Il n'y a jamais eu qu'un roman : c'est le roman de l'univers. Et il n'y a qu'un seul romancier : c'est moi [Dieu]. Les autres, ceux qui écrivent des livres, qui obtiennent des distinctions et qui ramassent des lecteurs, qui deviennent célèbres et dont les noms flottent sur les lèvres des hommes, se contentent de combiner autrement, en se servant du langage que je leur ai donné, des fragments de ma création. On peut dire la même chose de ceux qui peignent et qui sculptent, qui font des films et du théâtre, de la musique, des opéras : ils se servent des yeux, des mains, des oreilles que je leur ai donnés pour rassembler des spectateurs, des auditeurs et des admirateurs prêts à les acclamer.
Je n'avais jusque-là jamais rien lu de Jean d'Ormesson, bien que le personnage attire plutôt ma sympathie, notamment par l'image qui en est donnée régulièrement dans la chronique de Fonelle dans le magazine ELLE. Personnage de fiction évidemment, mais tout de même. Et puis, pourquoi, en cette rentrée littéraire, j'ai eu envie de faire sa connaissance ? Je ne sais pas, mais toujours est-il que je me suis plongée avec délices dans ce roman, que j'ai littéralement dévoré.
C'est un roman ambitieux, puisqu'il ne vise rien moins que de raconter... l'histoire de l'humanité. Il se compose de trois tableaux : dans le premier alternent "le fil du labyrinthe", à savoir l'Histoire, et "le rêve du Vieux", le Vieux en question n'étant autre que Dieu lui-même, narrateur omniscient s'il en est. On est entraîné dans un voyage à travers le temps, nourri de littérature, de philosophie et de science. Les deux autres tableaux sont plus personnels et méditatifs : "Pourquoi y a-t-il quelque chose au lieu de rien", et "La mort : un commencement ?" qui est de fait un hymne à la vie.
Je n'irai pas plus loin dans le résumé, parce que de fait résumer ce roman (et l'auteur tient à cette appellation générique !) est proprement impossible. Ce que je peux dire en revanche, c'est que le texte fait preuve d'une érudition proprement hallucinante, que l'on apprend énormément de choses, mais que ce n'est jamais pesant. Le style est joyeux, léger, enlevé, teinté d'humour et parfois d'irrévérence. Parfois, on est pris de vertige. Un vertige révélateur, car l'auteur emmène le lecteur à se poser des questions, à méditer des sujets auxquels il n'avait peut-être jamais vraiment pensé : l'immensité de l'univers, la physique quantique, l'amour, le temps et l'espace, la mort. Le monde, hasard ou nécessité ? Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? On ne sort pas de cette lecture comme on y est entré. L'auteur dit qu'on reconnaît les bons livres à ce qu'ils changent un peu leur lecteur, et que ce livre-là l'a un peu changé, lui. Mais j'ai envie de dire "moi aussi". Parfaite réussite donc !
Alors pour finir, je voudrais juste remercier M. d'Ormesson (des fois qu'il passe par là) pour cet ouvrage d'une richesse et d'une profondeur incroyables, qui m'a tout simplement ravie, dans tous les sens du terme.
Challenge 1% rentrée littéraire 2010 : 3/7