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On vit une époque formidable !

Publié le 17 novembre 2013 par Jean-Luc Crucifix @jlcrcfx
On vit une époque formidable !

Le bonheur ! Gracias, Presidente ! (Photo : AP/Ariana Cubillos)

On vit une époque formidable ! Ce n’est pas Reiser qui le dit, c’est moi. Cette semaine, nous venons de vivre en temps réel le passage d’une économie de libre marché à une économie dirigée. Et c’est hallucinant !

L’histoire a commencé le vendredi 8 novembre lorsque le président Maduro, dans un discours télévisé, a ordonné l’occupation des locaux de Daka, une chaîne de distribution d’électroménagers, et la mise à la vente à prix réduit de tous les produits qui s’y trouvaient. « Il ne doit rien rester sur les étagères », a-t-il ajouté.

C’était la réponse du gouvernement à ce qu’il appelle la « guerre économique » à laquelle est soumise le pays. Les commerçants sont soupçonnés de spéculer sur le dollar : ils importeraient leurs marchandises au taux du dollar officiel pour les vendre ensuite au taux du dollar parallèle, près de dix fois (!) plus élevé. Pour le gouvernement, ce comportement antinational serait la source de l’inflation record que connaît le pays. (Soit dit en passant, il s’agit là d’une explication totalement erronée de ce qu’est le mécanisme de l’inflation, mais elle est largement suffisante pour une population peu cultivée sur le plan économique).

Les commerçants répliquent qu’ils n’ont que très marginalement accès au dollar officiel, doivent donc faire appel au marché parallèle et qu’ils ne font que suivre la loi de l’offre et la demande. Ils ajoutent qu’au moment de fixer leurs prix, ils doivent anticiper sur le cours futur du dollar s’ils veulent maintenir leurs stocks. En un mot, une belle leçon de libéralisme.

On pourrait discuter longtemps pour savoir qui a raison et qui a tort dans ce débat de sourds. Plus que certainement, les deux phénomènes –spéculation et offre limitée de dollars– se conjuguent pour produire des distorsions énormes et ce qu’il faut bien appeler le chaos économique total que connaît le pays.

Effets immédiats

L’appel de Maduro à une baisse obligée des prix chez Daka a eu des effets immédiats. Des files immenses se sont aussitôt formées devant les magasins de la chaîne. C’était la pression populaire que le gouvernement recherchait.  Dans bien des cas, l’échauffement des esprits était tel que des débordements n’ont pu être évités. Ici et là, des pillages ont eu lieu, comme à Valencia, le 9 novembre. La presse internationale en a fait largement écho. Ce que l’on sait moins, c’est que des citoyens se sont opposés au pillage allant jusqu’à détruire sur place les téléviseurs et autres appareils volés, comme l’illustre cette vidéo :

Dans les jours qui suivent, les scènes de ventes au rabais se sont multipliées dans l’ensemble du pays : dans le secteur de l’électroménager d’abord, puis se sont étendus à d’autres commerces. Le peuple, globalement (y compris certains opposants), est satisfait : à l’avant-veille de Noël, il peut se procurer des articles à un prix jugé plus raisonnable (quoique toujours élevé pour les secteurs les plus pauvres de la population. Comme le montrent les vidéos, c’est la classe moyenne qui a le plus profité de l’aubaine). Le gouvernement est également satisfait : il a fait à moindre coût un cadeau pré-électoral, avant le scrutin du 8 décembre.

La drastique mesure n’est pourtant pas sans effets collatéraux. On a ainsi assisté à des scènes dramatiques au cours desquelles des propriétaires de magasins résistaient et étaient emmenés para les autorités, tandis que leurs employés, pensant à leur avenir, prenaient résolument leur défense. Dérangeant.

Conséquences à moyen et long terme

Une semaine après le début de cette offensive économique gouvernementale sans précédent, on est en droit de se poser des questions sur ses conséquences à moyen et long terme. Il y a fort à parier que de nombreux importateurs et commerçants vont retirer leurs billes du Venezuela, échaudés par la radicalité de la mesure gouvernementale ou tout simplement incapables de soutenir leur entreprise dans des conditions économiques de prix imposés.

On doit donc s’attendre, dans les prochains mois, à des pénuries touchant des produits qui ne sont pas de première nécessité, mais de consommation courante. Cela aura pour effet de multiplier les marchés parallèles, maintenir ou accélérer l’inflation et aggraver encore plus la situation économique générale du pays.

Aubaine à Caracas (photo : REUTERS / Carlos Garcia Rawlins)

Aubaine à Caracas (photo : REUTERS / Carlos Garcia Rawlins)

Logiquement, la seule porte de sortie possible pour le gouvernement –et il y pense peut-être– serait de radicaliser encore le processus, en passant d’une économie dirigée à une économie centralisée et planifiée. On a vu à quoi cela menait dans des pays comme l’URSS et Cuba, pour prendre un exemple à portée de main. On a peine à croire que cela fonctionnerait dans un pays comme le Venezuela, dont la bureaucratie est notablement inefficace et de surcroît corrompue, et où il est notoire que le meilleur moyen de calmer la population, c’est précisément de lui assurer un niveau de consommation acceptable.

Ce dernier point, le gouvernement l’a parfaitement compris pour le court terme, d’où la mesure d’obligation de baisse des prix qu’il a prise. Mais il a oublié que dans le moyen ou long terme, cela se pourrait retourner contre lui. Et ce ne sera probablement pas de la petite bière !

Je vous le disais en commençant : on vit une époque formidable !


Classé dans:Economique, Politiquement incorrect Tagged: Amérique latine, économie, chavisme, inflation, politique, Venezuela

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