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« I know there was a time where once I Was king of the underground
But I still rap like I’m on my Pharoahe Monch grind«
En une phase, issue de l’énorme Rap God de son dernier album, Eminem résume parfaitement ce qu’il en est de sa carrière. Devenu sa propre caricature du rappeur provoc qui vend des millions de disques, on en oublierait presque que le Slim Shady était avant tout un putain de MC capable de mettre une claque sur un freestyle en trois minutes. Mais ça, c’était il y a 15 ans lorsque tout l’underground new-yorkais faisait ses classes sur des compilations estampillés d’un nom qui fait briller encore aujourd’hui des milliers de prunelles: Rawkus Records.
Et si Em’ rend hommage à Pharoahe Monch sur le morceau, ce n’est pas un hasard. L’ancien Organized Konfusion, au même titre que ses compagnons Mos Def et Talib Kweli , voit sa carrière liée à tout jamais avec le fameux label de NYC.
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Le Real Madrid de l’underground new-yorkais
Crée en 1996 par Brian Brater et Jarret Myer, Rawkus va rapidement s’imposer comme LE centre de formation de nombreux rappeurs en devenir. Le tout en s’appuyant sur ce qui plait aux amateurs de rap: des compilations, des mixtapes et des freestyles créant une émulation entre tout ces MC’s aux dents longues.
A peine un an après sa création, le label sort son premier volet des Soundbombing permettant à des Mos Def, Talib, Shabaam Sahdeeq, R.A the Rugged Man, Company Flow de faire leurs armes mic en main, le tout surchauffé par un maitre de cérémonie, DJ Evil Dee. Le rap, le vrai.
Le bouche à oreille fonctionne parfaitement, tout le monde veut en être et se frotter les uns aux autres. Notamment des légendes du rap qui voient ici un bon moyen de se mesurer à la nouvelle génération, le tout dans un bon état d’esprit. Et c’est en 98 que Rawkus va vraiment décoller par le biais de sa deuxième série de compilation: Lyricist Lounge.
On retrouve le roster maison, Mos Def et Talib Kweli en tête (qui créent dans le même temps le groupe BlackStar avec Hi-Tek à la production), devenus les deux têtes d’affiche du label, auxquels viennent se greffer des noms connus: les déjà anciens Q.Tip, De La Soul, Kool Keith, KRS-One et des habitués de l’unda qui cherchent un peu de lumière, Common, Pharoahe Monch ou encore Black Thought de The Roots.
Les mecs sont affûtés, ça kick sec, c’est intelligent et se développe autour de cette nébuleuse ce qu’on appellera le « rap conscient », tranchant radicalement avec les strass et paillettes de l’empire Bad Boy de P.Diddy et des Jay-Z et consorts.
Plus qu’un label, Rawkus devient une école, un mode de pensées et doit faire désormais avec un succès toujours plus important. Le deuxième volume de Soundbombing (peut être le plus grand concentré de talents sur un même disque de rap avec des Eminem et son incroyable « Any Man », Pete Rock, Grand Puba, Sadat X, Diamond D qui rejoignent tous les autres cités plus haut) et le premier album de Mos Def & Talib Kweli confirment tous les espoirs entrevus jusqu’ici en devenant des classiques et plaçant plusieurs titres dans les charts: 1-9-9-9 de Common & Sadat X issu de la compilation d’un côté, Definition et le merveilleux Respiration issus de BlackStar de l’autre. La machine est lancée.
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L’heure du succès
Et ce n’est qu’un début. C’est bien simple, entre 1999 et 2002, toutes les sorties Rawkus vont devenir des succès aussi bien critiques que commerciaux. En signant un deal avec Priority Records, filiale de chez Universal, le label s’assure une visibilité qui dépasse le strict cadre des puristes du rap. Le talent des artistes fera le reste.
