(In The Red Records)
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Quoi ? Encore lui ?! Alors qu’il avait surpris tout son monde sur son dernier disque solo, Sleeper, sorti cet été, Ty Segall continue de distribuer des albums comme des petits pains avec l’arrivée de son énième projet, Fuzz, groupe composé du californien donc (à la batterie pour le coup), de Roland Casio à la basse et de Charlie Mootheart, déjà présent dans le Ty Segall Band.
C’est d’ailleurs autour de Charlie et de Ty qu’est vraiment axé ce disque cinglant, violent, direct où l’on retrouve la même sauce que sur le Slaugtherhouse, œuvre furieuse du collectif sorti l’an passé.
Si Segall avait aéré son propos avec le acoustico-cruello-mélancolique Sleeper, il repart ici au combat comme jamais. Dès Eathern Gate, le tempo est donné. La première minute est trompeuse, le calme avant une tempête qui va s’abattre pendant plus d’une demie-heure. Les riffs pleuvent, la batterie tape fort (mais juste) et on a jamais le temps de respirer.
Le pire, c’est qu’ils réalisent tout ça de manière totalement décomplexée, juste parce qu’ils ont assez de talent et de rock en eux pour s’offrir une bonne dose d’adrénaline.
Pas de recherche de tubes donc, pas de recherche non plus à être original, il n’y a pas la place. On est dans du gras, du rock à papa et c’est à qui fera le plus de bruit. Faut dire que Mootheart est pas dégueu guitare en main et sait être fuzzy justement. On ne sait jamais qui de la guitare ou de la batterie dicte sa loi et ça donne lieu à de drôles de moments épiques, comme les deux dernières minutes de Hazemaze ou l’excellent Loose Sutures.
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Fuzz – Hazemaze
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Le problème avec ce genre de disque, c’est la capacité à tenir jusqu’au bout. Parce qu’il faut se les enquiller les 37 minutes (ce qui n’est, paradoxalement, pas forcément long) sans sourciller, sans se dire « stop, j’en peux plus ». C’est comme une partie de jambes en l’air, faut savoir maitriser les temps forts du pillonage et les temps faibles des câlins. Sauf que là des préliminaires, il n’y en a pas vraiment.
On enchaine les titres au taquet sans franchement voir du pays. Difficile dans ces conditions de prendre le temps d’apprécier les mouvements musicaux à leur juste valeur. Un problème déjà visible sur l’opus du Ty Segall Band, qui mettait trop de côté l’ambiance psyché au profit d’un son brut de pomme. Les trois derniers titres, bien que bons, collent un peu trop au dent et finissent, si ce n’est par être désagréables, par devenir longs. Surtout quand ils font plus de 6 minutes, comme l’outro One.
C’est d’ailleurs une récurrence sur l’album que d’allonger les titres sur plus de 5 minutes. La moitié se trouve dans cette configuration et lorsqu’il s’agit d’envoyer la purée comme c’est le cas ici, ce n’est peut être pas le plus judicieux de faire durer le plaisir jusqu’à l’irritation. On est plus habitué à voir l’ami Ty Segall partir en vrille sur 2,3 minutes, quitte à faire plus de morceaux et ainsi offrir d’autres perspectives.
Ici, on finit par avoir l’impression d’assister à un boeuf entre copains qui jouent à « kikalaplusgrande ». C’est marrant oui, mais c’est pas forcément fin.
On préfère quand Ty joue sur les basiques et s’offre des sorties lo-fi-blues-psyché et sans surprise, c’est le seul titre plus ou moins dans ce moule qui sort vraiment du lot, le planant et cruel What’s In My Head ? Dans ce style, Segall et ses copains n’ont pas de concurrence.
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Fuzz – What’s In My Head
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Il n’y a pas de quoi se plaindre non plus, ça reste du bon garage-rock comme on l’aime. Mais nos petits cœurs sont trop purs et nos corps dénués de la moindre trace d’héroïne pour accepter de se faire laminer la tronche sur un tel rythme et sur une telle échelle de temps. Ce qui nous empêchera pas de faire du air-guitar sur n’importe quel titre un soir de beuverie.
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Tracklist:1. Earthen Gate 5:01
2. Sleigh Ride 3:12
3. What's In My Head ? 3:55
4. Hazemaze 5:51
5. Loose Sutures 6:13
6. Preacher 2:21
7. Raise 3:43
8. One 6:06
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