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Construire demain ensemble

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

par Nicole Huybens

Arianne Phosphate souhaite exploiter un gisement d’apatite à partir duquel des entreprises situées ailleurs dans le monde fabriqueront des engrais. Le projet divise des acteurs, un village et même la région.

Dialogue de sourd: chacun son angle de vision du monde.

« J’en ai marre », a dit Bernard Lapointe, le fondateur de la minière, dans sa lettre ouverte publiée en ces pages la semaine dernière! Il veut développer une activité économique rentable, pour la région, sa région. Il accepte et trouve bonnes les lois sur le respect des travailleurs et de l’environnement. Mais ces contraintes ne devraient pas rendre les entrepreneurs impuissants parce qu’il faut créer de la richesse pour pouvoir la partager. Il veut du travail pour les humains d’aujourd’hui et pour son petit-fils à venir. Il n’est ni neutre ni impartial, évidemment. Il défend les valeurs qui donnent du sens à sa vie.

Réalités

« Je suis désespéré », pense Daniel, un habitant de l’Anse-à-Pelletier, en écrivant sa propre lettre ouverte. Je veux léguer à mes petits-enfants mes sentiers, les choix que j’ai fait en me privant du reste, un écrin de quiétude, la beauté du monde. Il veut que le transport du sable contenant le phosphore emprunte des infrastructures existantes dans la région ou ailleurs. Il n’est pas neutre, évidemment et il est partial: il habite là où est projeté un nouveau port.
On pourrait les voir tous les deux comme des démagogues, l’un pour s’enrichir indépendamment de tout et l’autre pour vivre en paix indépendamment des autres. Mais ce sont mes amis et je sais que c’est tellement faux.
Quant à moi, je ne suis pas neutre et indépendante et je ne veux pas l’être. L’économie d’une région m’importe, la nature aussi. Je suis d’accord de tout mon cœur qu’il faut nourrir le monde et, pour le moment, en utilisant des engrais. Cependant, réduire le gaspillage permettrait aussi de nourrir le monde. Les travailleurs de la mine m’importent autant que la fermière de famille qui choisit de vivre là où ses enfants ont un contact privilégié avec la nature. Bernard m’a demandé une étude originale sur les services spirituels rendus par ce territoire qui deviendra une mine. Je vis à quelques kilomètre de chez Daniel….
Enfin, je trouve que les traces humaines dans la nature deviennent envahissantes: je n’ai rien contre la mine moi non plus. On ne peut exploiter un gisement que là où il est. Par contre le transport ne devrait pas inscrire une autre cicatrice dans la nature. Je crois qu’il n’est pas bon que, dans la nature, l’homme ne rencontre plus que lui-même.

Débat

En quelque sorte, le projet de Bernard détruit potentiellement le rêve de Daniel. Et le projet de Daniel détruit potentiellement le rêve de Bernard. Pourtant, ni Bernard ni Daniel n’ont pris le chemin de la « moraline » qui ne permet pas le dialogue, celui qui fait rejeter l’autre, l’injurie et abolit tant ses idées que ce qu’il est. Faire de la moraline, c’est écraser l’autre avec le dogmatisme de ses seules connaissances et stratégies et la dictature de sa seule vérité. Ni Daniel, ni Bernard ne se font le porte-parole d’une quelconque théorie du complot qui diabolise l’autre.
La mine pourrait devenir une porte qui s’ouvre pour inventer un projet acceptable pour un monde libre, juste, vert et responsable. Le monde fonctionne comme il fonctionne, me direz-vous. C’est vrai et c’est pour cela qu’il fait l’objet de non-acceptabilité sociale.
Pas facile? Non, mais la situation actuelle n’est pas plus facile, elle est seulement plus connue. Le stress, le découragement, l’angoisse guettent tous les acteurs. Le débat ne va pas tarder à se polariser, il y aura des bons et des méchants identifiés…

Il y a dans les valeurs de Bernard et de Daniel les germes d’un autre monde qu’on ne pourra pas vivre si on tue dans la graine ce qu’ils sont: des humains qui tentent aujourd’hui de participer au monde de demain en pensant à ceux qui les suivront autant qu’à eux-mêmes.
Tous nos enfants ont besoin d’un monde bienveillant, intelligent et imaginatif. Il est à notre portée, si nous choisissons de dialoguer pour nous entendre, sans monologuer pour écraser l’autre. Je voudrais participer avec Bernard et avec Daniel et tous les autres à un développement réinventé dans une nature partenaire pour que les enfants de tous nos enfants habitent le monde autant en poète qu’en entrepreneur.
Nicole Huybens

Nicole Huybens verse son cachet à la campagne majeure de développement de l’UQAC. Retrouvez les chroniques de Nicole Huybens et de Claude Villeneuve ici.

Source

La Chaire en éco-conseil de l’Université du Québec à Chicoutimi

La Chaire en éco-conseil est un organisme universitaire dont l’un des principaux modes d’intervention est l’assistance professionnelle auprès d’organismes, d’institutions ou d’entreprises souhaitant élaborer des projets dans un cadre de développement durable. La Chaire en éco-conseil s’engage uniquement dans des projets dont l’aspect innovateur comporte des éléments susceptibles de générer de nouvelles connaissances ou de nouvelles pratiques qui pourront être enseignées aux éco-conseillers ou partagées avec la communauté scientifique. Depuis sa fondation en 2003, la Chaire a réalisé plus d’une soixantaine de mandats.

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