1. On critiquera la prétendue trop forte proximité de François Hollande avec Israël. En son temps déjà, Nicolas Sarkozy recevait des critiques aux relents douteux contre son soutien clair et souvent brutal au gouvernement israélien. Cette fois-ci, Hollande a bien un soutien des autorités israéliennes, et pour quelques raisons évidentes qui ne requièrent aucun appel à on-ne-sait-complotisme: la France s'est opposée à un compromis jugé trop laxiste entre les Etats-Unis et l'Iran pour l'accès nucléaire du potentat islamiste; et la France a voulu intervenir en Syrie contre Bachar el Assad. Les "critiques a priori" s'insurgeront aussi, sans surprise, contre la visite de la tombe du fondateur du mouvement sioniste Theodor Herzl. Elles négligeront celle de la tombe de l’ex-Premier ministre assassiné Yitzhak Rabin.
2. Certains ont critiqué par avance la position de François Hollande à l'égard de la Palestine. Oui, la situation dans les territoires occupés est désespérée et désespérante. Et l'Europe, France en tête, n'a pas dit pas grand chose. Mais la critique a priori du moment va plus loin: elle est formidablement bien résumée dans Mediapart qui, ce dimanche, publiait un article de Lénaïg Bredoux sur le sujet. Hollande y était accusé d'hésiter à soutenir reconnaissance officielle de la Palestine à l'ONU: "Selon nos informations, il hésite par ailleurs à approuver la résolution présentée par l’Autorité palestinienne en vue de sa reconnaissance comme État non-membre de l’Onu. C’était pourtant une promesse de campagne." Pour preuve, il a refusé de dévoiler la position de la France lors du vote de la dite motion à l'ONU.
Qu'a fait Hollande ?
Sur le tarmac de l'aéroport Ben Gourion, il rappelle sa préoccupation vis-à-vis du nucléaire iranien: "Sur le dossier iranien, la France considère que la prolifération nucléaire est un danger, une menace, et en Iran tout particulièrement, une menace sur Israël, sur la région, à l’évidence, une menace pour le monde entier". Il évoque aussi les négociations de paix, et conclut son court discours par une phrase prononcée en hébreu et en Français: "Tamid écha-èr ravèr chèl Israël", "je suis votre ami et je le serai toujours." Quel scoop !
Plus tard, il livre une interview conjointe avec Shimon Perès, le président (travailliste) israélien. La journaliste française de BFM-TV préfère dériver sur la situation franco-française.
Lundi en Palestine, Hollande termine son discours en arabe: "longue vie à l'amitié entre la France et la Palestine." Il dépose une gerbe sur la tombe de Yasser Arafat, rencontre de jeunes palestiniens, salue le président de l'Autorité palestinienne. En France, on évoque un "équilibrisme" diplomatique.
De retour à Jérusalem dans l'après-midi, il s'adresse aux députés israéliens. "Ici a été créé une société ouverte, (...) sans distinction de croyances" leur rappelle-t-il. Il a presque raison. Théoriquement, Israël est une démocratie. On y vote comme en France ou ailleurs en Occident. Mais le drame de Gaza, pour ne citer que celui-là, occulte cette réalité première.
Le discours de la Knesset débute par un message de soutien à Israël, un rappel de son histoire. C'est un exercice de confiance. "Oui, la France a été, toujours, du côté d'Israël, dès le premier jour, pour affirmer son droit à l'existence". Quel scoop ! Il poursuit sur les liens culturels, sur les 10% de francophones vivant là-bas, sur les coopérations culturelles ou techniques.
Puis il revient sur le nucléaire iranien: "la France a fait en sorte (...) que toutes les exigences soient prises en compte, que toutes les garanties soient prévues." Et d'ajouter: "J'affirme ici que nous maintiendrons toutes les sanctions tant que nous n'avons pas les preuves irréversibles du renoncement de l'Iran à son programme d'équipement militaire nucléaire."
Le moment vient d'évoquer les territoires occupés, la Palestine et son avenir, ici à la Knesset. Hollande rappelle le chemin parcouru. Il demande la paix: "le statu quo n'est pas tenable". Dans les rangs, Nétanyahou ne sourit plus. Il réclame la fin totale et définitive de la colonisation. Il rappelle que la France reconnait la Palestine, sur la base des frontières définies en 1967. Il l'a fait à la Knesset.
"La position de la France est connue: c'est un règlement négocié pour que l'Etat d'Israël et l'Etat de Palestine ayant tous deux Jerusalem pour capitale puissent coexister en paix et en sécurité. Deux États pour deux peuples." François HollandeIl ajoute: "cet accord n'aura de sens que si la sécurité d'Israël est renforcée. Et si toute nouvelle menace est écartée. Quand à l'Etat palestinien, il devra être construit sur des bases solides. Il devra être viable. C'est pourquoi la colonisation doit cesser." (Applaudissements dans les rangs de gauche). "De la même manière des facilités doivent être obtenues pour l'économie palestinienne." Il poursuit, pour conclure sur un clin d'oeil à Leon Blum.
"La paix sera votre victoire, votre plus grande victoire."La gauche applaudit, une partie des élus du Likoud également. Nethanyaou applaudit discrètement. A ses côtés, l'ultra-nationaliste Avigdor Lieberman (Israël Beiteinou) reste les mains à plat, le visage sombre.
Sans fantasme ni délire, François Hollande est allé dire que la confiance et le soutien de la France à Israël étaient aussi grands que la nécessité de la paix, de l'arrêt des colonisations israéliennes et l'établissement reconnu d'un Etat palestinien.
[NDR: il y a beaucoup à dire contre l'attitude d'Israël dans les territoires occupés. L'opération Plomb Durci en 2009 a laissé des traces, ignobles. Mais qui a vraiment intérêt à la paix là-bas ?]