La ville nouvelle de Luodian est un pur produit de l'initiative "One City, Nine Towns" introduite en 2001 par laquelle chaque district suburbain de Shanghai s'est vu assigné une ville et un thème. A Luodian, on a collé un thème suédois. D'autres ont reçu d'autres thèmes, à savoir : les Pays-bas à Gaoqiao, l'Espagne à Fenchang, l'Italie à Pujiang, l'Allemagne à Anting, près des usines Volkswagen, l'Angleterre à Songjiang, l'Amérique du Nord à Fengjing, la Chine traditionnelle à Zhoujiajiao et donc la Scandinavie à Luodian. L'idée était qu'importer des styles différents rompraient la monotonie des banlieues qui s'étendent de tous côtés puisque la classe moyenne croît de manière exponentielle. Les besoins se modifient, les jeunes Chinois ne rêvent plus d'être entassés avec leurs parents et grands-parents dans des espaces exigus. Une autre raison justifiant la création de ces nouvelles villes est la spéculation qui sévit partout en Chine, dans les villes en particulier.
Gaoqiao, ville hollandaise
La préparation initiale et les thèmes ont rapidement été mis en place, tellement vite que les projets ont eu du plomb dans l'aile dès le départ. Modifications, complications et restrictions ont été au menu. Les architectes mandatés ont d'abord salué la liberté dont ils jouissaient, avant de déchanter quand les autorités ont imposé des règles qui les ont obligés à changer les plans originaux. Quasi immédiatement, le thème "méli-mélo" occidental de Zhoupu a été annulé. Il y a eu des erreurs. A Anting ville allemande, on a misé sur des bâtiments modernes plutôt que sur ceux d'une Bavière traditionnelle, ça resemble à un banlieue allemande sans charme. Les habitations n'ont pas été pensées pour la clientèle asiatique: les fenêtres des immeubles sont orientées est-ouest alors que le feng shui préconise de les placer nord-sud. Un des architectes du projet déclarait récemment: «Les Chinois ne voulaient pas d'une ville allemande, mais d'une ville qui ressemble à une ville allemande.» La ville espagnole de Fenchang , elle, est loin du centre-ville, trois heures et demie en transport public. Ajoutons encore des fraudes, des chantiers laissés à l'abandon.Songjiang, ville anglaise
Anting est une ville fantôme. Seulement un logement sur cinq est occupé., comme toutes les autres. Les magasins n'ont pas trouvé preneurs. Luodian, ville scandinave aussi. L'avantage est que l'on peut s'y rendre facilement en métro.Et un peu danois puisqu'on nous dit que
les châteaux font penser aux contes
d'Andersen
Suédois par les couleurs
Nous sommes accueillis par des agents immobiliers. Non, nous n'allons pas acheter un appartement "suédois" à Shanghai. Oui, nous sommes curieux. C'est par un petit pont que l'on entre dans la ville. La rue principale est bordée de magasins - vides (avec affiches délavées "Opening soon") - ou dont la marchandise est soldée. Pour le lèche-vitrine, il faudra aller ailleurs. Pour rencontrer du monde aussi.
Heureusement qu'au bord du lac artificiel Meilan, le parc attire une foule chinoise avec des habitudes chinoises, pique-nique, tentes, sorties en famille et des tas de mariés, des vrais et des faux, pour profiter du paysage.
De vrais mariés, elle porte des chaussures
à talon et il triche pour avoir l'air plus grand
Un architecte de l'Université Tongji de Shanghai commente, un peu fâché : " Ces villes sont magnifiques, mais elles me font mal aux yeux. Les autorités chinoises manquent de confiance en notre propre culture et nos traditions en pensant que l'Occident est mieux. Si nous ne pouvons pas nous identifier à notre propre culture, il nous est impossible de nous identifier à nous-mêmes."
Nous avons vu le signe "New town, new life" (nouvelle ville, nouvelle vie), j'ai lu sur Internet que quelqu'un proposait "New town, no life" (nouvelle ville, pas de vie), un slogan pas très vendeur mais bien réaliste.