Aujourd'hui est un jour d'automne, je viens de courir entre ma voiture mal garée en bas de chez la nounou, mon bébé de six mois sur un bras, son sac de l'autre. Il fait froid, un froid sec apparemment mais le ciel blanc laisse penser à de la pluie voire de la neige.
Avant j'avais déposé mon autre fille, plus grande à la maternelle, elle adore l'école, les copines et sa maîtresse, une jeune femme charmante. Je suis remontée dans ma voiture, repartie dans le flot des rues encombrées, des autoroutes saturées et des transports incompatibles avec mes rendez-vous de responsable commercial sur trois départements. Alors je suis déjà branché sur mon téléphone, mon kit main-libres, mon système de lecture vocale des emails. J'attends, j'avance, je freine, je patiente.
Mon regard porte devant moi, vers l'avenir de mes filles, dans un monde qui évolue soit-disant, mais où la communication permet tous les échanges, simplifie les contacts. Un business où chacun est passé par des cours et des réunions de formation, mais aussi avec des objectifs, des indicateurs de performance, c'est optimisation permanente, le suivi et les statistiques. J'aime cela, même si je suis consciente, pas toujours, de l'aggressivité qu'engendre l'atteinte des objectifs, des contraintes, ici et là, des rapports qui s'enflamment avec tel collège ou tel fournisseur. Je dois être ainsi pour réussir, ne rien laisser, tout prendre. Les clients doivent être satisfaits, mon bonus en dépend.
Et au-delà de tout cela, je suis une femme, une jeune femme brillante sortie d'une grande école de commerce, au cv bien rempli de diplômes, avec une envie de devenir une brillante directrice générale au plus vite.
Mais les étapes sont là, les réunions, le café, les remarques, ma blondeur, la confusion des genres, des idées et des préjugés, oui je vous parle des mâles, les anciens, les quinquas actuels et leurs futurs repreneurs de fauteuils, mes jeunes collègues mâles. Une osmose, une équipe naturelle, avec un seul cerveau, voire un seul organe entre les jambes, avec cette habitude hérité de leur éducation, leurs regards sur mon corps. Oui, je n'ai pas honte de le dire, je suis féminine, toujours soignée dans mon tailleur, avec de jolis talons, sereine ainsi, mais cela ne fait pas de moi, ni une serveuse de café, ni une bimbo à mater, ni toute autre objet sexuel.
Et quand je viens dans une salle de réunion, arrivant aprs un coup de fil à la nounou, avec mon sac à main et mes dossiers, ce n'est pas pour une démonstration de lap dance sur la table centrale, mais bien pour motiver les troupes, démontrer les résultats, construire la stratégie de demain. Nous vivons en 2013 mais plus le temps avance, plus les plafonds de verre s'épaississent au-dessus de nos têtes.
D'autant que si les premières femmes managers se sont déguisés en homme en adoptant leurs codes, pour les vampiriser de l'intérieur, en mettant des costumes, en devenant parfois trop masculine dans leur comportement, en sacrifiant leur vie de famille. Moi, je refuse cela, je suis femme, je suis naturellement féministe quand l'adversité pointe son nez, même si je ne manifeste pas, même si je ne crois pas au quota, mais uniquement à mon intelligence, à mon envie conquérante d'atteindre les meilleures performances en équipe, comme chef d'équipe, et à mes décisions. Oui je le veux !
Alors pour marquer cette évolution, je bosse sans compter, mais je gère aussi avec téléphone et internet les retours des clients le soir, tout en faisant bain et repas de mes deux filles, à la maison, pas tous les soirs, mon homme s'occupe aussi d'elles.
Mais demain, comme moi, dans ce monde, pourront-elles porter des jupes, des tenues féminines, sans avoir à subir les regards libidineux du patron, les remarques dignes d'un footballeur international, au ras du gazon sur ma longueur de jupe, sur ma poitrine, ou d'autres détails. Est-ce que je juge leurs bedaines, naissantes ou acquises sous leur chemise tendue, leurs costumes achetés par leurs femmes car ils ne connaissent pas leur propre taille, leur calvitie ou pire encoren la longueur de leur organe ?
Quand arriverons-nous à une égalité, et plus encore à un respect total, loin des préceptes ancestraux des machistes, ou de ces hommes qui ne gagnent rien en rabaissant les femmes ?
Mes filles seront-elle libres de tous leurs choix de vie, de mode, de profession, de carrières ?
Libres comme les jeunes filles qui passent sur ce trottoir, proche d'une université, heureuses, vêtues de jeans, de jupes, de shorts, de manteaux courts ou longs, apparemment libres comme leurs copains de classe. Je le pensais quand j'avais leur âge, aujourd'hui je doute.
Nylonement