La Commission européenne a décidé d'ouvrir un "examen approfondi" des excédents commerciaux de l'Allemagne. Cela ne s'invente pas. On pourrait prendre la démarche de l'équipe Barroso, qui vit ses derniers jours au pouvoir de cette eurocratie, pour de l'habileté politique. C'est d'abord la reconnaissance, pour la première fois et d'une manière des plus fortes, du caractère prédateur de l'économie allemande dont l'ancien monarque, et quelques-uns encore aujourd'hui, louait les qualités.
Comme l'écrivent, enfin mais sobrement, les Echos, "l'Allemagne contribue aussi aux déséquilibres de l'euro". Et de préciser, citant Olli Rehn: "Une telle procédure, pouvant in fine déboucher sur des sanctions contre Berlin, se justifierait par le fait que l'Allemagne, première économie européenne, a dégagé un excédent "excessif" de ses comptes courants supérieur à 6% depuis 2007." Il fallait réaliser que la France prévoyait encore un déficit commercial de 1,5% de son PIB pour 2015; l'Italie un léger excédent de 1,1%, l'Espagne un vigoureux +3,3% et l'Allemagne... +6,4%.
On n'a pas encore saisi la portée politique de cette affaire. C'est à cause de l'Allemagne que des contrôles budgétaires ont été imposés aux 28 Etats de l'Union en contrepartie du soutien financier à la Grèce puis à l'ensemble de l'Europe du Sud. Cette procédure, inédite en Europe, est en cours pour la première fois cette année. Une procédure que la France n'a pu renégocier en août 2012 (remember #TSCG ! ). Les services d'Olli Rehn sont à l'oeuvre, plus rapprochés des bureaux de Barroso depuis quelques mois. Chaque pays est donc scruté, ligne budgétaire par ligne budgétaire.
Cette enquête européenne est aussi une opération de communication politique. Les élections européennes sont proches. Le front europhobe est fort. En France, Marine Le Pen s'imagine déjà y jouer un rôle de premier plan. Ailleurs, l'europhobie prend des allures plus racistes encore. Les soubresauts neo-nazis, hier en Autriche, aujourd'hui en Grèce, inquiètent. Barroso veut donner des gages, montrer qu'il est "indépendant". La démarche a surpris, même son propre commissaire aux affaires économiques Olli Rehn, "lui-même en proie aux doutes", expliquait Anna Bauer pour les Echos.
Cette enquête permet aussi de mieux tacler d'autres pays de l'euro-zone, comme la France. Car l'un des eurocrates de l'équipe (non élue) de Barroso, le désormais fameux Ollie Rehn, a encore des reproches de compétitivité à faire à la France. Il y a quelques jours, Olli Rehn avait déjà critiqué le redressement des comptes publics et même l'inversion de la courbe du chômage: "Les effets positifs de la réforme du marché du travail ne sont pas attendus avant 2015".
Cette même Allemagne inquiète jusqu'au Trésor américain. Ce dernier vient de publier un rapport qu'on jugera agressif ou lucide: la politique d’Angela Merkel provoquerait "une tendance déflationniste" en Europe: plans d'austérité en Europe, demande intérieure faible, dumping à l'export... qui dit mieux ? Même Atlantico s'en inquiète... imaginez-vous...
L'Europe est encore malade, fragile, affaiblie.
La reprise sera "lente" en Europe. L'Espagne cesse de réclamer des aides européennes pour sauver ses banques. A Bruxelles, on applaudit. Cela voudrait dire que ça marche, on sourit. A quel prix ?
José-Manuel Barroso n'a rien compris, rien appris, rien retenu.
Car cette Europe craque et va craquer davantage encore.
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