Français, savez-vous ce que vivre en démocratie directe voudrait dire ?
Publié Par Jacques Legrand, le 20 novembre 2013 dans PolitiqueLe vrai changement, que l’actuel président avait promis et qu’il est incapable de mettre en œuvre, passe par une réforme des institutions fondées sur une subsidiarité ascendante, faisant appel à l’engagement de citoyens là où ils peuvent agir.
Par Jacques Legrand.
La situation actuelle ne peut durer, ne doit pas durer.
Il n’est pas juste d’imputer à la seule équipe au pouvoir aujourd’hui la difficile situation du pays. En effet celle-ci est due aux 40 ans de mal gouvernance qui l’ont précédée, qui a vu le développement d’oligarchies diverses avec deux points communs : leurs intérêts et privilèges d’abord ; la prétention de mieux savoir que les citoyens ce qui leur convient et donc la pratique de décider à leur place dans un nombre croissant de domaines. Cette gestion du pays, assez bien acceptée par beaucoup, reconnaissons-le, se trouve remise en cause aujourd’hui chez nos concitoyens « déboussolés » par l’effet de quatre phénomènes concomitants :
- une crise économique et financière durable qui touche un nombre croissant de catégories,
- la révolution des nouvelles technologies numériques et internet qui impactent tous les domaines de leur vie, souvent pour leur bien mais en changeant les habitudes « brutalement »,
- la planétisation © (dénomination que je trouve moins prétentieuse que « mondialisation »), qui les place sous des influences lointaines et peu contrôlables,
- l’arrivée au pouvoir de Monsieur Hollande et sa politique incertaine.
Dès lors nos concitoyens dénoncent un État qu’ils n’estiment pas assez protecteur et en même temps trop étouffant. Avec les moyens de communication numériques à leur disposition, ils peuvent exprimer une demande de nouvelles libertés, sans renoncer à leur besoin de sécurité et constatent que le pouvoir politique n’apporte pas de réponse.
Yvan Blot, dans son ouvrage La démocratie directe une chance pour la France, démontre que « l’exécutif, en apparence, est tout-puissant ; en réalité ses décisions sont largement le fruit des groupes de pression, technocrates, télévisions, associations non élues mais s’auto-proclamant parfois « autorités morales » ; dans un tel système, le peuple se sent exclu ».
La constitution de 1958 n’empêche pas les appareils des partis de dicter leurs votes aux députés, que les lois soient en fait préparées par les fonctionnaires-technocrates, que les cabinets du président de la république comme celui du premier ministre soient peuplés des seuls énarques à plus de 90%, déniant toute place aux autres acteurs de la société civile, notamment de la partie la plus importante pour la création de richesses et l’emploi : les entrepreneurs, absents du parlement, du gouvernement. Rappelez-vous l’extase des médias quand « le garagiste de Loudun », René Monory, fut nommé ministre de l’industrie puis de l’économie sous Giscard !
De même, à une époque où les sciences et techniques impactent aussi fortement la plupart des domaines de la vie, le pouvoir n’écoute pas l’astrophysicien André Brahic qui, dans son livre La science, une ambition pour la France recommande qu’au cabinet de chaque ministre important figure un scientifique de haut niveau.
Je dépense, donc je suis
À chaque niveau le principe pervers « je dépense, donc je suis » est appliqué par l’État et les élus, sans contrôle, sans vraie responsabilisation ni forte sanction, même pour des cas aussi scandaleux et aussi ruineux pour les contribuables que ceux du Crédit Lyonnais et aujourd’hui de DEXIA. Nous savons ce qu’il advient des rapports souvent lucides et courageux des présidents de la Cour des Comptes, dont ceux de l’actuel président socialiste.
Sondage après sondage, les citoyens disent leur manque de confiance dans la classe politique, soulignent combien les responsables en place sont loin de leurs préoccupations ; en fait, la plupart de ceux-ci vivent d’une façon différente de la très grande majorité des citoyens et méconnaissent ainsi leurs réalités existentielles, un hiatus accentué par les phénomènes nommés plus haut, mal pris en compte par le pouvoir actuel et auquel nos institutions ne savent pas remédier.
Pouvons-nous mettre en place une démocratie directe sous Hollande ?
La vision de M. Hollande est celle d’une sociale-démocratie à la française, bardée d’idéologie, inadaptée aux données d’aujourd’hui.
Son caractère, celui d’un accoucheur de compromis a minima, qui n’a jamais exercé de responsabilités ministérielles. Son charisme, introuvable.
Et donc il a choisi, à de rares exceptions près, un entourage ministériel « compatible », à commencer par le premier ministre.
Un président malgré lui et mal élu
En fait, M. Hollande n’aurait-il pas été un candidat « à l’insu de son plein gré » ?
Hollande, le fidèle militant socialiste, n’a jamais été appelé au gouvernement pendant les dix-sept années où Mitterrand puis Jospin ont été au pouvoir. Comment donc faire pour enfin atteindre ce but : devenir ministre ?
