Bonjour au lectorat de Proust
Bonjour au lectorat de Besson
Bonjour aux zotres
Voici quelques extraits notés au cours de ma lecture de En l'absence des hommes de Philippe Besson. Dès le début du roman, mon attention n'a été ni soutenue ni retenue, elle a été happée comme j'ai tenté de l'exprimer dans ma critique ici .
Votre attention est attirée, elle n'est pas retenue. (P.16)
Je n'ai pas l'expérience des corps mais je sais, comme une leçon apprise d'éternité, je sais d'un savoir absolu, qu'un corps qu'on enlace n'a pas cette rigidité. Je mesure exactement combien ce corps a été attaqué, entamé, meurtri, comme il a dû prendre l'habitude de se protéger, de se racornir, de se replier. Je mesure la densité de deux années de plomb. (P.39)
Combien de fois, au cours d'une existence, éprouve-t-on le sentiment net, exact qu'on rencontre quelqu'un qui comptera ? C'est ce sentiment que j'éprouve avec vous. Ah, si vous l'acceptiez, Vincent, je crois bien que nous pourrions être des amis. Je dis : je suis déjà votre ami. Au moment où nous parlons, cette amitié s'est déjà produite. (P.56)
Il faut tâcher d'être au plus près de la vérité. C'est ce qui exige le moins d'effort. (P.59)
Quand la porte se referme, je comprends que c'est autre chose qui commence, que je ne connais pas, où l'amour occupe tout l'espace alors que l'objet de l'amour n'est plus là. Je cherche ma respiration. Je ne pleure pas. Je ne pleure pas. (P.122)
C'est un deuil qu'il va me falloir faire, car c'est une disparition que je dois affronter. Je sais que tu es vivant, je prie pour que tu le restes. Mais je comprends que tu es inaccessible, que tu es là où je ne peux pas te rejoindre, et que j'ignore absolument la date de ton éventuel retour. Comment on résiste à cette folie, je l'ignore. Comment on surmonte ce genre d'épreuve, je l'ignore. Je suis dans cette ignorance intégrale, indépassable. Ta perte, c'est ma perte. (P.128)
Je suis au plus loin du moindre sentiment de culpabilité parce que je suis au plus près d'un sentiment d'amour. (P.146)
Tu manques à chaque instant. Chaque geste est incomplet. Chaque mot prononcé rencontre un silence. Chaque lieu traversé est vide de ton corps. Chaque regard est aveugle. Chaque minute est une morsure, un regret. Partout je sens ton odeur, ton désordre. Il me semble que, quelquefois, je pleure. Il y a ça : les pleurs. Je ne peux pas les empêecher. Ils surviennent sans que je puisse les empêcher. C'est le moment d'un désespoir affreux. C'est le moment où les souvenirs sont insupportable. Il faudrait ne pas avoir de mémoire. Il faudrait pouvoir tout oublier, être dans la pureté d'avant cette histoire. (P.158)