Les populations de ce quartier où se situe le champ gazier de Logbaba ploient sous le poids de la misère. En réalité, les installations du projet se trouvent au village Ndogpassi au lieu-dit Logmayangui. 1-Au cœur d'une misère ambiante
Vendredi 15 novembre 2013. Le Président de la République doit procéder à l'inauguration du site du champ gazier de Logbaba. Tout le monde s'accorde sur le fait que Paul Biya mettra le cap sur les lieux à bord de l'hélicoptère présidentiel. Imprévisible, l'homme-lion prend tout le monde, même le protocole d'Etat de court, en empruntant l'axe principal qui traverse ce quartier populaire où règnent, outre une insalubrité déconcertante, une insécurité frissonnante, une pauvreté des plus scandaleuses.
En fait, ce quartier où est situé le champ gazier de Logbaba est la parfaite illustration d'un bidonville, Pour tout dire, le rejet de déchets industriels et domestiques, l’absence de traitement des ordures ménagères, l’insalubrité et l’absence d'instaurations sanitaires, de politiques de gestion environnementale. Sans exagération aucune, l'on se croirait à Soweto en plein apartheid. Les habitants de ce quartier de Douala III sont sous l'emprise des immondices. Y vivre demande de s’accommoder à l'insalubrité. La saleté est la valeur la mieux partagée par les nombreux habitants qui font de cette périphérie, l'une des plus populeuses de la ville.
Ce quartier présente un cliché des plus affreux, Derrière le petit marché du coin, non loin du lieu-dit Danger, des tas d'immondices se dressent tels des montagnes. En ce début de saison sèche, les maisons jaunies par la poussière s'enchevêtrent à perte de vue. Par endroits comme à proximité du stade de football qui jouxte l'école primaire, une petite broussaille côtoie presque chaque habitation, favorisant l'épanouissement des sou¬ris, rats et autres rongeurs et reptiles. Qui côtoient allègrement les habitants. C'est l'enfer sur terre à Ndogpassi.
Elie H. un habitant, évoque quelques difficultés rencontrées au «En saison sèche, tout le monde souffre de la toux à cause de la poussière. L'environnement dans ce quartier est pollué. Nous sommes victimes des coupures d'eau et d'électricité, des agressions de jour comme de nuit...» se plaint-il. «La pollution dans ce quartier, ajoute un autre habitant est aussi très présente à travers l'utilisation des appareils défectueux tel les fers à repasser et les vieux frigidaires qui produisent énormément de monoxyde de carbone et de méthane». Des gaz qui provoqueraient une intoxication du sang à travers leur inhalation par les poumons. «Il suffit que le monoxyde de carbone soit concentré dans une pièce et qu'il atteigne un certain taux de concentration dans l'atmosphère ambiante pour qu'il provoque une absence d'oxygène dans le sang», explique un cardiologue.
L'eau est une denrée rare à Ndogpassi. «Les populations se ravi¬taillent dans les forages», confie un chef de bloc. Pourtant, disent les environnementalistes «le sol de Douala étant poreux, il y a une contamination permanente et intense des sols qui est à l'origine de nombreuses maladies hydriques. Les eaux distribuées à travers les forages et les sachets plastiques sont loin d'être potables. La nappe phréatique exploitée est contaminée par les déchets industriels et domestiques».
L'insalubrité constatée dans ce quartier est un facteur favorisant de nombreuses maladies hydriques. Peu connus des populations, les gaz rejetés dans la nature par les différents types de pollutions peuvent, à en croire les spécialistes être à l'origine de milliers de morts enregistrés ici et dans les environs. Il en est de même des hydrocarbures imbrûlés, du monoxyde de carbone, de l'oxyde d'azote, du plomb, des poussières industrielles. Qui et sont eux, à l'origine de la destruction des cellules sanguines et des globules rouges en particulier.
