Tuer le socialisme ou tuer la France
Publié Par Lucas Heslot, le 15 novembre 2013 dans PolitiqueDans son dernier discours de commémoration du centenaire de la guerre 14-18, le président déclare que la France doit se réformer. La majorité du pays en est aujourd’hui consciente. Mais alors, si nous sommes tous d’accord, pourquoi rien ne se passe ? Le président gouverne-t-il son parti, ou son pays ?
Par Lucas Heslot.
Une refonte de l’État nécessaire, mais impossible
Ce que M. Hollande sait être nécessaire à la France, est en fait en profond désaccord avec les modalités de son élection, et il en est parfaitement conscient. Il est aussi conscient que c’est pour cette raison que seuls 2 Français sur 10 lui font confiance. Cela dit, s’il avait présenté, avant les élections, un programme pragmatique et réaliste, il n’aurait même pas passé le stade de la primaire – voyez le score de Manuel Valls, qui était pour la suppression des 35h – et encore moins le stade de l’élection présidentielle, puisque son programme aurait été une copie, à deux-trois lignes près, de celui du président sortant.
Ce réformisme n’a pu être imposé aux électeurs de gauche car il est tout simplement contraire à l’idéologie socialiste, qui voit en l’État une réponse à tous nos maux. Peu importe que 6 euros sur 10 dépensés en France le soient par la puissance publique, le problème vient des 4 euros encore dépensés librement. C’est cela, le fond de l’idéologie socialiste. Ce malheur se manifeste extraordinairement dans la politique du gouvernement depuis 1 an et demi. Nos dirigeants ne peuvent se résoudre à baisser les dépenses, et, sous couvert de sérieux budgétaire, augmentent les impôts alors que le secteur privé est déjà au bord du gouffre, si ce n’est en plein saut de l’ange. François Hollande ne peut donc baisser drastiquement le poids de l’État dans l’économie, au risque de rompre avec son parti, et ainsi faire éclater sa majorité.
En effet, depuis son élection, le « chef de l’État » est le chef de sa majorité. Il doit s’efforcer de ne pas froisser ses alliés communistes, au risque de faire perdre au PS son aile gauche. Il ne peut non plus trop jouer les réformateurs, au risque de faire perdre au PS son aile droite, qui pourrait fuir au centre. Cela révèle un profond malaise idéologique au sein de son parti, et plus profondément, le non-sens politique total que représente le PS actuel à l’heure de la mondialisation et du XXIe siècle, qui l’empêche de faire son meaculpa. Cet examen de conscience a été fait il y a bien longtemps chez leurs confrères du SPD d’outre-Rhin – ils ont rompu avec le marxisme en 1959 avec pour mot d’ordre : « le marché autant que possible, l’intervention publique autant que nécessaire ». Les marges de manœuvres politiques de la gauche au pouvoir sont donc particulièrement minces, partant du fait que le président gouverne son parti, et non la France.
Le changement, c’est pas maintenant
En réalité, le président n’a aucune intention de réformer la France. Il espère juste, par la magie des mots, calmer les ardeurs des entrepreneurs, artisans et commerçants, et même salariés, qui commencent à s’impatienter. C’est sa manière de ménager son aile droite. Il est clair que c’est un stratège, sinon il ne serait pas à la place où il est, au regard de sa position quand il a lancé sa candidature à la primaire socialiste. Malheureusement, il met cette intelligence au service de son parti afin d’éviter son éclatement, et non au service de la France, au risque de la voir éclater en mille morceaux si rien n’est fait. Les « grandes réformes » se limiteront donc à la désormais célèbre « boite à outils ».
Le plan est donc d’attendre sagement le retour de la croissance. Le président pense réellement que le chômage pourra baisser grâce à elle. En réalité, il faudrait 2% de croissance pour observer une création nette d’emplois, ce qui n’arrivera pas avant très longtemps en France. Qu’importe, les emplois d’avenir vont nous sauver. Le diagnostic est donc que nous sommes au creux de la vague, et que tout va repartir comme sur des roulettes. Ainsi tous les problèmes accumulés depuis 40 ans vont s’évaporer sous la chaleur de la reprise économique. En attendant, il suffit de distribuer un bisou par-ci, un câlin par-là. Seul problème : le diagnostic est erroné, la chômage ne baissera pas car le blocage de la France est structurel.
On pourrait en venir à se demander si tout cela n’est pas fait simplement dans le but de faire monter le FN au détriment de l’UMP, ce qui assurerait la réélection de Hollande face à Marine Le Pen en 2017, sur fond de retour de la croissance. Récompensé par le clergé (les fonctionnaires) de ne pas leur avoir trop tapé dessus.
Les ordonnances ou la guillotine
Le régime de la Ve République est adapté à la tradition française, et permet la réforme. La France l’a toujours fait dans la douleur –1789, 1945, 1958, 1983. Nous ne sommes pas un pays comme l’Allemagne où le dialogue social marche, mais un pays qui attend son homme providentiel. À ce titre, Hollande ressemble à Louis XVI en son temps. Ce dernier n’était pas un tyran, il voulait réformer mais ne pu le faire en raison des corporatismes de l’époque. La révolte de juillet a été permise par son déficit d’autorité. Un parallèle avec la France d’aujourd’hui. Faut-il couper la tête du roi pour que ce pays renaisse ?
Le régime présidentiel du quinquennat est certes inadapté face à la lenteur du processus institutionnel français, mais il reste au président une carte à jouer pour la contourner : les ordonnances. Les ordonnances pourraient lui éviter la guillotine : elles permettent de contourner les intérêts particuliers des assemblées, des lobbies, ou des administrations – la haute administration ayant tendance à transformer chaque projet de réforme en coquille vide. C’est grâce à ce processus que Charles de Gaulle a pu redresser le pays en 1958.
Mais Hollande n’en fera rien, car comme je l’ai démontré, il ne le peut. S’il fait ce qu’il y a à faire, il tue le socialisme français. Commencez maintenant le chantier pour 2017 : le prochain président devra arriver à l’Élysée avec un projet précis, à mettre en œuvre par ordonnances dès son premier jour en poste, qu’il aura construit avec les acteurs de la société civile, comme l’a fait Margaret Thatcher il y a 30 ans. 2012 restera comme une occasion manquée, et la suite du mandat présidentiel restera politiquement atone, victime du projet électoral socialiste.
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