On croyait que le fin fond du pire avait été atteint avec la Une de Minute comparant Christiane Taubira à un singe. Auparavant, une forme pélagique de stupide méchanceté avait été mise en scène à Angers lors d’un déplacement de la ministre le 25 octobre par un groupe d’activistes catholiques rescapés de la Manif pour tous. Christiane Taubira avait été accueillie aux cris de « La guenon, mange ta banane ». Des attitudes et des comportements aussi intolérables qu'imbéciles.
C’était sans compter avec la « créativité » simpliste des petits soldats de l’UMP. Une élue de la base, conseillère municipale de Combs-la-Ville (Seine-et-Marne), s’est mise à solliciter ses facultés d’imagination. Et la bougresse n’en manque pas. Biberonnée au lait des clichés coloniaux pour lesquels la biologie est un argument éternel de la classification des êtres humains, l’élue a posté sur sa page Facebook une image de la ministre de la Justice, Christiane Taubira, titrée « Y'a pas bon Taubira », réplique de la célèbre affiche Banania créée en 1915. C’était pour de rire pas pour de vrai, s’exclame Claudine Declerk. Selon elle, la Une de Minute comparant la ministre à un singe, n’est pas à la hauteur de l’original support de son inspiration. « C'est largement plus grave, moi c'était de l'humour », laissant entendre qu’elle, au moins, elle avait réfléchi et qu’elle s’y connaît en matière de dérision. Avec toujours le même argumentaire raciste, moi jamais ! « Est-ce que je suis raciste? », s’interroge ingénument l’élue qui se parle à elle-même façon Alain Delon « Mais pas du tout, il suffit de voir les amis que j’ai ».
Jean–François Copé qui avait naguère dynamité les digues républicaines avec un pain de chocolat a immédiatement et par trois fois tweetement réagi. Dans son premier tweet, il assure le service républicain minimal : « Je condamne avec la plus grande force tout acte, propos ou comportement raciste ». Il ajoutera dans un autre tweet que «d'où qu'elle vienne, la haine de l'autre n'est pas acceptable ». Compte tenu de la répétition des dérapages verbaux à l’encontre de Christiane Taubira, le président de l’UMP ne donne pas l’impression de mobiliser la totalité de son talent argumentatif. Est-ce que les circonstances sont propices à un engagement peu consistant ? L'occasion lui est donnée de paraître ferme tout en étant modéré. Et vice versa, vertu immuable de la langue de bois avec laquelle il avait pourtant reconnu avoir pris quelques distances. L’entreprise de récupération du leadership des troupes de l'UMP ballotées entre la 24ème annonce du retour de Sarkosy et la quasi balladurisation de Fillon est bien sur les rails !
Les dispositifs de l’éducation à la citoyenneté et de l’éducation civique sont opérants pour œuvrer à faire reculer toutes les formes d’exclusion et de discrimination. La citoyenneté se nourrit des valeurs républicaines. L'éducation est un rôle qui est dévolu à l’Etat afin de faire société. Emile Durkheim, fondateur de la sociologie française, voit dans la « fonction collective de l’éducation » le moyen « qui assure entre les citoyens une suffisante communauté d’idées et de sentiments sans laquelle toute société est impossible ». Education et sociologie, p. 58 & 59, Presses Universitaires de France). Selon Durkheim, l’éducation a un caractère social qui permet « la transmission ». (idem p. 53). Le sens de toute éducation est amoindri dès lors que l’exemplarité morale des politiques et des gouvernants est entachée d’écarts et de dérapages. A quand une formation civique à destination des élites ?