Top of The Lake: Twin Peaks-sur-Mer

Publié le 20 novembre 2013 par Unionstreet

Mine de rien, ça fait presque 10 ans que l’on n’avait pas vu Jane Campion et voilà qu’on la retrouve aux commandes d’une mini-série diffusée sur Arte: Top of the Lake. Ce passage réussi du grand au petit écran – beaucoup plus facile chez les anglo-saxons que chez nous – fait d’autant plus plaisir qu’il nous arrive après de nombreux films « pauvres » où un style pompeux et un féminisme de salon tenaient lieu de scénario et de style.

Top of the Lake donc, commence au Lac Wakatipu, sur une île perdue au fin fond de la Nouvelle-Zélande. Tui, une fillette de 12 ans enceinte, disparaît. Robin Griffin, enquêtrice spécialisée dans les crimes sur mineurs, est de passage dans la région et se voit confier l’affaire par l’inspecteur Al Parker, sorte d’archétype du flic de province, lourd et dragueur.

Ajoutez à cela la rencontre de Robin avec l’homme qui l’a violée il y a quelques années, un parrain local, Matt qui règne sur la région par ses divers trafics et l’arrivée d’une communauté New Age de femmes rejetée conduite par leur gourou GJ et vous avez le cocktail explosif de Top of the Lake: un polar à la trame classique mais détourné par toutes ses digressions et ses questionnements existentiels: la violence faite aux femmes, la vie en communauté, le rapport à son environnement etc… Le tout au coeur de montagnes à la fois protectrices et menaçantes et près de ce lac de montagne, où tout se joue et se dénoue, paisible en surface, mais dont les profondeurs recèlent toute la noirceur des turpitudes de l’âme humaine.

Justement, la force de la réalisation de Jane Campion dans ce double refus: refus de faire une série « classique » mais de créer un long opéra cinématique découpé en six volets (le format des mini-séries britanniques et australiennes aident beaucoup à la créativité des auteurs et à l’épaisseur des personnages comme dans The Slap) et refus de se lancer dans une intrigue à péripétie (pas sûr que ça marcherait avec Campion) mais chercher à inviter le spectateur à se fondre tranquillement dans le lac de montagne qui borne l’horizon et à se couler dans le quotidien d’individus qui peuplent ses rives. Découvrir leurs obsessions, leurs névroses et surtout leur violence.

Dans Twin Peaks déjà, les personnages se trouvaient prisonniers d’un environnement immense, un paysage à couper le souffle mais qu’ils n’avaient pas réussi à déchiffrer et dont ils ne pouvaient s’échapper. Ici, ils semblent comme frappés par l’immobilité comme si figés dans un espace-temps parallèle, à tel point qu’on n’est même pas sûrs que l’action se passe aujourd’hui. Comme chez Lynch, Campion n’oublie pas l’humour noir et l’ironie – fait rare chez elle – à travers deux personnages principaux: le gros parrain la ville qui semble le plus fauché de tous et cette gourou mystique qui n’a aucune réponse à rien.

La réalisatrice s’éloigne un peu de son militantisme habituel un rien ennuyeux pour instaurer de l’humour justement et de la nuance. Certes, les hommes sont des brutes épaisses, violentes et paranoïaques mais à ce tableau répond le portrait de GJ, grande prêtresse du n’importe quoi et ses disciples au mieux naïves mais plutôt pas très malignes. Ces personnages du bout du monde, hommes et femmes, n’ont aucune qualité héroïque. Sous leurs lâchetés, leurs souffrances, leurs regrets, leurs colères, ils sont tous humbles et croulent pratiquement tous sous le poids du quotidien.

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