Entre 1750 et 1910, un étrange ouvrage de bois s’élevait à la pointe orientale de l’Ile Saint Louis, fermant partiellement le bras Marie de la Seine. Destiné à l’origine à mettre les bateaux à l’abri des glaces dérivantes, il devint ensuite une passerelle pour piétons, qui reliait l’Ile à la rive droite.
Moitié barrage et moitié pont, l’Estacade et sa passerelle constituaient, en plein Paris, un édifice pittoresque dont de nombreux artistes, connus ou moins connus, nous ont laissé le souvenir.
L’Estacade
Stanislas Lépine, 1880, Walters Art Museum, Baltimore
Dans le point de vue choisi, l’Estacade se superpose exactement au pont Sully : sa partie « pont » laisse voir en enfilade une demi-arche d’acier, tandis qu’au dessus se profile la coupole de l’église Saint Paul.
Cet alignement remarquable, qui donne sa stabilité au tableau, existait bien en réalité.
Cette carte postale du début du XXème siècle montre, en plus de l’alignement, un bateau-grue similaire à celui que Lépine a placé comme repoussoir au premier plan.
Le peintre s’est trouvé si satisfait de cette composition qu’il l’a reproduite à maintes reprises, en modifiant simplement le premier plan et l’éloignement.
L’Estacade
Stanislas Lépine, Collection privée
L’Estacade
Stanislas Lépine, Museum of Art,University of Michigan
L’Estacade
Stanislas Lépine, Norton Museum, Pasadena
L’Estacade de l’île Saint-Louis, effet du matin
Edouard Zawiski, 1901, Musée Carnavalet, Paris
Dans ce point de vue pris lui-aussi depuis l’autre rive, Zawiski prend le contrepied de l’effet d’enfilade, en utilisant la partie « barrage » de l’Estacade pour grillager et occulter le pont de pierre.
Dans cette cette carte postale, on retrouve au premier plan les tonneaux du Quai aux vins, et une grue à vapeur noire similaire à celle du tableau.
L’Estacade
Dessin de Antoine-Louis Goblain, début XIXème siècle
Retour aux sources avec ce dessin datant d’avant cette problématique : au début du XIXème siècle n’existaient encore ni le pont Sully derrière, ni la partie « pont » de l’Estacade, qui ne sera rajoutée qu’en 1837, avec les deux poteaux de maçonnerie.
L’ouverture permettant le passage des convois était fermée en hiver par des madriers ou un bateau sacrifié mis en travers.
Voici le premier plan de Paris où figure l’Estacade, qui reliait alors l’île Saint Louis et l’île Louviers. Elle est bien dans l’alignement de l’église Saint Paul. A noter une seconde estacade en bas de l’ïle Louviers, fermant le bras de Grammont qui disparaîtra lorsque l’île sera rattachée à la rive droite en 1847.