Le roman du parfum de Pascal Marmet

D'emblée, le titre m'interpelle car de mes 5sens, l'odorat est, je crois, celui qui est resté intact et qui, en définitive, est un déclencheur d'émotions et celui qui enclenche les souvenirs.
Ce roman est aussi et surtout une nouvelle expérience de lecture. Si d'ordinaire, les descriptions font appel à notre imagination visuelle, ici c'est l'odorat qui est excité. C'est original et tellement agréable.
 Je suis férue de parfums. J'adore entrer dans les parfumeries et inhaler des odeurs si bien que quand le romancier évoque le n°5 de Chanel, L'heure bleue de Guerlain, et tant d'autres fragrances: je sais ces odeurs, je les sens. Comme chez les Delerm, tout est souvent référencé et ici c'est sous l'angle des odeurs, des fragrances. Un nom = une odeur = une sensation ...
Peut-être qu'un lecteur dont l'odorat n'est pas aiguisé ou que l'attrait pour l'univers olfactif est proche de zéro, ne sera pas aussi dithyrambique que moi...
Le Roman du Parfum est un roman complet dans la mesure où, de façon ludique on a un exposé sur l'Histoire du Parfum grâce au personnage de Sabrina. S'ajoute à cette histoire, des informations historiques complètes sur l'Histoire. (Ce roman m'a tout de suite fait penser à un livre qu'on m'avait offert quand j'étais enfant: les 100 plus grands parfums où on nous décodait les différentes notes, l'histoire de la création.)  En même temps, cette encyclopédie romanesque se double d'anecdotes historiques: Pascal Marmet fait d'une pierre deux coups avec son roman du parfum qui devient une sorte d'Histoire du Parfum pour les Nuls et d'un manuel d'Histoire à travers les parfums. L'auteur ne s'arrête pas là: l'Histoire du Parfum est la toile de fond du dialogue entre Sabrina et le célèbre acteur Tony Curtis. Tony Curtis apprend, en même temps que nous, l'Histoire du Parfum et apporte des anecdotes "people": du coup, le parfum n'est plus traité de façon intellectuelle, historique et théorique mais de façon pratique et expérimentale. Comme Sabrina nous retrace l'Histoire à travers celle du parfum, Tony Curtis raconte la sienne à travers les anecdotes du cinéma et, l'histoire du cinéma se fond elle-même dans un contexte historique précis. Par exemple, Sabrina va parler du n°5, de sa conception, de Gabrielle Chanel, et ce même parfum va rappeler à la Star la principale égérie Marilyn.  De cette évocation de Marilyn Monroe, va en découler une anecdote sur cette dernière, sur le film qu'ils ont tourné ensemble Certains l'aiment chaud.  Grâce à ce roman, on joue sur plusieurs tableaux. Outre le plaisir romanesque, on apprend de façon ludique et complète.
Au cours de ma lecture, je suis allée sentir quelques parfums que je ne connaissais pas et que j'ai découverts grâce à ce roman... Notamment Jicky.  Quand je l'ai senti, je me suis revue dans la salle de bains de ma grand-mère... Ce n'était pas CE parfum mais des notes étaient semblables. Et là, j'ai revu le flacon blanc et bleu en porcelaine sur une petite étagère en bois que ma grand-mère me prêtait. L'odorat est vraiment un sens incroyable.
Ce roman, je le place -c'est tout à fait subjectif- sous l'égide de Guerlain. Très présent pendant les premiers chapitres: Shalimar, L'heure Bleue, La Petite Robe Noire, Jicky...  Du coup, pour bien matérialiser ce phénomène, j'y ai déposé une mouillette avec L'heure bleue dessus (car je déteste Shalimar, La Petite Robe Noire me donne la nausée, et je ne veux pas banaliser Jicky).  Je sais que dès que l'odeur de L'heure Bleue se manifestera c'est le souvenir de la lecture de ce roman qui remontera immédiatement.
C'est tout à fait formidable qu'un roman puisse nous apprendre autant dans différents domaines et raviver tant de détails enfouis  de notre propre vie dont on avait totalement oublié l'existence.
Pour info, mon parfum à moi c'est luiMes 17ans dans une bouteille + 1jour particulier de ma 27ème année où j'ai remis ce parfum. Parfum très important!