Impôts : la source du mal
Publié Par Michel Desgranges, le 18 novembre 2013 dans FiscalitéVous voulez, citoyens électeurs, moins d’impôts ? Et si vous cessiez de mendier ?
Par Michel Desgranges.
Un prospectus dans la boîte aux lettres. Une dame voisine, inconnue de moi mais que je suppose, à son ton, parisienne et lectrice de magazines féminins, se propose de créer une Association pour la sauvegarde du patrimoine architectural de T*** , commune où je vis, et où le plus laxiste des esthètes post-modernes serait bien en peine de dénicher le moindre patrimoine architectural.Est exposé l’ordre du jour de la réunion fondatrice, à la seconde ligne : Recherche et demande de subventions.
Une revue de modélisme ferroviaire, un communiqué annonce des stages pour former à la création de clubs d’amateurs de p’tits trains (ce que je suis, solitairement), à la troisième ligne du programme : Recherche et demande de subventions.
La gazette locale consacre une demi-page à l’énumération des subventions accordées à diverses associations; pour une commune proche : soixante euros aux joueurs de boules, cinquante aux pêcheurs à la ligne, quatre-vingts aux fidèles de la belote, etc., et ainsi pour chaque commune du canton, sommes dérisoires mais distribuées dans tout le pays des dizaines de milliers de fois — dizaines de millions et dizaines de millions, doublés ou triplés par les coûts d’étude des dossiers et de mise en paiement.
Un monsieur envisage-t-il de créer sur ce champ peu cultivé un atelier qui emploiera trois personnes ? Aussitôt, il rend visite aux autorités, pour s’enquérir des subventions disponibles.
Parfois, j’accordais audience à un digne universitaire venu me proposer d’éditer son nouvel ouvrage, dont le sujet n’intéressait guère que lui-même et quelques collègues; me sentant réticent, il s’empressait d’ajouter : « mais j’ai des subventions pour le publier. »
Il n’est pas nouveau que les hommes réclament des faveurs au pouvoir, il semble même que cette attitude existe depuis l’origine de sociétés pourvues d’un gouvernement, ou d’un souverain ; en lisant les Journaux et Mémoires des marquis de Sourches et de Dangeau, il n’y a guère de jour que je ne trouve : « M. le comte de B*** a obtenu une pension de trois mille livres, M. le baron de S*** une pension de deux mille écus, M. le duc de M*** a reçu du Roi mille pistoles… « , parfois, ces pensions récompensaient des services rendus, ou étaient une retraite pour un vieux militaire , beaucoup n’étaient que des faveurs , mais jamais ne se fait entendre la moindre phrase suggérant que ces pensionnés se fussent interrogés sur l’origine de l’argent que leur octroyait le Roi-Soleil.
Peut-être savaient-ils, de ce savoir trop évident pour qu’il entraîne la moindre réflexion, que livres et écus venaient de la taille, mais ils ne voyaient pas que c’étaient leurs propres revenus qui étaient, in fine, diminués par cet impôt frappant leurs paysans, de même ne cherchaient-ils pas les raisons qui poussaient le souverain à augmenter péages et droits d’octroi, et quand Louis XIV, voyant vide son trésor, créa la capitation, puis le vingtième et le dixième, impôts prélevés également sur les nobles (car sous la Monarchie il arriva bien souvent que les nobles payassent des impôts directs…), ils ne comprirent pas plus que leurs propres demandes étaient responsables des besoins du souverain – et de leur imposition.
En démocratie, il est d’usage de créer des impôts qui paraissent épargner la masse des électeurs des législateurs qui les promeuvent, tels l’impôt sur le revenu ou celui sur le patrimoine, et il est certes bien confortable pour cette masse de recevoir des sous pris à autrui.
Hélas, c’est à chaque instant que s’accroît la montagne d’argent distribué à des océans de quémandeurs, et vient le moment où est impossible de faire payer autrui, parce que cet autrui a les poches vides, ou ne produit plus, ou est allé travailler sous d’autres cieux, et il est alors nécessaire, pour que continue la distribution de manne, d’élargir l’assiette de divers impôts directs, transformant ainsi en contribuables les pensionnés qui ne contribuaient pas, puis d’augmenter ces impôts indirects perçus sur la totalité des citoyens, mais qui, proportionnellement, diminuent plus le pouvoir d’achat réel des smicards que des millionnaires.
Excellents citoyens qui, malins comme des singes, prospéraient dans la joie de faire payer par M. État (soit dans leur esprit : personne, ou le voisin) leurs menus plaisirs ou leurs projets incertains, le cartable de leurs enfants ou la bonne de leur vieille mère, leur loyer ou leurs dettes, qui suppliaient sans cesse pour que fussent créées plus d’écoles pour garder leur marmaille et construits plus d’hôpitaux pour soigner de dérisoires bobos, et que la corne d’abondance déversât sur eux éternellement des bienfaits qui ne leur coûtaient rien.
Mais voici que la machine s’emballe, et que les citoyens privilégiés se découvrent accablés d’impôts, et ils se plaignent, manifestent même, tels ces Armoricains si longtemps gavés des subventions de la PAC, faudrait-il donc, horreur !, qu’ils payent pour recevoir ?
Vous voulez, citoyens électeurs, moins d’impôts ? Et si vous cessiez de mendier ?
PS. J’entends : « je demande des subventions pour récupérer, en partie, ce que M. État me prend ». Selon toutes les théories de la justice, rien de plus juste. Mais dans la réalité, pour que quelque chose change en ce domaine, il faut que quelqu’un commence – et ce ne sera pas M. État.
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