargne de l’ensemble des ménages de la zone euro pour la renflouer, et si l’on ajoute aux bonnes recettes de madame Lagarde les injonctions de la BRI – la « banque des banques » – aux banques centrales de passer outre les velléités dépensières de leurs gouvernements respectifs en relevant d’urgence leurs taux sous peine de faillite généralisée des établissements bancaires européens, on a un petit aperçu du climat et l’on comprend mieux l’impérieuse nécessité pour ces zélotes de l’argent facile de pouvoir puiser à satiété dans la nasse. Ainsi l’UE vient-elle d’adopter à toute allure une série de directives dans le cadre de l’Union bancaire – décidée en juin 2012 et prévue pour 2014, « un record de vitesse rarement égalé dans l’histoire », selon les voix autorisées. D’ores et déjà s’arroge-t-elle le droit de ponctionner à discrétion tous les comptes bancaires supérieurs à 100.000 euros si la situation l’exige, sans distinction de banque puisque le risque est mutualisé. En clair, l’Union européenne vient d’abolir le droit de propriété sans que personne n’y trouve à redire. Quant à la garantie d’État généreusement accordée à la petite épargne, les cobayes chypriotes désemparés devant des distributeurs vides ont pu mesurer ce qu’elle signifiait. Heureux détenteurs de comptes thaïlandais qui ne subirez pas l’incurie spoliatrice des Barroso et autres grands argentiers de l’Union ! Avec les 15.000 euros par achat autorisés en espèces pour les non-résidents, vous serez bientôt les rois du pétrole lors de vos futurs séjours en France. Ayez alors une pensée pour notre ex-première dame et son politicien des tatamis, ne délaissez pas les pièces jaunes. Elles trouveront preneur.