14 novembre 2013
Je ne me suis toujours pas remise d’avoir complètement raté mon année de Philosophie. Sanctionnée par la note de 7/20 (avec pour coefficient 8), l'épreuve du Bac m'a presque été fatale et j’ai eu ma vie durant le sentiment d’une frustration et d’une carence. Aussi, quand j’ai vu le petit livre de Frédéric Lenoir arriver chez mon marchand de journaux de Fumel, et en plusieurs exemplaires, me suis-je tout de suite précipitée pour l’acheter.
Un petit ouvrage, mais très condensé, qui aide le néophyte à cheminer entre les grands penseurs de l’Antiquité à la période contemporaine, d’Héraclite à André Comte-Sponville en passant par Aristote, Epicure, Bouddha, Jésus, Lao Tseu, Spinoza et Sigmund Freud.
La question fondamentale est « Qu’est-ce que le bonheur ? ». La plupart des grands penseurs qui structurent la pensée humaine ont leur propre interprétation sur la voie qu’il convient d’emprunter pour atteindre cet état. Parfois, ils l'ont pourtant payée de leur vie (Socrate) ou du bannissement de leur communauté (Spinoza). L’important est de se rendre compte du bonheur. Sénèque dit « pendant que l’on attend de vivre, la vie passe. » Là est le danger.
Car le bonheur est contagieux, tout comme le malheur. Etre heureux contribue donc au bonheur des autres. Voltaire disait, lui : « Le paradis terrestre est là où je suis. » Une philosophie comme je les aime !
Frédéric Lenoir, tout en brossant un tableau des principales écoles de pensée et des correspondances qui existent entre elles à travers le temps et l’espace – comme entre la doctrine stoïcienne et la pensée bouddhiste qui nous apprennent à nous libérer du désir – donne quelques pistes pour accéder au bonheur. Par exemple, tout l’art du bonheur consiste à ne pas se fixer des objectifs trop élevés, inatteignables ou écrasants. Il est bon de les graduer, de les atteindre par paliers, de persévérer sans crispation tout en sachant parfois lâcher prise et accepter les aléas, les échecs de la vie.
L’auteur rejoint en cela les conseils de Mihali Csiksentmihalyi « Vivre, la psychologie du bonheur » commenté voici quelques mois ici-même.
L’apport de la sagesse orientale est d’inverser la problématique classique : au lieu de chercher à adapter le monde à ses désirs, le sage cherche à adapter ses désirs au monde. Le bonheur du sage ne dépend plus ainsi des événements aléatoires du monde extérieur mais de l’harmonie de son monde intérieur.
Le livre comporte d’importants développements sur les écrits de Montaigne : une pensée vibrante, souple, vivante, au fil des expériences quotidiennes, subjective, aux antipodes de toute prétention dogmatique, mise en parallèle avec l’œuvre fondatrice de Spinoza et son éthique attractive du désir.
Dans un langage parfaitement accessible à chacun, Frédéric Lenoir m’a permis d’y voir un peu plus clair dans les différents courants de pensée et de sagesse qui fondent notre société si perturbée. J’ai apprécié qu’il ne professe aucun prosélytisme pour tel type de pensée par rapport à une autre, si ce n’est le postulat que la recherche du bonheur individuel ne peut se concevoir que dans un projet collectif d’amélioration de la société.
Une pensée bien nécessaire en ces temps de doute et d’opposition à toute forme de changement !
Une autre question, plus prosaïque : du Bonheur se vendra-t-il encore mieux que le "Petit traité de vie intérieure" qui a atteint plus de 330 000 exemplaires ? La spiritualité est rentable, car nous sommes tous en quête de sens. Cela fait au moins le bonheur de l'auteur, que j'aime bien !
Du bonheur, un voyage philosophique, essai de Frédéric Lenoir, édité chez Fayard, 226 p. 18€