Guillaume Gallienne est à l’affiche de Guillaume et les garçons, à table! qui sort aujourd’hui sur les écrans. Je suis allée à sa rencontre lors du FIFF à Namur le mois passé…
Guillaume, vous avez réalisé une comédie très drôle. Pourtant, sur un sujet pareil, ça aurait aussi bien pu être un drame. C’était une envie de dédramatiser, de montrer qu’on peut rire de tout en commençant par soi-même ?
Non, ce n’était pas une envie de montrer quoi que ce soit. Si ce n’est qu’en effet, je préfère l’humour. Mais je n’ai pas décidé d’écrire une comédie ou un drame, il se trouve que c’est la manière dont je vois les choses. Parfois ça fait rire, parfois ça peut émouvoir : ça dépend des gens et des moments du film. C’est vrai que j’ai été assez surpris… Il y a des scènes où les gens ne rient pas tellement et qui moi continuent de me faire rire. Et d’autres en revanche où j’entends des rires et je me dis : « Ah tiens, c’est marrant, ça ne me fait pas forcément rire… » ! Mais vous savez, le rire ou les larmes, je ne fais pas de distingo : du moment que c’est une émotion, que c’est vivant, c’est ça qui est important. Après, je comprends tellement les gens qui ont des fous rires dans les enterrements (rires). Non mais c’est vrai ! C’est une défense, et puis c’est la richesse de la nature humaine.
C’est un film très personnel, sur un sujet intime. Est-ce que vous avez été surpris de l’accueil qui a été réservé au spectacle et ensuite au film ?
Oui ! L’accueil au spectacle, j’ai été très surpris ! Parce qu’au départ, c’était une carte blanche : je l’ai joué douze fois à Boulogne. Et il se trouve que c’est devenu comme ça une espèce de succès incroyable… Le film, il n’est pas encore sorti mais pour l’instant ça se passe très bien. Moi, je n’ai pas fait le film ou la pièce pour raconter ma vie, dans le but de dire : « Voilà ma vie ». Non. C’est juste que, quand le puzzle de tout ce qui à l’époque n’étaient que des anecdotes isolées s’est formé, je me suis rendu compte que c’était une histoire qui m’intéressait, dramaturgiquement parlant. Donc j’ai tout de suite eu envie d’en faire un film. Mais ce n’était pas pour raconter ma vie, dans un but d’exhibitionnisme ou d’autopsychanalyse, pas du tout : ça, c’était déjà fait. Je trouvais juste que c’était une bonne histoire.
Vous interprétez vous-même le rôle de votre mère. Il y avait une envie de fusion entre votre personnage et le sien ou vous n’imaginiez juste aucune actrice capable d’interpréter ce rôle ?
En fait si, j’ai imaginé des actrices le jouer. Mais je trouvais important d’illustrer cinématographiquement cette schizophrénie latente qui m’a habité pendant pas mal d’années. Et puis j’avais peur qu’une actrice ne comprenne pas l’aspect vraiment touchant du personnage de ma mère et qu’elle n’y voit que la dureté. Et du coup j’avais peur qu’en dirigeant l’actrice, je ne puisse pas m’empêcher de jouer ma mère, parce que je l’ai tellement jouée qu’automatiquement j’allais le faire. Et il n’y a rien de pire pour un acteur que le metteur en scène qui vous montre, on a envie de dire : « Ben fais-le, quoi ! ». Ben du coup, je l’ai fait ! Et puis, c’était aussi une façon de montrer que finalement, je n’ai pas réglé le problème puisque j’ai 41 ans et que je continue de la jouer. Je ne pense pas qu’on règle les problèmes. On les transforme, on les poétise…
Ce film aurait pu être bourré de reproches, de rancune ou de regrets vis-à-vis de votre famille, et finalement il est plein de tendresse.
C’est sûr que je ne voulais pas que ce soit un règlement de comptes. Mais je voulais les défendre, parce que c’est un malentendu. Et un malentendu, ça se fait à plusieurs, ce n’est pas juste une personne. Comme souvent dans la vie, il n’y a pas un méchant ou un gentil, ce n’est pas tout noir ou tout blanc. Moi, je ne suis pas net dans l’histoire non plus, je suis moi-même enfermé dans des clichés. Je ne voulais pas non plus faire un truc pour me plaindre ou pour qu’on me plaigne, ce n’était pas le propos.