Rien qu’en 99, deux classiques sortent de la maison. Pharoahe Monch s’émancipe de son duo avec Prince Paul pour sortir Internal Affairs et devenir ainsi l’un des meilleurs rappeurs du game, chose qui se vérifie encore aujourd’hui, comme en témoigne l’hommage d’Eminem plus haut. Dans un style d’une technique haute gamme et un univers assez crade, Pharo ouvre une porte que ne manqueront pas de prendre tous les arpenteurs du rap street de NY. Cerise sur le gâteau, il signe Simon Says, peut être le titre le plus connu du label (et qui vaudra des emmerdes à tout le monde pour un sample non autorisé).
A côté, Mos Def sort aussi son premier album solo, Black On the Both Sides qui restera à jamais l’album le plus vendu sous l’étiquette Rawkus avec plus d’un million d’exemplaires écoulés (500.000 sur les deux premiers mois, chiffre énorme pour un disque indé). Mos, avec son style à la cool, ses lyrics engagés et sa large palette de possibilité – où l’on retrouve Dj Premier, Ali Muhammad et même Will.i.am - s’impose comme l’artiste numéro 1 de l’équipe et vient se placer parmi les MC’s les plus respectés et respectables du pays.
Derrière, on assure avec la venue de Talib Kweli & Hi-Tek pour un grand Train of Thought, la sortie posthume de The Big Picture du regretté Big L (autre gâchette), le solo de l’architecte du son « Rawkus » Hi-Tek trop souvent oublié et pourtant très bon, puis le premier solo de Talib, Quality en 2002. Au mieux des classiques, au pire « seulement » d’excellents disques.
Point culminant, le single Oh No de Mos Def, Pharoahe Monch et Nate Dogg, tiré de compilation Lyricist Lounge deuxième du nom, peut être le meilleur équilibre entre mainstream et performance rap (le couplet de Pharo!!!!!) jamais trouvé pour un morceau à grande rotation radio. La belle époque.
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Et aujourd’hui ?
Que reste-t-il de tout ça en 2013 ? Rien d’autres que des souvenirs. Fort de leurs différents succès, les matelots vont petit à petit quitter le navire pour aller voguer vers des eaux à gros chèques, chez les majors. Seul Talib Kweli sortira un second album sous le label, The Beautiful Struggle, en 2004. Mais la magie n’opère plus, Rawkus signe des deals discutables/malchanceux et est obligé de vendre son catalogue pour survivre, en même temps qu’il sortira un best of en 2005.
Le label tentera bien de rebondir un an plus tard, trouvant un contrat avec Sony permettant de signer de nouveaux artistes émergents parmi lesquels Marco Polo, The Procussions ou encore Kidz in the Hall. Puis en 2007 lançant Rawkus 50, censé mettre en lumière les 50 rappeurs de demain. Sans rencontrer le même succès qu’à l’époque malheureusement.
Sept ans plus tard, aucune nouvelle, aucun projet, Rawkus n’est plus qu’un monument dont on contemple les ruines et sur lesquelles on fantasme encore.
Et si Rawkus n’a pas survécu aux départs de ses cadors, l’inverse est également vrai. Les Mos Def, Talib, Pharo, bien que poursuivant des carrières qui tiennent la route, n’ont jamais retrouvé leur succès d’antan. Et que dire des Company Flow, The High & Mighty et Shabaam Shadeeq carrément disparus des radars depuis (le dernier a donné un concert dans un bar perdu de Clermont-Ferrand l’an dernier sans la moindre pub mis à part de minuscules flyers posés sur les feux de circulation, la tristesse).
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Comme Time Bomb en France, le nom de Rawkus restera à jamais affilié à l’une des périodes les plus glorieuses et prolifiques du rap US, lançant dans le grand bain des artistes qui comptent parmi les plus connus et appréciés du hiphop aujourd’hui. Et si toutes les histoires d’amour finissent mal en général, c’est avec plaisir que l’on repense à tout ce qui a été fait à l’époque, laissant un héritage monstrueux aux générations futures. A découvrir ou réécouter.
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