Un des meilleurs albums de l’année est sorti cet automne, et je suis prêt à parier mon disque dur externe que la majorité d’entre vous n’ont pas posé une oreille dessus.
© Lars Borges
Alex Wilner dans le civil, The Field sur scène, et des nombreux alias pour brouiller les pistes. Voilà notre homme : il est suédois, a le cheveux gras et possède des lunettes peu sexy, mais surtout, il est signé chez Kompakt. Pas systématiquement un gage de qualité, ce serait mentir que de dire que c’est parce qu’on a vu l’écusson du label fondé par Michael Mayer apposé sur la pochette qu’on s’est rué dessus. Mais voilà, The Field y a sorti Cupid’s Head, ça tient en six morceaux, et c’est très certainement la meilleure heure que vous pourrez passer avec votre casque sur les oreilles cette année.
On y rentre avec They Won’t See Me, neuf minutes qui poussent d’emblée à l’admiration, et qui posent les règles : des boucles, des vocals lointains et éthérés, un peu de distorsion de temps en temps, et une atmosphère entre l’ambient et la minimal.
C’est avec Black Sea que commence l’hallucination ; quasiment douze minutes qui reposent sur le beat le plus simple de la terre, et pourtant, nous voilà emportés, on vogue sur cette mer noire avec la certitude qu’on arrivera à bon port, on sent pourtant la tempête arriver, et on tombe sur une île déserte, unique dans cet album : la fin de ce morceau reprend les armes techno pour mieux nous mener vers Cupid’s Head, probablement la plus immédiate des six tueries. La plus courte, la plus belle, et la plus hypnotique de toutes.
Maintenant qu’on pense avoir compris ce qui se passait dans son cerveau, The Field nous emmène en visite guidée avec A Guided Tour. Si les codes restent les mêmes, le résultat est au premier abord plus pop, ce qui est aussi déroutant que jouissif.
No. No…, elle, réussit le tour de force de nous surprendre encore : longue montée jubilatoire, ce fascinant morceau aux reflets oniriques est en réalité le parfait tremplin à la conclusion du disque : 20 seconds of affection. Bien plus que de l’affection, on y trouve une mélancolie habitée, pure et simple. Plutôt que de durer 20 secondes, elle dure 29 fois plus longtemps. 29, c’est le nombre de fois qu’il est nécessaire d’écouter ce disque pour en comprendre les différentes facettes, ses différentes aspérités, ses subtilités et ses qualités. On va pas tout vous spoiler, mais vous pouvez commencer la première des 29 écoutes ci-dessous.