Votre mère et votre famille ont vu le film ? Qu’est-ce qu’ils en ont pensé ?
Ma mère a aimé, mais je lui avais déjà montré des rushs d’elle. Enfin, de moi la jouant elle : elle était morte de rire ! En sortant elle m’a dit : « C’est bien foutu ». Elle m’a dit que c’est plus émouvant que la pièce, ça lui a plu. Un de mes frères m’a dit : « Quand même, on passe vraiment pour des cons ! ». Je lui ai dit : « Mais attends, on vous voit à peine ! ». Il m’a répondu : « Mais justement, le peu qu’on nous voit… waouh ! ». Alors je lui ai dit : « Mais non, c’est deux ados, voilà, ils sont comme n’importe quels ados avec leur petit frère qui fait chier ! ».
Pourquoi avoir intercalé des scènes du spectacle tout au long du film ?
Pas tout au long ! Avec parcimonie, comme disait l’autre… C’est que je trouve que le film raconte aussi la naissance d’un acteur. Et donc je trouvais important que l’acte de représentation théâtrale soit le fil conducteur de ce parcours-là. Parce que finalement ça me permet de garder de la distance avec ce sujet et ça permet aussi au spectateur de comprendre que ce n’est pas si grave que ça : puisque je le joue, je m’en suis remis… Donc ça facilite la disposition au rire, autant dans le fait que c’est affiché presque comme un flash back, et aussi grâce à la voix off.
C’est votre premier film en tant que réalisateur, vous avez également écrit le scénario. Est-ce que vous avez d’autres projets à venir ?
Oui ! J’ai un deuxième film que je vais commencer à écrire le 20 novembre, après la sortie de celui-ci. Mais avec un sujet très différent : c’est l’histoire d’une femme… que je ne jouerai pas ! Une femme beaucoup plus modeste que moi, très humble et très peu bavarde (rire) !
On n’en saura pas plus ?
Non (sourire).
Comment vous avez fait pour convaincre Diane Kruger de jouer cette scène hallucinante dans le film ? (Elle joue une infirmière allemande qui pratique un acte médical sur Guillaume Gallienne, ndlr)
(Rires). En fait, on se connaît depuis assez longtemps. Je lui ai envoyé le scénario et, très gentiment, elle m’a dit oui. Elle a eu la classe de me dire oui sans m’obliger à essayer de la convaincre. De toute façon, à ce niveau là, où elle le sent où elle ne le sent pas. Elle est venue une journée (sur le tournage), elle était incroyable. Elle est vraiment géniale ! Et voilà, je lui ai proposé ça en disant : « Ecoute, voilà, c’est un luxe inouï que je m’octroie ». Parce qu’elle a beaucoup, beaucoup d’humour… Elle est très drôle, Diane !
Quelles scènes par exemple ?
Par exemple la scène avec Karim, Nouredine et Tony. Moi elle me fait vraiment rire, alors qu’il y a des gens qui ne trouvent pas ça drôle du tout, mais du tout… ! Parce que pour eux c’est trop glauque, alors que moi ça me fait rire… Bon ben voilà ! Ou d’autres moments où il y a des choses que moi je trouve dures et j’entends des gens rire. Et je me dis « tiens, bon, pourquoi pas… »
Parce qu’il faut dédramatiser ?
Non, c’est une défense. Et puis c’est la richesse de la nature humaine. Comme on peut fondre en larmes sur des choses très inattendues. Après, la pudeur fait qu’on se laisse aller ou pas à cette émotion, mais je ne fais pas trop de distinguo, je n’ai pas cherché à faire une comédie ou un drame. Voilà.
Vous avez réussi à vous libérer d’un certain ressentiment ou vous ne leur en avez juste jamais voulu ?
La déclaration d’amour aux femmes, elle était importante, à ma mère aussi évidemment mais aux femmes en général. Et même aux hommes puisque les deux personnes qui me sauvent dans le film ce sont deux hommes, le psy et le prof d’équitation, ils ont aussi leur partition. Mais après, je leur en ai voulu sur des trucs… Mais je ne suis pas rancunier. Moi, je crois énormément au destin : « assied-toi au bord de la rivière et tu verras passer le cadavre de ton ennemi ». Dans le sens « ne pas s’abaisser à se venger, la vie s’en charge. On voit bien que le père et les frères, je les ai écartés : mon personnage n’est quand même pas clair non plus.