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La bataille des chiffres bat son plein. Alors que le salon aéronautique de Dubaď s’est ouvert sur des commandes records des deux grands protagonistes mondiaux que sont Boeing et Airbus (ce dernier enregistrant enfin une premičre commande de 50 exemplaires de son A380 pour 2013), il y a d’autres avionneurs qui restent ŕ la traîne.
Certes le marché du Moyen-Orient n’est pas son marché de prédilection, mais on note l’absence du Chinois Comac, męme si son partenaire Avic et ses filiales sont quasiment toutes présentes cette semaine ŕ Dubaď. Ça se murmurait depuis l’été et cela a été confirmé ŕ l’automne, l’avion chinois C919 a pris au moins un an de retard ce qui signifie que son premier vol qui devait intervenir en juin 2014 pourrait n’avoir lieu qu’en fin 2015 alors que Comac annonce avoir terminé sa conception de détail ŕ 95 %, un an aprčs avoir achevé la conception préliminaire en septembre 2012.
Alors que se passe t’il ? L’appareil accumulera t-il en final autant de retard que celui pris par l’avion régional ARJ21 ? Toujours est-il que cela n’empęche pas les investisseurs chinois de faire confiance ŕ leur constructeur national. Pour preuve la commande reçue fin octobre par Comac pour 20 appareils en provenance de la filiale de crédit-bail de l’établissement financier chinois Industrial Bank Co. Une commande qui est la bienvenue puisqu’elle permet ŕ Comac d’atteindre la barre des 400 avions …, loin toutefois des 10 000 commandes annoncées ŕ la męme date par Airbus pour sa famille A320. Le chemin est encore long pour le Chinois, mais ce nouveau galop d’essais arrivera ŕ faire émerger ce concurrent potentiel d’autant que dčs l’origine du programme, Comac s’est associé ŕ des industriels occidentaux qui męme s’ils souffrent aujourd’hui du retard pris devraient un jour ou l’autre engranger les bénéfices de leurs investissements.
Cela est passé dans la plupart des cas par des partenariats car la Chine souhaite constituer une véritable industrie des équipements. Et comme l’a fait Airbus pour sa chaîne d’assemblage final ŕ Tianjin, qui est passée par la constitution d’une coentreprise entre la filiale chinoise d’Airbus et un consortium d’entreprises et organismes chinois, un grand nombre d’industriels occidentaux se sont vus imposés la constitution d’une coentreprise pour concrétiser leur participation au C919. Il en est ainsi des américains Rockwell Collins (systčmes de communication et de navigation), d’UTC Aerospace Systems qui englobe Hamilton Sundstrand (génération électrique), ou encore Parker Aerospace (actionneurs de commandes de vol primaires, systčmes hydrauliques et d’inertage). Ces entreprises ont signé quatre accords de JV avec des filiales d’Avic. Le franco-américain Nexcelle (Aircelle et MRAS) en a fait autant toujours avec le groupe Avic afin de produire des éléments de nacelle en Chine continentale, tandis que Liebherr Aerospace dont les deux usines française et allemande sont engagées pour les systčmes de gestion de l’air et d’antigivrage pour la premičre et le train d’atterrissage pour la seconde (deux systčmes que l’équipementier toulousain fournit déjŕ pour l’avion régional ARJ21), a aussi créé une coentreprise avec LAMC, une des filiales d’Avic.
D’autres industriels ont été aussi obligés de sauter le pas d’une coentreprise sur le terrain comme c’est le cas de GE Aviation Systems (pour l’avionique) et plus généralement pour les groupes de tutelle GE et Safran déjŕ bien implantés en Chine. Reste que parfois les industriels hésitent ŕ transférer trop de savoir-faire. C’est le cas de CFM International dont le moteur Leap-1C a été choisi pour le C919. Le motoriste et ses deux actionnaires GE et Snecma (groupe Safran) estiment qu’une chaîne d’assemblage final risquerait de trop dévoiler ses subtilités technologiques. C’est pourquoi, alors qu’il existe bien un accord de principe pour étudier l’éventuelle implantation d’une ligne d’assemblage final du moteur en Chine, CFMI ne se sent pas encore pręt car en plus de la protection industrielle, CFMI estimait en juillet dernier que 380 commandes fermes était un chiffre insuffisant pour justifier un tel investissement. Il n’est pas dit que les 20 appareils supplémentaires soient de nature ŕ changer la donne. Surtout avec les retards annoncés qui grčvent non seulement le motoriste, mais aussi l’ensemble de la chaîne des fournisseurs qui devront encore attendre avant que d’amortir leurs investissements.
Nicole Beauclair pour Aeromorning