Un vent de bise bouscule les cimes des bouleaux, sapins et châtaigniers. Le ciel est dégagé et seuls quelques nuages persistent à marquer leur présence par de longues traînées blanchâtres perdues en altitude. Les corbeaux eux-mêmes restent blottis dans leurs refuges. La rosée tapisse la pelouse de mon courtil d’un tapis argenté. De longues traces éparses dénoncent, çà et là, le passage d’un renard, d’un chien errant ou simplement d’un chat. De ma fenêtre, je remarque un petit tas de feuilles mortes accumulé au pied du tas de bois destiné à la cheminée. Un hérisson aura tenté une dernière sortie pour se gaver de vermisseaux, cloportes et autresinsectes aventureux avant les inévitables gelées de novembre. Les dernières fleurs des bidens qui garnissaient d’un jaune éclatant le bac de pierre de la pompe sont tombées. Je pourrai en arracher lespieds et les remplacer par des pensées et des myosotis en prévision du printemps prochain. Les cosmos sauvages qui ont fleuri tout autour ont eux aussi achevé leur floraison et leurs longues tiges dénudées n’apportent plus que désolation. Il me faudra les éliminer également. Deux moineaux se disputent quelques graines tombées de la réserve que je leur destine sur la terrasse. Je n’ai pas encore vu les mésanges. Elles attendent souvent les vrais froids pour approcher des maisons. Les tracteurs, ce matin, semblent avoir gardé la remise. Les moutons de mon voisin Sébastien sont eux aussi silencieux à moins que leur enclos ne soit trop éloigné. Devant moi, une riche palette de couleurs automnales se déploie majestueusement sur la colline qui encercle la vallée. Safrans chaleureux, jaunes chatoyants, pourpres arrondis, marrons profonds et lourds grenats rivalisent pour attirer le regard au milieu des verts trapus et vigoureux des sapins et des ormes. Serpentant entre les blocs de granit oubliés là depuis des millénaires par quelque dieu sylvestre un peu fantasque, une saignée au cœur des arbres trahit le passage du chemin conduisant aux éoliennes. Le reflet du soleil sur leur carcasse de métal dessine crument leur silhouette dégingandée. Leur modernité incongrue, plutôt qu’une blessure, ne fait que souligner l’immuable douceur du paysage. Leurs bras demeurent une fois de plus immobiles. Le vent est-il trop fort ? Trop faible ? Mal orienté ? Elles semblent comme en attente de quelque mystérieux signal qui déclencherait soudain leur branle. Je n’aurai la réponse à cette question primordiale pour l’avenir électrique de la planète que dans l’après-midi. Elle me sera suggérée par Rodolphe Bruneau-Boulmier qui anime l’émission "le jour d’avant" sur France Musique. Lorsqu’il se présente devant ses auditeurs, il ne manque jamais de rappeler le jour et l’heure de sa prestation. C’est ainsi que je prends conscience que l’on est dimanche. Voilà donc pourquoi les éoliennes ne travaillent pas. Elles respectent la loi fixant pour chacun ses jours de repos obligatoire. Ainsi, elles sont non seulement écologiques (quoi que… !) mais également citoyennes. On voit par là que le progrès qui conduit le monde devrait prochainement l’aider à tourner mieux. Sans aucun doute.