Tous les matins, au minimum, je me fais la réflexion. Je regarde mes deux compagnons poilus et leur vie si simple, alors que je dois m'extirper de ce lit trop douillet pour aller gagner ma croûte. Je les observe, si insoucieux, si choyés, si inoccupés, et je me dis : je veux leur vie.
Mais leur vie à eux hein, pas la vie d'un chat errant qui doit lutter contre le froid, chasser pour se nourrir, survivre aux chasseurs et aux Hommes qui ne considèrent comme un nuisible, et éviter leurs roues meurtrières. Non, j'aimerai avoir une vie de chat familial, qui vit bien au chaud à l'intérieur.
Je serais prête à laisser de côté mon naturel sauvage pour avoir chaque jour une gamelle remplie, des câlins, des mots doux et des spots moelleux pour dormir.
Dormir. Comme mes chat, dormir serait mon activité principale. Les Hommes seraient jaloux de moi et ne comprendraient pas ce besoin si fort de dormir les 2/3 de la journée. C'est parce qu'ils ne réaliseraient pas l'énergie que me demanderai le fait de me lever pour manger, pour jouer, pour scruter avec intensité par la fenêtre, rêvant de croquer cette pie qui me nargue dans l'herbe. Et puis ils ne se rendraient pas compte non plus d'à quel point ils sont bruyants, comme c'est pénible qu'ils me réveillent pour me cajoler parce que je suis trop mignon. Bon...j'aimerais ça parfois, joindre le bonheur du sommeil avec la douceur des caresses. Alors je ronronnerais, pour signifier que j'apprécie et qu'il faut continuer.
Je pense que je serais un chat qui aiment les grattouilles sur le ventre. Mais pas trop. Pas juste après manger. Parce que sinon, les Hommes ne comprendraient pas que si je m'étire, sur le dos, c'est aussi parce que cette position serait agréable, pas juste pour qu'ils viennent passer leur main sur mon estomac.
Comme mes chats, j'aurais peur du fond de la gamelle. Le soucis quand on ne chasse pas, c'est qu'on dépend totalement de l'Homme pour être nourri et il faut s'assurer qu'il ne nous oublie pas. La technique du miaulement paniqué, de plus en plus fort, en tournant autour de la gamelle, est plutôt efficace.
Et le reste de la journée, une fois réveillée, je jouerais, avec un bout de plastique, avec une touffe de poils, avec une tâche sur le mur. Les Hommes m'achèteraient sans doute des jouets colorés et qui leur plaisent, mais qui ne m'amuseraient pas tant que ce qui traine par terre. Ou ce qui traine sur une table, sur laquelle je n'aurais pas le droit de monter, ce que je ferais tout de même pour mieux observer le monde qui m'entoure. Et mettre par terre ce truc avec lequel j'aimerais jouer.
L'été, je pourrais sortir dehors, renifler toutes ces odeurs, essayer de chasser, y arriver parfois avec grande fierté. Je ferais fuir les autres chats qui oseraient venir dans mon jardin, celui pour lequel MES maîtres payent tous les mois. Et je rentrerai le soir, redevenant ce que je suis réellement : un animal trop gâté.
Le matin, je connaitrais par coeur la respiration de mes maîtres, le son de leur réveil, pour savoir quand leur signifier qu'il faut qu'ils le lèvent pour me câliner et me nourrir. J'enclencherais la machine à ronron pour leur montrer à quel point je les aime et à quel point je mérite mes croquettes.
Et je les regarderais partir travailler, pour m'offrir cette vie si confortable. Cette vie dans laquelle j'aurais juste à être moi-même pour être aimée. Où on ne jugerait pas mon physique, parce que je ferais de toute façon partie d'une race adorable. Où 90% des choses que je fais sembleraient drôles, ou mignonnes, ou attendrissante. Dans cette vie où ne rien faire serait considéré comme normal.
Même si j'aurais à subir éventuellement, les jeux de mes maîtres pour me coller des chapeaux, des lunettes, des bouts de papier devant le museau, du pain de mie autour de la tête...Mais ça c'est parce qu'Internet ne serait rien sans mon espèce. Et les Hommes tiennent beaucoup à Internet.
Les chats ont neuf vies il paraît. Je ne sais pas combien en ont les Hommes, mais je sais en quoi je veux être réincarnée.
Bon week-end à tous!
xx