Le nom de Marguerite Lambrun, bien que n'éveillant généralement aucun souvenir dans la mémoire de nos compatriotes, est celui d'une femme qui sut forcer l'admiration de la reine Elisabeth dans des circonstances particulièrement dramatiques.
Marguerite Lambrun appartenait à la suite de Marie Stuart et le malheur voulut qu'elle perdît son mari le jour même de l'exécution de cette reine. Violemment affligée par cette double perte, Marguerite Lambrun résolut alors de venger sa maîtresse et son mari en tuant la reine Elisabeth.
Ayant mûri son projet, elle se déguisa en homme et s'arma de deux pistolets, un pour commettre son attentat, l'autre pour se suicider par la suite. Elle se faisait appeler Sparck, de disait Écossaise et avait parfaitement étudié les habitudes de sa future victime. Quand l'occasion lui parut favorable, un jour que la reine Elisabeth se rendait à l'église, elle se mit en devoir de s'approcher d'elle à travers la foule mais, à ce moment, bousculée, elle fit un faux mouvement et un de ses pistolets tomba à terre. Les gardes l'appréhendèrent aussitôt et la reine fut informée sur-le-champ qu'un "homme" préméditait un attentat contre elle.
- Amenez-le-moi, ordonna la reine.
Elle s'apprêtait à l'interroger quand le soi-disant Écossais déclara hardiment :
- Madame, quoique je porte cet habit, je suis femme, je m'appelle Marguerite Lambrun et j'ai été plusieurs années au service de la reine Marie que vous avez fait mourir injustement. J'ai résolu, au péril de ma vie, de venger sa mort par la vôtre.
Elisabeth l'avait écoutée avec attention.
- Soit, dit-elle, vous avez cru faire votre devoir en attentant à mes jours ; quel est aujourd'hui le mien envers vous ?
- Je dirai mon sentiment sans détour, répliqua Marguerite Lambrun, quand Votre Majesté m'aura dit si c'est en qualité de reine ou de juge qu'elle me demande cela.
- En qualité de reine, reprit Elisabeth.
- Eh bien, Votre Majesté doit me faire une grâce.
La reine fronça les sourcils.
- Mais quelle assurance me donnerez-vous que vous n'entreprendrez pas une seconde fois une action semblable ?
- Madame, répliqua Maguerite Lambrun, la grâce que l'on veut donner avec tant de précaution n'est plus une grâce. Votre Majesté peut donc en user maintenant comme juge envers moi.
Un instant pensive, la reine se retourna vers quelques courtisans de sa suite.
- Il y a trente et un ans que je suis reine, dit-elle, mais je ne me souviens pas d'avoir jamais trouvé personne qui m'ait donné une pareille leçon.
Et, sans plus tarder, Elisbeth accorda à Marguerite Lambrun grâce entière et sans condition. Elle n'eut d'ailleurs pas à le regretter.