Si j'avais écrit mon avis sur ce film à chaud, mes émotions auraient surpassé mes mots. Lorsqu'on sort de l'emprise de ce film qui vous en met plein la vue en 2h16, sachant que votre fort intérieur est passé par toutes les phases émotionnelles dans ce laps de temps, il est difficile de trouver son ressenti excepté que le film est magnifique, touchant et poignant, le film de l'année quoi.
Si Django avait réouvert la porte sur le sujet de l'esclavage avec une vision western spaghetti sanglante à la Tarantino, "12 years a slave" nous éclaire sur le sujet. Il est à voir de tous, d''ailleurs dans un climat politico-social ou la question raciale gifle la société française, le cinéma de cette fin d'année mettra un point d'honneur en tranchant la ou le bas blesse .... La dignité.
Le réalisateur Steve Mc Queen a voulu raconter l'histoire de l'esclavage d'un autre point de vu, en racontant l'histoire d'un esclave à travers ces yeux. Ce jeune réalisateur noir, anglais de surcroit, a construit du récit réel de Solomon Northup qui se déroule avant la Guerre civile ; une page de l'histoire qui comme il le dit, je cite "Son récit est aussi essentiel à l'histoire américaine que le Journal d'Anne Franck l'est à l'histoire européenne".
Solomon Nortup est un homme noir instruit, né libre et sans souci alors qu'une partie des Etats sont encore ségrégationnistes. Il vit paisiblement sa vie de musicien avec sa famille dans l'Etat de New York à Saratoga, jusqu'au jour où, en 1841, il est drogué et kidnappé pour devenir esclave pendant douze ans dans plusieurs plantations de Louisiane.
Alors que sa captivité commence, Solomon Northup, interprété par Chiwetel Ejifor, se voit attribuer une autre identité, celle d'un fugitif nommé Patt, il est ramené à cette condition d'esclave qui lui était complètement inconnu auparavant, en vivant le trajet initial des cales de bateau à la vente aux enchères des esclaves. On entre vraiment dans la déshumanisation à travers la scène de vente des esclaves, on y joue de la musique, sert des collations au milieu d'hommes, de femmes nus et d'enfants que l'on détaille comme du bétail au plus offrant, les dents sont inspectées, les muscles tâtés .... Son périple commence alors que Solomon vient d'être acheté avec Eliza, une autre esclave que l'on sépare de ses enfants. Sa première étape à la plantation des Ford sera brève, et malgré sa réputation de maître conciliant il n'hésitera pas à l'envoyer chez Edwards Epps (Michael Fassbender) reconnu pour "briser les esclaves".
Je pense qu'à partir de ce moment (même si on est déjà dans un climat hostile), le réalisateur insère sciemment de nombreux plans du paysage et de ce qu'était l'environnement des esclaves à cette époque pour que l'histoire devienne encore plus viscérale, le silence et la chaleur donnent une dimension inquiétante à la suite des événements. Le réalisateur Steve Mc Queen s'est soucié du visuel tout en laissant l'expression de ses personnages alimentée sa vision.
Edwards Epps est un être malfaisant, diabolique qui a, comme tous les hommes de ce temps une mauvaise interprétation des Ecritures. C'est un homme alcoolique et torturé, qui délaisse sa femme pour les charmes d'une jeune esclave, Patsey, merveilleusement jouée par Lupita Nyongo qui donne là une première interprétation à bout de souffle.
Au milieu du film, le personnage de Alfre Woodard qui interprète la femme ou la maîtresse d'un maître d'une plantation voisine, est déroutant. Elle semble avoir pris sous son aile la jeune Patsey et tout en se faisant servir le thé par des esclaves, elle lui conseille de battre les bonnes cartes pour obtenir un destin similaire au sien, bref de se conforter dans cette situation pour en tirer profit. Ce que Patsey ne désire pas, elle est fière et forte et préférait mourir que de continuer comme ça.
Edwards Epps la surnomme "La reine des champs", l'amour grotesque que lui vaut cet homme rend acerbe la tyrannie de sa femme à l'égard de Patsey.Cette dernière cherche toutes les occasions pour la punir et dans une autre scène affligeante, où Epps réveille au beau mileu de la nuit ses esclaves pour les faire danser, elle lui balance une bouteille en plein visage qui l'écorche vive.
Ce qui rend ce film poignant c'est le taux de concentration émotionnelle qu'il dégage. Mc Queen est un réalisateur qui met l'accent sur scènes incontournables de cette époque, des termes attribués à l'homme noir prennent un sens, de part leur origine et leur contexte.
Tout au long de ce film Solomon Northup aura gardé sa dignité et son espoir de redevenir un homme libre malgré les tortures, qu'il va continuer de subir jusqu'à la fin de ce cauchemar, qu'elles soient physiques ou psychologiques.
L'interprétation de Chiwitel Ejifor est tellement puissante qu'elle crève l'écran, son personnage est résolu et déterminé. La rencontre de Solomon avec le personnage de Brad Pitt pour finir, arrivera comme l'intervention divine qu'on n'attendait plus, le retour vers la liberté. "Je ne veux pas survivre" disait Northup à un esclave lors de sa captivité "Je veux vivre". En 1853, Salomon Northup publie enfin en son histoire ...
Ce genre d'histoires mérite d'être lu et vu par tous au péril des dommages collatéraux qu'elles provoqueraient sur les consciences ; parce que toute vérité est bonne à savoir qu'elles qu'en soient les conséquences.