Au Théâtre de l'Oeuvre, où définitivement il fait bon aller, Jean-Quentin Châtelain se saisit avec brio et une extrême finesse de l'adaptation, signée Thierry Fortineau, du premier roman publié par Romain Gary en tant qu'Emile Ajar en 1974. Sous le regard avisé de Bérangère Bonvoisin, il nous balade dans cette fable délicieusement digressive, aussi profonde qu'absurde, hilarante, fantastique, émouvante, ou encore gentiment polissonne, traitant de la solitude d'un homme vivant avec un python, de son besoin d'aimer, d'exister aux yeux des autres, de trouver sa place. Du grand théâtre qui nous ramène à nos propres interrogations sans oublier de nous faire passer un moment exquis.
"Gros-Câlin", c'est le nom choisi par Monsieur Cousin pour le serpent qu'il vient d'adopter. Monsieur Cousin vit seul, dans son petit deux pièces parisien, avec ce reptile de deux mètres vingt dont il apprécie plus que tout le contact physique, le laissant régulièrement l'enlacer. Monsieur Cousin rêve d'épouser Mademoiselle Dreyfus, une collègue de bureau qui ne lui prête aucune attention. Va régulièrement aux "bonnes putes". A mesure que le temps passe, Monsieur Cousin opère une mue, une métamorphose qui le fait chaque jour ressembler un peu plus à son animal de compagnie. Marginalisé, isolé, ignoré...
Sur le plateau paraissant aménagé en vivarium pour acteur par Arnaud de Ségonzac (amusant !), Jean-Quentin Châtelain dévoile un Cousin songeur, aérien, chargé d'un mal-être bouleversant qui transpire de répliques pourtant on ne peut plus drolatiques. Pénètre son âme en douceur. Révèle tendresse et détresse d'un personnage complexe. Irrésistible, la séquence durant laquelle il narre le voyage de Gros-Câlin dans les canalisations de son immeuble, atterrissant dans les toilettes des voisins, et plus précisément dans l'intimité de la voisine. Mais bouleversant son regard de fin, après avoir prononcé cette phrase ultime : "Dans une grande ville comme Paris, on ne risque pas de manquer".
A nous, Jean-Quentin Châtelain manquait déjà terriblement, à peine sortis du théâtre...
Tous à l'Oeuvre !
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Photo : Dunnara Meas