Chers voisins,
Nous sommes l’adorable petite famille 100% féminine qui a emménagé dans votre immeuble il y’a un peu plus d’un mois. Nous vous avons sorti nos plus beaux sourires, et vu la moyenne d’âge de l’immeuble, certains se sont peut-être réjouis de la fraîcheur que leur apporteraient mes bouclettes brunes à l’immeuble. Des rires d’enfants, qui n’aimerait pas?
Sauf que depuis que vous avez du constater que si certes on les entendait rire, on les entendait aussi…crier.
Le matin, il y’a des chances pour que vous m’entendiez 27 fois de suite leur dire de s’habiller, pour que je finisse par le faire moi-même. Je sais, j’ai l’autorité d’une table basse. Vous devez les entendre s’arracher les cheveux lorsque l’une décide de porter la robe de l’autre, ou moi m’égosiller pour leur rappeler que ce n’est pas le moment de dessiner au tableau…du tout. Encore moins de sortir la peinture.
A table, sans doute m’entendez-vous leur répéter 43 fois de manger leur tartine. Vous sentez peut-être le pain frais que je leur fais cuire tous les matins en espérant leur ouvrir l’appétit et leur faire engloutir le petit déjeuner sans dégainer le notoire mais non moins pathétique « y’a des petits enfants qui meurent de faim ».
Dans l’ascenseur, lorsque nous arrivons péniblement à quitter l’appartement après probablement une bataille sur la paire de chaussures à porter, vous les entendez sûrement se bousculer pour savoir qui appuierait sur le zéro et qui tiendrait la porte. Puis, systématiquement, décompter les étages. c’est là qu’elles me font oublier leur misère, parce qu’en décomptant elles s’accrochent à ma jambe comme pour mieux amortir l’arrêt de l’ascenseur. Comme vous n’avez pas la chance de sentir leur petits bras autour de vous et de voir leurs visages tous émerveillés par le voyage quotidien dans l’ascenseur, il y’a des chances que vous, vous n’ayez pas oublié.
Le soir, vous risquez d’entendre à peu près la même chose avec la variante de la douche et surtout du démêlage des tignasses. Je sais, dans la salle de bain ça résonne terriblement, et vous en plus, vous ne retirez même pas le bénéfice de vous extasier devant leurs belles bouclettes.
Vous devez probablement entendre des cris stridents de manière impromptue, souvent causés par l’arrachage de stylos ou la destruction intentionnelle du zoo de l’une par l’autre. Elles finissent par se faire un câlin et à en être craquantes, mais ça non plus, vous ne le voyez pas et vous en fichez probablement.
Vous avez sans doute entendu des pas répétés et insistants samedi dernier ainsi que des cris de ce qui semblait être une horde d’enfants. Non je n’ai pas invité de troupeau de tigres à la maison, juste mon amie et son fils de 4 ans. Je sais, le niveau sonore des enfants est inversement proportionnel à leur âge et l’effet des décibels exponentiellement proportionnel. Ce sont le genre de lois de la nature que personne ne comprendra jamais. Les vibrations que vous avez pu entendre sont dues à la course improvisée qu’ont organisé mes filles : le petit garçon et elles se sont pris pour des voitures de formule 1. C’est ce jour là que l’un d’entre vous s’est manifesté en sonnant à notre porte « je sais qu’elles sont pleines de vie et que vous faites de votre mieux, mais c’est incessant du matin au soir… » s’était plainte la voisine du dessous.
Vous m’entendez surement aussi faire de mon mieux pour vous calmer, si tant est que « Taisez-vous bande de sauvages » puisse être une façon de canaliser leur énergie. Je sais, ça craint, mais je n’ai pas encore trouvé mieux.
Pendant ces moments là, vous comme moi n’en pouvons plus. J’ai cherché en vain le bouton de la télécommande, croyez-moi, mais je ne l’ai jamais trouvé.
Mais lorsque je leur raconte l’histoire et que je vois leurs grands yeux de manga,que je les borde et que je les vois serrer dans leurs bras leur doudou informe et l’un de mes objets, lorsque je vois ma fille sortir du lit affublée de ma robe de chambre comme un petit Casper rose en peluche, je craque et fonds – ce qui a pour effet de me rendre amnésique jusqu’au lendemain matin. Je sais, vous pas.
Vous payez le prix sans bénéficier du produit, c’est pas juste, je sais. Mais la vie est injuste.
Je vous souhaite beaucoup de courage pour cette nouvelle cohabitation. Dans pas longtemps, vous vous habituerez, comme moi. S’il le faut, je vous les prêterais de temps en temps pour que vous aussi, puissiez vous alimenter de leur rires et leurs câlins et effacer toute animosité.
Au plaisir de vous croiser dans l’ascenseur (n’oubliez juste pas que ce sont mes tigresses qui appuient désormais sur le bouton)
Cordialement,
vos 3 nouvelles voisines