Les mauvais sondages de Sarkozy lui donnent à penser que la gauche a de bonnes chances d’accéder au pouvoir en 2012. Il se déclare officiellement candidat à la primaire, le 31 mars 2011, alors que, rappelez-vous, à la même époque, ces sondages indiquent clairement que si DSK se présente il l’emportera facilement contre Sarkozy et tous les autres, donc contre Hollande… Alors pourquoi celui-ci est-il candidat ? La stratégie de M. Hollande est simple : être candidat puis négocier son ralliement à DSK contre… devinez quoi ? Mais arrive le mois de mai 2011 et le fameux dérapage de DSK… Que faire ? En face de lui se dresse Martine Aubry, qui l’exècre (et réciproquement) ; donc si elle remporte les primaires puis l’élection présidentielle jamais il n’accèdera à ce poste gouvernemental si envié. Alors il ne voit plus d’autre solution que de continuer la course…
Arrivent les élections de mai 2012 que M. Hollande remporte, mais… « on constate que « sortir le sortant », selon la vieille formule, a été la préoccupation dominante chez les électeurs de M. Hollande. Interrogés sur leur principale motivation au moment de se rendre aux urnes, 55% des électeurs du candidat du Parti socialiste répondent qu’ils ont voulu « barrer la route à Nicolas Sarkozy« , contre 45% qui affirment avoir eu « envie qu’il soit président ». » (Pierre Jaxel-Truer in Le Monde, le 07.05.2012).
Les effets négatifs de ce choix par défaut sont encore amplifiés par ce que les observateurs politiques indiquent : 14% des électeurs du FN ont voté pour lui, ainsi que 81% de ceux de M. Mélanchon, qui insulte le président chaque semaine, sans parler des Verts… versatiles. Le président ne bénéficie donc pas dans le pays d’une majorité capable de le soutenir, au cas, hélas totalement improbable, où il déciderait d’opter pour la gouvernance nouvelle esquissée ci-après.
La solution de la démocratie directe
Ce régime est largement inconnu des Français, très rarement évoqué par les médias auxquels le système actuel consent bien des avantages. D’où de nombreux préjugés. Disons d’abord ce qu’elle n’est pas. Elle n’est pas le substitut à la démocratie représentative ; les citoyens ne lancent pas des pétitions pour un referendum toutes les semaines sur n’importe quel sujet ; des représentants élus et le parlement continuent d’exister.
Elle renforce l’efficacité du système démocratique car elle prend en compte les réalités existentielles de la grande majorité des citoyens, alors que les élus et autres « élites » bénéficient de privilèges et d’avantages divers (logement, transport, revenus…) qui font écran avec ce vécu de « la base ».
Permettre l’expression des idées, suggestions, initiatives, de centaines de milliers de citoyens, se prononcer sur celles qui ont recueilli les signatures requises, cela fait évoluer la façon de rechercher des solutions aux problèmes rencontrés.
Dans les États qui l’appliquent, on constate une éducation politique des citoyens, leur meilleure adhésion à des choix sur lesquels ils se prononcent ou même proposent, et non comme subis « d’en haut ».
Savoir que le peuple peut sanctionner les « erreurs », les dépenses excessives, les intrusions dans la vie privée, rend l’exécutif comme les députés plus prudents dans leurs projets.
Réformer les institutions
Chers lecteurs, je n’ai pas de plaisir à dresser le portrait de ce prince qui ne nous gouverne pas, car c’est en même temps souligner la tâche immense qui attend ceux qui, pour servir le pays, devront engager le processus du vrai changement. Des citoyens lucides et responsables qui auront compris qu’introduire plus de liberté dans une société où le pouvoir politique se concentrerait d’abord sur ses tâches fondamentales et n’interférerait dans la vie des citoyens que sur le mode subsidiaire, qu’une telle société redonnerait à la plus grande partie de la population le sens des responsabilités et le goût de l’initiative.
L’avènement à cette vraie « nouvelle société » passe par une réforme des institutions fondées sur une subsidiarité ascendante faisant appel à l’engagement de citoyens là où ils peuvent agir. De plus ceux-ci devront se voir doter de droits politiques supplémentaires qui accroissent leur participation pour être mis à égalité des élus, à l’instar de la Suisse et des autres États qui ont avantageusement fait le choix d’introduire dans leur régime politique des outils de la démocratie directe.
Il s’agit de faire évoluer les institutions sans mettre le pays à feu et à sang, sans aggraver encore les souffrances du peuple. Celui-ci doit au contraire montrer sa maturité, qu’il peut changer de régime à son profit sans couper la tête de qui que ce soit.
Par exemple, les Pigeons et autres Poussins doivent se conduire… comme des Aigles et prendre leur part du redressement à opérer. La RSE prônée par un nombre croissant d’entrepreneurs peut s’accompagner de la RPE : la responsabilité politique des entrepreneurs.
Si ce mouvement se met en route pendant ce quinquennat, nous irions même jusqu’à dire : « merci, Monsieur Hollande ».
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