Le Temple18, rue du Faubourg du Temple75011 ParisTel : 01 43 38 23 26Métro : République
Ecrit par Lamine Lezghad et Jimmy Lévy
Présentation : Toujours aussi élégant et subtil dans sa manière de jongler avec l’humour des limites et les limites de l’humour, Lamine Lezghad se fait l’avocat du diable avec une mauvaise foi cinglante et hilarante. Dans cette nouvelle inspiration, qui représente aussi un virage radical dans sa carrière, il se sert outrageusement de son apparence de « bogosse » lisse et propre sur lui pour nous prendre à contrepied par sa noirceur et la jubilation de ses saillies cruellement drôles. Lamine réveille en nous notre capacité à rire de l’horreur. C’est transgressif et salutaire…
Mon avis : Lamine Lezghad a considérablement évolué par rapport au spectacle auquel j’avais assisté il y a dix-huit mois. Il a abandonné la formule des sketchs au profit du stand-up ce qui lui donne visiblement une plus grande liberté d’expression. Et cette liberté lui permet de repousser beaucoup plus loin le curseur de l’impertinence.Aujourd’hui, Lamine fait partie de ces humoristes qui s’autorisent à soulever le couvercle de la marmite du politiquement correct pour laisser s’échapper le fumet acide de l’irrévérence absolue. Il était grand temps. Finis les tabous et l’hypocrisie.Son discours offre un contraste saisissant avec son élégance vestimentaire, son maintien et sa belle gueule. En même temps, cette classe naturelle et son sourire craquant lui permettent de le faire mieux passer. Parce qu’il va loin, le bougre ! C’est Lamine… à fragmentation. Quand il explose, personne n’est épargné. Arabes, cons, handicapés, Juifs, Noirs, Parisiens, provinciaux, racistes, suicidaires… sans compter un running gag s’apparentant à du Roumanoff Bashing. Bref, il dégomme tout à l’insolence-flamme.
Comme toujours, il adore chambrer le public, flattant certains, égratignant d’autres. Mieux vaut ne pas être susceptible. A mes côtés, une dame à la tête enfoulardée a fait la gueule toute la soirée. On l’avait sans doute mal renseignée. Elle devait se sentir bien seule au milieu de tous ces éclats de rire qui fusaient de partout.Le one man de Lamine est à la fois bien écrit et bien structuré. Il excelle dans les métaphores les plus osées mais qui en deviennent d’autant plus explicites. C’est aussi très varié. Il peut passer d’un échantillonnage de rires ou d’une séquence de détournement de grands classiques à un slam fort bien troussé. Très à l’aise, facile même, il est aussi un sacrément bon comédien. Et, surtout, il s’amuse beaucoup avec lui-même. Il adore se vautrer autant dans un narcissisme complaisant (sa fameuse « bogossitude ») que dans une mauvaise foi assumée : « Je pratique un humour incisif et couille-molle ». Mais quand on analyse la totalité du contenu de son spectacle, il y a 90% d’« incisif » pour 10% de « couille-molle ». Il est vraiment très gonflé. Il nous fait une réjouissante démonstration que l’on peut rire absolument de tout. Vu son métissage, dont il peut être fier à juste titre, on ne peut vraiment pas le taxer de prosélytisme. Il sait de quoi il parle, il sait jusqu’où il peut aller et tant pis (ou tant mieux) si c’est un peu cruel à entendre. Il y a toujours un fond de vérité.
A l’image de sa tenue de scène, son humour est noir. C’est décapant et salvateur comme une grosse goulée d’oxygène prise au sortir d’un long moment en apnée.
Gilbert "Critikator" Jouin