Survivre à Ndogpassi relève presque du miracle. La population qui redoute la montée vertigineuse du grand banditisme scrute désespérément le ciel, «Depuis quelques jours, nous sommes en sécurité dans notre quartier. Nous devons ce calme aux éléments du bataillon d'intervention rapide déployés sur le terrain. Nous souhaitons qu'ils restent pour longtemps encore». Hélas, ils sont là pour une mission bien précise. Pour combien de temps encore…
2-Totale désillusion
En dépit des grincements de dents relatifs aux questions d'indemnisations des déguerpis, questions soigneusement éludées lors de l'inauguration du site du champ gazier de Logbaba, les habitants de Ndogpassi fondaient tout leur espoir sur ledit projet. «Nous pensions à l'époque qu'avec la création de cette unité dans notre quartier, un certain nombre de réalisations visant le bien-être des populations allaient suivre. Au fil des ans, nous avons déchanté face à la triste réalité», confie Alain Tchakou. Selon une organisation non gouvernementale qui a travaillé sur ce projet appelé «projet de-gaz de Logbaba» parce qu'en 1957, le village Logbaba était le terminus de la voie ferrée à la société Elf qui menait des travaux exploratoires sur le site gazier y faisait débarquer son matériel, celui-ci s'exécute sans un plan de développement local.
«La seule mesure retenue dans l'étude d'impact du projet se rapporte à l'embauche des riverains sur la base d'une consultation effective de la communauté par le biais de comités locaux institués en son sein». Non seulement lesdits comités n'ont jamais vu le jour, mais aussi, les riverains ne savent ni comment les recrutements sont faits, ni la provenance des employés travaillant pour le compte de l'entreprise Rodeo depuis la phase exploratoire du projet. Autre chose, l'eau du forage construit par ladite entreprise est impropre à la consommation. «C'est dommage que l'eau du forage inauguré à la fois par le sous-préfet de Douala Ille et le Directeur général de Rodéo soit de la piètre qualité. Ils sont venus nous livrer la mort, car à plus de cent mètres, cette eau dégage une odeur très forte.
Je n'imagine même pas ce que cela peut causer comme désastre dans l'organisme. C'est honteux pour notre pays, et triste pour les habitants de Ndogpassi «affirme un riverain».
3-Les populations mises à l'écart
C'est en 2001 qu'un permis d'exploration gazière est délivré au groupe bri-tannique Vog (Victoria Oil and Gas) à travers sa filiale en propriété exclusive Rodeo Development Limited sur une superficie estimée à 20 km2 en plein cœur de Ndogpassi. Dans cette localité d'environ 130 000 habitants, le gisement gazier a été exploré et découvert dans un premier temps en 1957. Mais ce n'est qu'en juin 2009 que les travaux d'exploration liés au projet ont débuté. Ils se sont achevés en 2011 avec la signature, par le président de la République, Paul Biya en avril de la même année, du décret n° 2011/112 octroyant le droit à Rodeo, d'exploiter ce gisement gazier d'envergure pendant une durée de 25 années avec en option la possibilité de poursuivre cette activité extractive sur le site pendant 10 années supplémentaires.
Dès la phase exploratoire du projet, les populations sont mises à l'écart. Des informations utiles lui sont alors cachées. Notamment sur la dangerosité des activités développées sur le site (exploitation de gaz et installation des gazoducs sur, près de 17 kms). L'entreprise qui se croit tout permis opère en sourdine. Et omet sciemment de recenser les ménages et leurs biens.
Ce qui sera fait en mai 2009 par la commission de constat et dévaluation présidée par le préfet d'alors. «Une violation de la législation nationale et même d'une des dispositions de l'étude d'impact liée au projet qui recommandait qu'avant toute activité exploratoire sur le site, les familles habitant le périmètre de sécurité des installations industrielles soient déplacées afin qu'elles ne soient-pas exposées à la nocivité des activités développées à l'instar des explosions, des tremblements de terre, de l'élévation de la température dans la zone, de la difficulté à accéder à leurs habitations, des interruptions de l’alimentation de leurs domiciles en eau et en électricité ...etc. ».
Plus grave encore, les enquêtes visant à identifier et à évaluer les biens à détruire se feront en marge «des règles élémentaires prescrites dans ces types d'opération». Dans le seul but, pense la société civile de pousser les chefs de ménages concernés à corrompre les agents de la Cce afin de voir les montants de leurs indemnisations grossis.
Autre grosse incongruité, «les montants alloués aux biens à détruire ne reflétaient pas toujours leurs valeurs réelles, ceci parc que lesdits, biens avaient été soit surévalués soit sous-évalués». A l'ère de la mise en exploitation de cette richesse naturelle, les riverains n'ont plus que leurs yeux pour pleurer.