Emma Paki creuse son sillon depuis le milieu des années 90, quelque part au croisement de la folk, de la pop et de la soul music. "Maorie jusqu'au bout des ongles", ainsi qu'elle se définit elle-même, cette écorchée vive a écrit certaines des plus belles pages de la musique pop néo-zélandaise. Sa musique témoigne d'une sensibilité à fleur de peau. D'une sensualité extrême, aussi. Il suffit d'entendre les premiers trémolos de "You and I", chanson écrite à l'âge de 14 ans, pour s'en persuader. Avec son timbre de voix unique, qui trahit parfois sa fragilité d'artiste, celle qui a reçu les plus grandes distinctions de l'industrie du disque en Nouvelle-Zélande, prépare son grand retour pour l'année prochaine en lançant une campagne de financement participatif.
Lorsque vous pensez à l'enfance, qu'est-ce qui vous vient en tête ?
J'ai grandi à proximité des marae, ces temples dédiés aux ancêtres où se réunit toujours la communauté maorie. Mon père a contribué à la construction du "whare kai", le bâtiment consacré aux aliments, qui était situé en bordure de mer.
Quel est votre premier souvenir lié à la musique ?
Je me revois entourée d'autres enfants interprétant des chants de guerre maoris sur la véranda devant un aréopage d'oncles et tantes…
Comment êtes-vous devenue musicienne ?
Le chant, la guitare, l'ukulele et le piano faisaient souvent partie de l'environnement naturel au sein de la communauté maorie. J'avais aussi un bon modèle dans ma famille, mon oncle, John Rowles, qui est très connu en Nouvelle-Zélande.
Avez-vous un instrument de prédilection ?
Pas vraiment, non. Les instruments servent avant tout l'artiste. Ils ne sont qu'un moyen d'expression.
Invitée de "Balcony TV" à Auckland, en 2010
Avant d'entamer une carrière en solo, avez-vous joué au sein de groupes ?
Tout à fait ! J'ai fait partie d'un groupe qui s'appelle les Black Katz, avec lequel nous avons enregistré un album. J'ai aussi joué au sein de la formation "Rainbow Rhythm"
Avez-vous eu très tôt le sentiment que vous pourriez devenir musicienne ?
En fait, oui… J'ai gagné un concours de chant à l'âge de 8 ans, et c'est à partir de ce moment que le chant m'est apparu comme une évidence.
Diriez-vous que votre héritage maori vous a influencée ?
Oui, énormément. C'est ce que je suis, jusqu'au bout des ongles !
Quand avez-vous commencé à considérer que la musique pouvait être quelque chose de sérieux ?
Très tôt. Dès l'école, en fait. Je faisais de la musique toute la journée, et tous les jours !
En 1996, est sorti votre album devenu culte, "Oxygen of love". Quelle en a été la genèse ?
J'avais obtenu beaucoup de succès avec mes chansons "System Virtue" et "Greenstone". La popularité de ces "singles" m'a naturellement amenée à travailler sur un album. Ce fut "Oxygen of love"…
"Greenstone", en 1994, un single arrangé par Neil Finn, leader de Crowded House
S'agissait-il de chansons que vous aviez accumulées depuis quelque temps ?
La première chanson du disque, "You and I", a été écrite alors que j'avais 14 ans. Les autres chansons de l'opus ont été soigneusement choisies en lien avec Mark Hart (de Crowded House), qui a produit et arrangé l'album. Cette collaboration s'est avérée très fructueuse, incroyable même ! En fait, Neil Finn (Split Enz, Crowded House, Pajama Club, etc., ndt) avait arrangé mon single "Greenstone" et c'est par son biais que j'ai été amenée à travailler avec Mark Hart. Ce type est un magicien : un multi-instrumentiste surdoué.
Cet album a rapidement décroché le statut de disque d'or… Ça vous a surpris ?
Je n'avais jamais envisagé un tel succès, vous pensez bien ! C'était complètement inattendu… Le disque a été vendu jusqu'en Italie et au Japon. J'ai même effectué une tournée au Japon, où l'accueil a été fantastique ! C'est un vrai privilège lorsqu'on peut rejoindre des gens dans d'autres pays que le sien.
Votre chanson "System Virtue" fait partie des grands classiques de la chanson néo-zélandaise. Un classement national la place d'ailleurs dans les 40 plus grandes chansons néo-zélandaises de tous les temps. Qu'évoque ce titre ?
Les thématiques abordées dans cette chanson sont toujours d'actualité, c'est sans doute ce qui explique le fait qu'elle continue à parler à autant de gens… Elle décrit plusieurs aspects de notre vie actuelle : le "système" dans lequel on vit. J'y parle, d'une part, du monde des affaires, du commerce à grande échelle, mais aussi des alertes concernant le réchauffement climatique. Cette chanson a jailli d'une seule traite.
Le tube "System virtue", qui compte parmi les 40 chansons qui, de tous temps, auront le plus marqué les Néo-Zélandais :
Votre album "Oxygen of love" vous a valu des critiques très favorables. Deux fois nommée Meilleure artiste féminine aux New Zealand Music Awards (l'équivalent des Victoires), vous avez aussi reçu, en 1994, le prix de la meilleure compositrice de l'année. Comment avez-vous fait face à cet énorme succès ?
Il aura fallu attendre 2011 pour découvrir votre disque suivant, le mini-album "Trinity". Pourquoi tout ce temps ? Aviez-vous arrêté de composer ?
Certainement pas ! Il m'a simplement manqué des fonds pour aller en studio.
Au Festival Matariki à Te Papa en 2009 :
Depuis "Trinity", seulement quelques années se sont écoulées, et vous voilà sur le point de retourner en studio… Avez-vous déjà écrit toutes les chansons que vous prévoyez d'enregistrer ?
Oui, j'en ai accumulé un certain nombre au fil des ans ! J'ai très hâte de faire entendre ces nouvelles chansons qui me paraissent très fortes. Pour financer ce projet, j'ai lancé une campagne de financement participatif sur le site néo-zélandais Pledge Me. Les personnes qui participent au financement obtiendront des contreparties en fonction du montant qu'elles miseront. Par exemple, à partir de 20 $ NZ (environ 15 €), les participants obtiendront une copie du double-album. Comme je suis une artiste indépendante, les fonds devraient me permettre de financer l'enregistrement et la sortie du disque, la réalisation d'une vidéo et l'organisation d'une tournée de promo...
Un certain nombre de musiciens sont prêts à vous suivre dans cette aventure…
Oui, il y aura notamment Terrence Littlejohn, ou Jay Dee Diamond, pour n'en citer que quelques-uns. Je ferai aussi ma part, naturellement !
Remix de "Standalone", en 2011 :
Est-il vrai que vous entendez reverser une partie de vos droits à certaines organisations caritatives ?
C'est exact. Je soutiens particulièrement les associations Woman's refuge (soutien des femmes en difficultés) ou Casper (prévention du suicide, dont le taux est très élevé en Nouvelle-Zélande).
Propos recueillis et traduits de l'anglais. Novembre 2013.
Photos : Simon Grigg, Kerry Brown, Darryl Ward, Isle Park, Beth Kelliher et DR.
LIENS SYMPA
Le site de financement participatif néo-zélandais Pledge me, pour contribuer au nouvel album d'Emma Paki.
Le site officiel de l'artiste.
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LA DISCOGRAPHIE
D'EMMA PAKI
Arrangé et produit par Mark Hart. Contient les tubes "Greenstone" (produit par Neil Finn) et "System virtue"