La mini-chronique de novembre

Publié le 21 novembre 2013 par Vargasama

DE ROUILLE ET D’OS

Grande aficionada du cinéma de Jacques Audiard depuis son tout premier long-métrage, « Regarde les hommes tomber », j’avais cependant réussi à louper « De rouille et d’os » lors de sa diffusion en salle (le facteur “allergie à Marion Cotillard” ayant joué pour beaucoup). Comme il est bête de se priver du travail d’un réalisateur pour si peu, j’ai récemment outrepassé mon aversion.

Ali fuit le Nord de le France, son fils Sam sous le bras et débarque sans crier gare chez sa soeur (qui vit sur la Côte d’Azur) alors qu’il ne lui a pas donné signe de vie depuis des années. Cet ancien boxeur, mutique, violent, s’occupe à peine de cet enfant qu’il connait peu (le gamin était jusque là élevé par sa mère). En faisant la sécurité dans une boîte de nuit, il rencontre Stéphanie, dresseuse d’orques au Marineland d’Antibes, peu de temps avant qu’un accident ne coûte ses 2 jambes à la jeune femme.

S’appuyant sur des nouvelles de l’auteur américain Craig Davidson, Jacques Audiard en malaxe l’essence et en tire un film qui lui est propre : rugueux, beau, dur. Deux parcours, deux êtres blessés s’y télescopent, s’affrontent et arrivent même à (s’)aimer.

La réalisation est superbe, la bande son belle, les personnages taiseux, les parcours cabossés, les interprétations intenses mais économes, même celle de Marion Cotillard, oui oui ! Avec le temps et une interprétation « piafesque » désastreuse, on en oublierait presque que c’est une actrice douée.

Matthias Schoenaerts prête sa carrure de lutteur au personnage abîmé d’Ali, livrant une interprétation aussi dense que celle qu’il avait fourni sur « Bullhead » (un film belge assez difficile sur le trafic d’hormones, mais que je ne saurais trop vous conseiller).



DETACHMENT

Henry Barthes est professeur remplaçant. La situation convient parfaitement à cet homme solitaire qui change de lycée au gré de ses affectations, prodiguant son savoir et repartant dès la fin de sa mission sans aucune envie de s’impliquer émotionnellement auprès des élèves.

Mais la carapace qu’il a si précautionneusement confectionnée n’est bientôt plus suffisante à le protéger des évènements extérieurs : son grand-père qui se meurt dans sa maison de retraite, le poids de cette mère trop tôt disparue, la jeune Erica croisée un soir et qui tapine au fond d’un bus, les maux de ses collègues et surtout le désespoir des élèves d’un lycée de seconde zone …

Tony Kaye, qui avait frappé très fort dès son premier long métrage, « American History X », s’était fait plus discret depuis, tournant pourtant régulièrement (des films plus confidentiels et des documentaires). Avec « Detachment », il signe une analyse brute, sans concessions et assez alarmante du système éducatif américain, dont les moyens s’amenuisent chaque jour davantage, dont les professeurs se désengagent peu à peu et sont démunis face à des élèves désabusés, parfois violents, souvent perdus.

En plus de ce constat, Tony Kaye aborde beaucoup d’autres aspects (la vieillesse, les non-dits, le mal être adolescent, la solitude, etc.), faisant parfois trembler les épaules de ce petit film indépendant (des propos aussi denses, c’est un peu lourd à porter).

Cependant, l’ensemble forme un tout édifiant et sensible, reposant sur l’une des meilleures performances d’Adrian Brody, secondé il faut dire par un casting luxueux (James Caan, Tim Blake Nelson, Lucy Liu, Brian Cranston, Christina Hendricks, etc.)


TAMPOPO

“Tampopo” fait partie de cette catégorie de long métrage que l’on peut qualifier d’expérience.

À ranger dans la famille des films culinaires (ce qui représente déjà une particularité en soi), « Tampopo » est un film japonais de 1985, impliquant des différences culturelles exotiques, parfois un peu incompréhensibles pour les petits occidentaux que nous sommes.

Quand le routier Goro fait halte dans le restaurant de la douce Tampopo (ou fleur de pissenlit, comme c’est charmant), il constate que la qualité de la cuisine n’est pas à la hauteur de l’accueil que réserve la jeune femme. Ému par sa condition (veuve, elle élève vaillamment son fils), il décide de l’aider dans sa quête de la soupe de nouilles ultime.
S’appuyant sur ses propres connaissances, il va également recruter une équipe d’experts qui épauleront Tampopo dans son entreprise.
Articulé autour de petites saynètes décalées et ayant toujours un rapport avec la nourriture, pimenté par les apparitions d’un mystérieux gentleman au costume blanc, « Tampopo » est un film farfelu, un voyage au coeur de traditions culinaires ancestrales, difficilement racontable et rythmé par les grands sluuuuuuurp de tous ces amateurs de bouillon.
Non dénué d’humour, le sujet pourra toutefois sembler un peu ingrat aux moins aventureux (du fait des raisons évoquées en préambule), parfois même un tantinet ragoûtant en raison notamment des fameux bruits de déglutition ou du rapport un peu particulier qu’entretient le peuple du soleil levant avec la nourriture.


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