Née à Kermansha (alors la Perse, aujourd'hui l'Iran) de parents britanniques, Doris Tayler avait un père soldat qui avait perdu une jambe à la guerre et avait épousé l'infirmière qui l'amputait.
En 1925, la famille s'installe en Rhodésie du Sud (aujourd'hui le Zimbabwe) où elle achète des terres pour y faire pousser du maïs et vivre des produits de la ferme. Ce qu'ils font difficilement sans faire d'argent malgré l'envie de Madame Tayler de vivre dans le style Edouardien.
Pendant ce temps, la petite Doris va à l'école mais est ramenée à la maison à 14 ans, où sa mère lui enseignera à domicile. Toutefois, dès ses 15 ans, Doris quitte la maison afin de devenir infirmière. Elle s'intéresse à la sociologie et à la politique et lit beaucoup sur le sujet. Elle commence à écrire aussi. Elle vendra quelques histoires à des journaux Sud-Africain.
À 18 ans, Doris devient opératrice de téléphone et épouse un premier mari avec lequel elle aura deux enfants. Le mariage se termine en divorce 6 ans plus tard. Avide lectrice, membre du Left Book Club, elle y développe davantage sa conscience politique. Elle y rencontre Gottfried Lessing qu'elle épousera et avec lequel elle aura un fils. Ils se séparent encore 6 ans après le mariage et Doris, gardant le nom de son mari, ne se mariera plus jamais.
Elle quitte pour Londres. En partie parce qu'en Afrique, ses positions anti-apartheid et anti-nucléaires ne plaisent pas à tout le monde. Elle est même bannie de l'Afrique du Sud et de la Rhodésie.
À 31 ans, elle publie son premier roman qui parle des tensions raciales et politiques entre blancs et noirs en Rhodésie qui était alors, une colonie britannique. Des sujets dont elle a été témoin. Le roman est un succès instantané. Elle publie un recueil de nouvelles et deux autres romans avant de publier son chef-d'œuvre. Cette histoire de jeune romancière hantée par le syndrome de la page blanche et qui par peur de devenir folle, note ses expériences dans quatre carnets de couleur est le portrait puissant d’une femme en quête de sa propre identité, personnelle et politique.
Le portrait de son auteure en 1962.
De 1952 à 1969, elle publie 5 romans d'une série appelée The Children of Violence qui sera aussi célébré que dénoncée. Célébrée, parce que l'histoire de cette jeune femme née en Afrique du Sud et qui vit au rythme de son époque (Guerre Froide, swinging London, pauvreté, anarchie sociale) est foutument bien écrit; dénoncé, parce qu'on la soupçonne de faire la promotion du communisme et que le dernier tome se ferme sur la troisième guerre mondiale.
Elle publie beaucoup de recueil de nouvelles dans les années 60 et 70 et trois romans dans les années 70 dont The Memoirs of a Survivor en 1974, récit pessimiste de la société qui croît.
En 1982, Lessing tente de prouver que les nouveaux auteurs, surtout les femmes, ont beaucoup de difficultés à être publiés. Ses écrits sont refusés par sa maison d'édition sous le pseudonyme de Jane Somers mais sont acceptés par une autre maison d'édition. Elle publiera deux fois sous ce pseudonyme.
Elle verse dans la science fiction de 1979 à 1983 soulignant qu'il s'agit de la meilleure fiction sociale possible. Les critiques ne sont pas unanimes sur son écriture sci-fi. Introduite au soufisme par un ami dans les années 60, elle glisse dans sa science-fiction plusieurs de ses concepts. Elle se distance des mouvements féministes qu'elle finit par trouver simplistes, immatures et radicales. Elle écrit un de ses meilleurs romans sur ce que ce mouvement lui inspire. Elle publie le court The Fifth Child qui est aussi très bien reçu.
Elle travaillera avec Philip Glass sur un opéra en trois actes.
Elle publie deux autres fois dans les années 90 avant de publier une suite à The Fifth Child. On lui aura entretemps proposé d'être anoblie par la reine, ce qu'elle refuse poliment.
Elle publie trois autres fois avant de recevoir le prix Nobel de Littérature en 2007. Elle devient du même coup seulement la 11ème femme à rafler cet honneur et la plus âgée à 88 ans. (La 3ème plus âgée toute catégorie et tout sexe confondus). Lorsqu'elle est informée du prix, elle revient d'une commission à l'épicerie et se montre agacée (mais aussi flattée) en disant "J'ai gagné tout ce qu'il y avait à gagner comme prix (16 autres auparavant effectivement), pourquoi me donner ça à 88 ans?".
Un dernier livre parait l'année suivante mais l'attention amenée par ce prix sur sa personne la fatigue tant qu'elle choisit la retraite de sa plume.
Son discours lors de la réception du Prix Nobel est si fort qu'il est publié et tous les fonds seront remis à une fondation venant en aide aux enfants atteints du SIDA/VIH.
Ce seront plus de 50 créations, recueils de nouvelles (17), romans (27), pièces de théâtre (2) livrets d'opéra (2), non-fiction (16), recueil de poésie (2) et texte dans un roman graphique (1) qui feront le corps de son œuvre littéraire.
Elle s'éteint paisiblement dimanche dernier, chez elle à Londres, ayant survécu à ses deux fils, et veillée par sa seule fille.
Merci la vie pour Doris Lessing.