Pour Raphaël Labbé, directeur du Pole innovation du groupe Express-Roularta, "le drone offre la possibilité à des équipes vidéos de réaliser des prises de vues que seule la télévision pouvait s'offrir avec une grue ou un hélicoptère". Au travers du projet Drone it, L'Express avait décidé, en mars dernier, de lancer une expérimentation en équipant des journalistes, vidéastes et autres citoyens engagés d'un mini-drone. Une réduction des coûts, des prises de vues plus précises et une plus grande fluidité : l'outil séduit. Allons-nous pour autant vers une généralisation du drone dans la vidéo ?
Pour Arnaud Mercier, directeur de l'Observatoire des médias et du master de Webjournalisme de Metz, "il ne faut pas s'emballer avec excès. Le drone ne porte pas l'avenir du journalisme et doit être vu comme un outil parmi d'autres, dont les journalistes doivent s'emparer pour enrichir les contenus. Et cela avant que les amateurs et autres bloggeurs ne se les approprient".
C'est que la population civile a déjà adopté ce nouvel outil, comme ce militant turc pour filmer les manifestations sur la place Taksim à Istanbul, le 11 juin 2013. Plus qu'un accessoire, le drone se révèle aussi être un instrument de contre-pouvoir, parfois au service du rétablissement de la vérité.
Jounalist drone shot down by police / Polis Tarafindan Dusurulen Helikopter
WebRep currentVote noRating noWeight
Légiférer sur l'utilisation des drones, où en est-on ?
Espionnage, vie privée ou encore libertés individuelles du citoyen, la démocratisation des drones est sujette à critique, en particulier au niveau de l'éthique. Souvenons-nous des "petits dispositifs volants" de surveillance que décrivait l'écrivain et journaliste Georges Orwell, dans son ouvrage 1984. Assiste t-on à la naissance de mini Big Brother en puissance ? Pour Arnaud Mercier, "le drone n'est pas un danger en soi, pas plus qu'un photographe planqué sur le toit d'un immeuble à plusieurs centaines de mètres de sa proie". Il se positionne pour une législation moins restrictive que celle déjà existante dans les pays occidentaux et aspire à une "libération de l'espace aérien de façon organisée et négociée", à l'image des mouvements pour la libération des ondes par les radios libres, à la fin des années 1970.En France, un arrêté datant du 12 avril 2012 légifère sur l'utilisation de drones civils dans l'espace aérien du pays ; une classification par types d'appareils et faisant la distinction entre ceux dotés d'une caméra et ceux utilisés pour le simple loisir. Ainsi, si l'appareil est muni d'un appareil photo ou d'une caméra, des autorisations préfectorales doivent être demandées avant le survol d'une zone, notamment en agglomération. L'engin doit aussi être en vue directe et ne doit excéder une distance maximale de 100 mètres du pilote. Hors vue directe et hors agglomération, une demande doit être faite au ministère chargé de l'aviation civile 24 heures avant le vol. Le pilote devra être secondé d'un assistant, en cas de perte de contrôle du drone.
Aux Etats-Unis, la loi est tout aussi restrictive : toute utilisation d'engins sans pilote est interdite à proximité des personnes et des habitations, exceptés ceux des forces de l'ordre et des organes gouvernementaux. Pour Raphaël Labbé, "inspirons-nous des Australiens qui ont une législation très fonctionnelle des drones depuis 2001". A la différence des autres pays occidentaux, la règlementation australienne encourage fortement les industriels à adopter la technologie des drones. D'ailleurs, la société de location de manuels scolaires Zookal envisage d'effectuer ses premières livraisons dans la ville de Sydney avec une flotte de six drones au printemps 2014. Des hexacoptères qui ne seront pas munis de caméras, ce qui écarte toute atteinte à la vie privée.
Des enseignements sur le pilotage de drones dans les écoles de journalisme
En France, le Master Journalisme et médias numériques de l'Université de Lorraine, à Metz, fait figure de pionnier. Les dix-neuf apprentis journalistes se sont amusés, le temps d'une journée, à survoler le centre Pompidou de Metz en octobre dernier.
Et si la solution était de permettre aux aspirants journalistes de passer un permis de pilotage de drone directement dans le cadre de leur formation, en les responsabilisant ? "On forme bien des journalistes spécialisés au maniement de la caméra, les fameux JRI, alors pourquoi pas" répond Arnaud Mercier. "Evidemment, il ne suffit pas de le décréter et de le faire pour le plaisir de le faire. Il faut se donner les moyens de faire ça bien, ce qui implique sans doute des coopérations avec des amateurs éclairés de l'aéromodélisme" conclut-il.
Pour aller plus loin :
"Drone : cette petite caméra volante au service du journalisme " (L'Express)
"Un drone, plusieurs usages " (Obsweb)
"La BBC se lance dans le drone journalisme " (Smartdrones)
"Drones, à l'attaque des médias " (Les Inrockuptibles)
"Les drones au service du journalisme " (RFI)
WebRep currentVote noRating noWeight